Conférence donnée à Supaéro
le 10 juin 2003

MHD et vol hypersonique

J.P.Petit

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Rappel sur l'histoire de la MHD en France.

L'inventeur de la MHD ou magnétohydrodynamique est l'anglais Michael Faraday. Cette discipline présente deux volets :

- Les accélérateurs MHD ou l'art et la manière de mettre des fluides en mouvement à l'aide de forces de Laplace ("forces de Lorentz" en anglais) J x B

- Les générateurs MHD où l'art et la manière de convertir l'énergie cinétique d'un fluide en mouvement en électricité.

Faraday expérimenta les deux formules. Dans les deux cas il mit en oeuvre un convertisseur linéaire auquel il laissa son nom. Schématiquement un convertisseur linéaire est une tuyère porteuse d'électrodes (segmentées, pour obtenir une meilleure distribution du courant électrique dans la veine) flanquée de bobinages produisant un champ magnétiques transversal. L'axe du dispositif, la direction du champ magnétique et la direction du champ électrique créé par les électrodes forment un trièdre trirectangle.

Convertisseur de Faraday

Au début des années soixante le Anglais furent les premiers à envisager une production d'électricité par voie MHD, sans pièces mobiles, par "conversion directe". Sur le papier ça a l'air très simple. Un fluide déboule à une vitesse V dans une tuyère et coupe les lignes de force d'un champ magnétique B. Il en résulte un champ électromoteur V x B qui crée un courant J (densité de courant, en ampères par mètre carré), lequel est collecté par les électrodes et vient se boucler dans des résistances de charge. Ces générateurs MHD présentaient plusieurs intérêts. Ils pouvaient etre mis en oeuvre très rapidement. Mais ils s'affranchissaient également de la barrière du "rendement de Carnot" qui limitait celui des turbines à gaz de l'époque à 40 %. Les calculs théoriques indiquaient que "sur le papier" on pouvait espérer obtenir des rendements globaux frisant les 60 %. Si ces machines avaient pu fonctionner ceci signifiait qu'à partir de la même quantité de combustible fossile on aurait pu tirer 50 % d'énergie électrique en plus.

Mais les gaz sont de piètres conducteurs de l'électricité. Considérons un mélange gazeux issu de la combustion d'hydrocarbures. Ses composants possèdent un potentiel d'ionisation. Mais même aux températures les plus élevées possibles autorisées par la technologie la conductivité électrique du milieu restera faible. Seule une faible partie de l'enthalpie du gaz sera converti en électricité, la majeure partie étant dissipée dans la veine par effet Joule.

On envisagea donc d'accroître la conductivité de ce gaz en y adjoignant une substance à bas potentiel d'ionisation, essentiellement un alcalin. Ce problème de rehaussement de la conductivité est si critique qu'on envisagea d'emblée de recourir à la substance qui soit le plus facilement ionisable : le césium. Les premières expériences de conversion MHD furent donc conduites en adjoignant en aval d'une chambre de combustion brûlant des hydrocarbures un générateur linéaire de Faraday. Les résultats furent décevants. Il aurait fallu disposer d'une température avoisinant les 3000°, c'est à dire celle du filament d'une lampe à incandescence. Les efforts se portèrent sur la tenue thermique des matériaux : parois et électrodes. En ce début des années soixante il n'était pas rare qu'en cours d'expérimentation les électrodes volent en éclat, de même que les plaque destinées à assurer la tenue thermique des parois. Ces recherches concernant ce qu'on appela des "cycles ouverts" se poursuivirent dans de nombreux laboratoires du monde pendant les années soixante. En France y participèrent l'Edf dans son centre de recherche des Renardières, près de Moret-sur-Loing, l'institut Français du Pétrole et la CGE (compagnie générale d'électricité). L'effort MHD international (civil) alla jusqu'à mobiliser 5000 chercheurs, répartis dans des dizaines de laboratoire dispersés dans le monde entier. L'insuccès amena l'arrêt progressif des recherches. Les Russes furent les derniers à s'accrocher jusqu'au milieu des années soixante-dix, avec un générateur expérimental nommé "U-25", installé près de Moscou.

Le générateur MHD russe U-25. Au premier plan l'électro-aimant.

Les dimensions impressionnantes de la veine du générateur U-25. Les électrodes sont à droite et à gauche.

