... "Papy" Souriau ( Alias le mathématicien-Géomètre Jean-Marie Souriau ) est un personnage-clef de ma vie scientifique. Grâce à lui j'ai entrepris un très pénible complément de formation en mathématiques, démarche dans laquelle il fait preuve d'une grande patience. A quatre vingt trois ans, il est d'une créativité intarissable, grâce à une liqueur magique, le Fernet-Branca, que sa mère lui donnait déjà dans son biberon. Puissant stimulant neuronal, en même temps que remède à de nombreux maux, cette liqueur à base d'artichaut est diversement appréciée. Selon Souriau "Quand on goûte ce breuvage pour la première fois, on pense qu'il s'agit d'un produit pour décaper l'argenterie. Puis on se prète à regretter que cela n'en soit pas un".

... Papy est un des pionniers de la Géométrie Symplectique (je le soupçonne d'être la réincarnation de Lagrange, mais,évidemment, je n'ai pas de preuve). C'est également le père de cet outil qu'est l'action coadjointe d'un groupe sur son espace des moments., lequel permet de faire émerger le statut géométrique des objets de la physique (la masse, l'énergie, l'impulsion, etc). Voir sur le site.

... Souriau s'en est servi pour produire par exemple la première interprétation géométrique du spin. Détail qui a son importance : l'homme ne parle ni ne comprend l'anglais. Il a donc publié une part importante de ses travaux en Français, dans deux ouvrages à haute densité : Géométrie et Relativité (Hermann, 1964) et Structure des Systèmes Dynamiques (Dunod 1974) , textes d'un hermétisme sans faille qui sont des contributions importantes à la Physique Mathématique, mais sont bien entendu épuisés et souvent difficilement trouvables. La Physique Mathématique ne doit pas être confondue avec la Physique Théorique, dont Souriau donne une définition personnelle : la Physique, moins l'expérience et les Mathématiques, moins la rigueur. Dans Géométrie et Relativité Souriau reprend un travail initialement fait par Kaluza en introduisant une dimension supplémentaire, une cinquième dimension. Lorsqu'on écrit que le tenseur second membre de l'équation de champ d'Einstein possède une divergence nulle, on obtient classiquement les équations de la mécanique des fluides, sous leur forme simplifiée (les équations d'Euler). Dans un contexte géométrique doté d'une dimension supplémentaire les équations de Maxwell apparaissent, ce qui n'est pas le cas avec quatre dimensions. L'approche fait en outre apparaître un scalaire et une équation surnuméraires, sans interprétation immédiate. Il s'agit donc "d'une équation en quête de phénomène" (situation qui est en général celle de la théorie des supercordes). Toute suggestion concernant l'interprétation physique de cet ensemble "scalaire plus équation" serait évidemment bienvenue. Nous contacter.

... Les travaux de Souriau sont extrêmement variés. Contrastant avec nombre de mathématiciens dits "purs", il considère que les mathématiques et la physique sont et doivent être indissolublement liées. C'est un des rares mathématicien que je connaisse qui soit capable de localiser au premier coup d'oeil le carburateur ou la batterie, sous le capot du moteur d'une automobile. Dans le site présentation de travaux d'autres chercheur), j'ai évoqué ses travaux sur la dynamique du système solaire. On sait que les positions relatives des planètes, la distribution de leurs orbites reste un mystère. La célèbre loi de Titus-Bode n'en constitue qu'une description empirique. En se fondant sur les mécanismes de résonance, Souriau a montré que les planètes tendaient à se positionner sur des orbites correspondant à une "loi dorée" (fondée sur le nombre d'or). Pourquoi ce nombre mythique apparaît-il ici ? On sait que les nombres se répartissent en différents ensembles. Il y a les entiers, puis les rationnels (les nombres qui peuvent être mis sous la forme d'un rapport de deux nombres entiers), puis les irrationnels (qui ne peuvent pas être décrits de cette façon) etc. On sait "mesurer le degré d'irrationnalité" d'un nombre, cette mesure ayant été introduite par Emile Borel. Sous cet aspect le nombre d'or, solution de l'équation :

x2 - x - 1 = 0

est le plus irrationnel de tous les nombres. Quel rapport ensuite avec la résonnance ? Imaginez que vous pinciez une corde vibrante, qui oscillerait avec une période T1. Le son émis pourra faire résoner une corde voisine, de période nominale T2. La résonance sera maximale si T2 = T1. Elle sera notable si le rapport des périodes est une fraction rationnelle (rapport harmonique), beaucoup plus faible si ce rapport est proche d'un nombre irrationnel, comme par exemple racine de deux et minimale si le rapport est égal au nombre d'or.

...Souriau, de son propre aveu (comme paraît-il tous les mathématiciens) trouve ses idées en dormant. Il pense (comme beaucoup d'autres, qui n'osent pas le dire tout haut) que notre physique planétaire est enlisée jusqu'au moyeu depuis un demi-siècle, la dernière contribution notable étant, selon lui, celle du prix Nobel Richard Feynman, concernant l'électrodynamique quantique. Souriau envisageait même de rédiger un ouvrage qui se serait intitulé "Cinquante ans de non-Physique". En effet, la théorie des supercordes ne semble guère, en dépit de déclations comme celles de Thibaud-Damour (voir plus loin) porter des fruits, où même de simples boutons. Trente ans après que les "pionniers" aient "ouvert la voie", cela reste essentiellement une affaire pour se distraire entre amis, étant donné que cette "théorie" n'a jamais été capable d'interpréter la moindre observation, le moindre phénomène ou de proposer la moindre expérience. Cependant (voir Structure des Systèmes Dynamiques) Souriau a apporté d'importantes contributions à la théorie quantique en parvenant à reconstruire les différentes équations (Schrödinger, Klein-Gordon, Dirac, Pauli, Maxwell) en partant de groupes, ceci constituant la "quantification géométrique". Ainsi la vision quantique du réel découlerait-elle d'une extension du contexte géométrique, de quatre à cinq dimensions, la cinquième dimension, ou "fibre", étant fermée.

... Récemment (fin 99), Jean-Marie a imaginé une variante de l'axiomatisation des groupes (présentée à Grenoble, début 2000, lors d'un congrès d'épistémologie). Début 2000 il est intéressé aux quasi-cristaux (découverts en 1984). Dès que j'aurai un moment, je présenterai ce nouveau travail, également présenté lors de ce colloque, sur mon site.

... En cette aube du troisième millénaire, il a enfin inventé un contrepet qui a tenu nos lecteurs en haleine pendant plus de deux semaines, et dont la solution a finalement été trouvée, le même jour, indépendemment, par Xavier JANC et Dominique GIGON. Voici ce contrepet :

particule élémentaire

... Cliquez dessus pour avoir la solution, après avoir vérifié que vous avez plus de dix-huit ans.

9 novembre 2004 :

Une photo de Souriau :

Le bon sens, que d'autres appellent utopie

                                                                               J.M.Souriau

 

 

jean_marie_souriau

 

Mai 2006. Pioum, le chat de Souriau, est brutalement décédé à l'âge de 14 ans.

Pioum, le chat de Souriau.

Pioum n'était pas un chat ordinaire. Faisant une confiance absolue dans le genre humain il avait pour habitude d'aller se mettre sur les genoux de tout visiteur, quel qu'il soit. Nous avons tous été très affectés par se disparition, tant nous avions pris l'habitude de l'avoir sur nos genoux quand nous venions faire des séances de maths dans la cuisine de Jean-Marie. Après avoir vécu tant d'années aux côté de ce grand mathémticien il n'est pas à exclure que Pioum n'ai pas à notre insu pu acquérir quelques notions de théorie des groupes ou de géométrie différentielle. En effet, à certains moment de nos discussions son regard semblait s'allumer, comme s'il suivait avec intérêt nos propos, sans mot dire, puisque les chats, en principe, ne sont pas dotés de la parole.

Il y a une semaine Pioum est allé saluer son maître, sur son lit. Jean-Marie est alors allé prendre son petit déjeuner. Quand il est revenu dans la chambre Pioum était discrètement passé de vie à trépas, pour une raison inconnue. Nul doute que Pioum a du gagner le paradis des chats.

Nous savons tous quelle place Pioum tenait dans la vie de Jean-Marie, qui pourtant a de nombreux enfants, petits enfants et amis. Cette disparition s'ajoute à une soudaine pénurie de Fernet-Branca, la grande surface située en face du domicile de Jean-Marie ayant décidé de ne plus mettre à la disposition du public cette boisson, pourtant extrêmement bénéfique sur de nombreux plans et qui est depuis son enfance la boisson favorite du professeur Souriau, à laquelle celui-ci attribue nombre de ses découvertes en mathématiques.

 

Jean Marie Souriau est décédé en mars 2012.

Disparaît un des principaux fondateurs de la Physique Mathématique. Une figure étonnante alliant, en mathématiques, une agilité intuitivec une créativité ébouriffantes, et en physique une perception un sens aigû de l'observation et du décodage des phénomènes. Son site internet.

souriau_cuisine

La phrase favorite de Souriau :

La physique théorique, qui est devenue une physique sans expérience et une mathématique sans rigueur, a fait que la science et devenu un vaste hôpital psychiatrique où ce sont les fous qui ont enfermé les autres. La période scientifique de ces dernières décennies, où la science est devenue médiatique et virtuelle, pourrait se résumer par la formule : " cinquante ans de non-physique ".

Souriau, c'était le grand huit en géométrie, l'abstraction à vous couper le souffle, suivis aussitôt d'une reprise de contact étroite avec les choses du réel.

Inoubliable

 

 

Une interview de J.M.Souriau par son élève et ami le mathématicien Patrick Iglesias.

Une vidéo où j'interviewe Jean-Marie chez lui, en 2008, dans son site ( "catastrophe" )

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