Une autre filière fut très vite envisagée, en recourant à ce qu'on appela une "conduction électrique hors d'équilibre (thermodynamique)". On détaillera plus loin ce genre de situation où la température électronique Te excède la température du gaz Tg. Ce sont les conditions qui règnent dans un tube au néon. L'idée de base est la suivante. Dans le tube au néon un champ électrique E, créé par des électrodes, accélère les électrons libres le long de leur libre parcours moyen ( entre deux collisions avec des atomes neutres ou des ions ). Si ce libre parcours est assez long l'énergie cinétique acquise par les électrons peut atteindre l'énergie d'ionisation Ei d'un atome. Lors d'une collision il y aura donc "avalanche électronique". La circulation du courant électrique crée donc, dans le tube, un état ionisé. Phénomène inverse : les ions attirent les électrons libres relativement lents et tendent à les capturer (désionisation radiative).

J'ai déjà mis sur mon site deux dossiers concernant la MHD, présentés sous un niveau de vulgarisation. Il y aura des appels par liens dans la suite de ce dossier.

Au milieu des années (plus précisément en 1964, au congrès de Newcastle, en Angleterre) un jeune chercheur Russe, Vélikhov prédit l'apparition d'une instabilité d'ionisation, extrêmement brutale (quelque microsescondes). La théorie de ce phénomène n'a rien d'évident. Son mécanisme est un défi à l'intuition. Voici une image qui date des années soixante et qui montre (les simulation numériques de l'époque exigeait les systèmes les plus performants et ces images proviennent d'URSS). On voit la façon dont cette instabilité se développe, qui serre par endroits les lignes de courant électrique. Cet accroissement local de J entraîne une réponse du gaz sous forme d'ionisation. Le milieu de stratifie ainsi, avec apparition de strates à fortes conductivité électrique, alternant avec des zones à faible conductivité électrique.

Evolution de l'instabilité électrothermique dans un convertisseur de Faraday (1968)

C'est cette instabilité, à laquelle personne ne put trouver remède qui provoquant l'effondrement de l'ensemble de l'effort MHD civil dans le monde (des dizaines de labos, 5000 chercheurs). A la fin des années soixante la partie était jouée en Europe. Toutes les équipes furent démantelées, en dépit d'une unique succès à l'Institut de Mécanique des Fluides de Marseille, entre 1966 et 1970. Il y eut deux résultats marquants.

- Premier fonctionnement d'un générateur hors d'équilibre, stable vis à vis de l'instabilité d'ionisation (J.P.Petit, 1967, 7° congrès international de Varsovie). Température gaz : 6000°, température électronique : 10.000°, extraction de puissance : 2 mégawatts. Débit de courant notable jusqu'à 4000°.

- Accélération d'un plasma d'argon. Paramètres d'entrée : pression, un bar, vitesse : 2700 m/s, température : 10.000°, conductivité électrique : 3000 mhos/m, champ magnétique : 2 teslas. Longueur de la tuyère (accélérateur du type de Faraday) : 10 cm. Vitesse de sortie 8000 m/s. Labo de MHD de l'institut de mécanique des fluides de Marseille. Thèse de Bernard Forestier.

Ces deux résultats passèrent totalement inaperçus à l'époque. Comme évoqué dans mon livre les Américains ont découvert au milieu des années soixante dix les fantastiques potentialités de la MHD au plan militaire. Ils ont alors développé des recherches très poussées dans différents sanctuaires, dont la fameuse aire 51. En 1980 une torpille hypervéloce MHD américaine atteignit 2000 km/h. Les Russes possèdent un engin similaire, d'un mètre de diamètre (nom de code "la Grosse"). J'installerai un dossier en expliquant qu'il existe un lien direct entre cet engin, que les Russes projetaient de vendre aux Chinois et le naufrage du Koursk.

Les Américains poussèrent très vite des recherches axées sur le vol hypersonique. Les Russes avaient un projet similaire : "Ajax", qui ne put aboutir faute de financement. Les recherches furent développées de manière intensive dans le plus grand secret. Mais j'ai pu savoir en 1986 de la bouche du professeur Kunkle (directeur du laboratoire de physique des plasmas de Berkeley) qu'une partie de ce programme était géré au Lawrence Livermore Laboratory (Californie) ainsi que dans les laboratoires Sandia, près l'Albuquerque. Ces recherches conduisirent assez rapidement à des résultats majeurs, les Américains ayant consacré à ce "black program" des efforts et un financement comparables à ceux de projets comme Manathan et Appolo La différence est que ces recherches furent menées dans le secret le plus absolu. En l'occurence, non seulement on cacha l'existence de ces recherches au reste du monde mais on désinforma à tour de bras. De manière magistrale les Américains laissèrent délibérément péricliter leur MHD civile. Plus de contrats, plus de Phd, plus de ... cours. Une discipline fondamentale appelée à jouer un rôle majeur sombra dans ... l'oubli (et personne ne s'en soucia, en tout cas en France). Tous les occidentaux tombèrent dans le panneau, en se disant "si les Américains ont abandonné toute recherche dans cette voie, c'est que cela n'a aucun intérêt". Seul, en Europe, j'ai continué de me battre pendant dix ans pour que des recherches soit entreprises, jusqu'à mon abandon par K.O. en 1987.

J'ai révélé à travers un livre publié en janvier 2003 l'existence de trois engins.

- Une torpille MHD hypervéloce, opérationnelle aux USA et en Russie depuis 1980.

- Un avion espion américain croisant à 80 km d'altitude à 10.000 km/h, satellisable (il faut bien un successeur au SR-71, Mach 3, relégué dans un musée). Opérationnel depuis 1990.

- Un bombardier "antipodal" américain, opérationnel depuis 1987, qui est en fait "le véritable B2", les appareils qu'on montre n'étant que des leurres. Voir dossier.

Je sais que ces révélations sont encore accueillies avec scepticisme dans les milieux aéronautiques français. Mon livre a provoqué la naissance d'un "plan MHD français". A première vue les mesures prises sont ridicules en comparaison de ce que devrait être entrepris. N'est-il pas aussi ridicule que le CNRS aille chercher les compétences chez les Russes (présentés comme "des pionniers en matière de réduction de traînée d'onde") alors qu'il a délibérément étouffé tout effort en ce sens dans ses propres murs pendant quinze ans. A ceux qui me demandent ce qu'il conviendrait de faire pour rattraper les Américains je réponds :

- Mille chercheurs et techniciens, au top niveau, pendant 30 ans

La situation des Européens, en matière de MHD serait comparable à celle de pays qui n'auraient pas développé d'industrie spatiale et qui, découvrant que d'autres pays ont installé des stations spatiales permanentes et mis le pied sur la Lune s'adresseraient ... à la maison Ruggieri ! Ou bien, en imaginant que la France ne possède pas d'avions, et que quelqu'un dise :

- Quand je regarde les photos de ces "avions" dont on parle il y a une partie antérieure qui ressemble assez à l'avant du TGV. J'ai un ami qui travaille à la SNCF, sur les questions aérodynamiques liées aux trains à grande vitesse. Je suggère qu'on le mette à la tête d'un "plan aviation".

Ne riez pas. C'est exactement ça. Je pense qu'il s'écoulera encore des années avant que mes propos ne soient pris au sérieux (ça n'est pas grave, c'est déjà trop tard). Je conjecture qu'aucun enseignement de MHD réellement à la hauteur du problème ne verra le jour, ni à Supaéro, ni dans les autres Grandes Ecoles, ni dans les DEA des universités. Il y a quelques jours un Suisse me proposait de venir donner une conférence susceptible de "sensibiliser les gens de l'Institut Polytechnique de Lausanne". La création d'un labo de MHD de quelques personnes apparaissait comme une possibilité, un début. J'ai souri. J'avais l'impression d'entendre :

- Les gens de la maison Ruggieri m'ont dit qu'il n'excluaient pas qu'on puisse un jour utiliser leurs fusées de feux d'artifice pour amener des instruments en haute altitude. Certains seraient prêts à concevoir des fusées de gros diamètre pour une exploration du problème.

J'ai 66 ans et je suis à la retraite. J'ai répété pendant 25 ans que la MHD était quelque chose d'important. On ne m'a pas cru et, pire encore, beaucoup ont cru (avec juste raison) qu'en permettant à une expérience de suppression d'ondes de choc d'aboutir ceci n'apporte de la crédibilité au dossier ovni. Ce que j'ai lu dans les numéros d'Air et Cosmos parus début 2003 ainsi que le "non-accueil" dont j'ai bénéficié à Supaéro de la part de la direction et du personnel enseignant ne m'incite guère à reprendre une croisade de ce genre. Mais, pire encore, il m'est difficilement supportable de savoir que l'actuel plan MHD français est actuellement "impulsé" par les mêmes imbéciles à qui ont doit ces 25 années de retard, ainsi que des boulettes monumentales (l'Ecole National Supérieure de l'Aéronautique fut même directement impliqué dans l'une d'elles, de même que le CERT et le DERMO de Toulouse, au début des années quatre-vingt). Qu'attendre de plus de l'actuelle directrice du CNRS ou de notre ministre de la Recherche et de la Technologie, Claudie Haigneré ? L'enthousiasme des jeunes étudiants ne changera rien à cette sclérose imbécile. "Un petit début" ne servirait à rien, y compris sur le plan européen. Mon attitude peut se résumer en un mot : impavidité. J'ai écrit chez Albin Michel un livre "Les Enfants du Diable" qui commence par un rappel du mythe de Cassandre. Vingt ans plus tard les choses n'ont pas changé. Pourquoi se révolter ? C'est inutile. En France, à l'immobilisme s'ajoutent l'esprit de corps (principalement celui de l'Ecole Polytechnique, véritable plaie dans ce pays), la vanité, la courte-vue et un certain scepticisme de bon ton.

Quand on sait il ne reste sans doute plus qu'à asseoir et à rire en pensant à l'inadéquation des mesures prises, à l'incompétence des gens "mis en place", à l'échec assuré de ces entreprises, quels que soient les crédits alloués, par manque non seulement de connaissances essentielles mais aussi par méconnaissance de quelques secrets jalousement gardés qui seuls rendent ces vols hypersoniques possibles.

J'ai été invité par les étudiants de Supaéro (en non par leurs enseignants) à venir donner une conférence à l'école le 10 juin 2003. Je l'ai fait. Je vais ici laisser une trace écrite de cet exposé, selon un ton qui, maintenant, s'adressera plus à l'étudiant de Grande Ecole qu'au public lambda.

Avant de commencer je voudrais insister sur l'importance capitale de la MHD qui envahira inéluctablement de nombreux pans des activités scientifiques et techniques dans le monde entier. Tout était lié aux progrès des supraconducteurs. En effet les teslas "conventionnels" pèsent extrêmement lourd. A titre anecdotique l'installation de magnétisation dont nous nous étions servis en 1976, Maurice Viton et moi, pour annihiler la vague d'étrave devant une maquette cylindrique créait un champ constant d'un tesla dans une dizaine de centimètres cubes et pesait 200 kilos (celle-là même qui m'expédia six mois à l'hôpital pour accident à la colonne vertébrale). Les solénoïdes créant deux teslas dans un volume de quelques litres, en 1965, qui équipaient mon tube à choc étaient parcourus (pendant quelques millièmes de seconde) par un courant de 54.000 ampères.

Au début des années soixante dix une installation civile allemande disposait d'aimants supraconducteurs, refroidis à l'hélium liquide, donnant 4 teslas. Dans ce cas là ce ne sont pas les solénoïdes qui pèsent lourd mais le système cryogénique qui va avec. Par la suite deux chercheurs reçurent le prix Nobel pour avoir réussi à mettre au point des supraconducteurs fonctionnant à une température plus élevée, dans l'azote liquide, à moins 190° au lieu de moins 270°. A l'époque différentes personnes émirent des avis. Aigrin, ancien ministre de la recherche, donna son sentiment selon lequel on devrait finir par disposer un jour de supraconducteurs fonctionnant à la température ordinaire. Il signait cette prise de position par une boutade :

- Un jour, quand quelqu'un ira acheter du fil électrique chez un quincaillier celui-ci lui répondra "vous le voulez normal, ou supraconducteur ?

J'avais aussitôt partagé l'avis d'Aigrin. Notre époque, si elle est le siège d'une stagnation des connaissances fondamentales depuis des décennies fait émerger sans cesse de nouveaux progrès technologiques. Pourquoi pas celui-là ? Il est absurde de décréter qu'il existera une température maximale, indépassable, au delà de laquelle le phénomène de supraconduction ne pourra pas être observé. D'autant plus que c'est un phénomène mal maîtrisé au plan théorique. Ceci étant, si ces supraconducteurs à haute température apparaissent ils seront aussitôt frappés du secret défense en dépit de l'immense profit que pourraient en retirer les industriels et .. les simples particuliers. Il n'y a qu'à imaginer les hallucinantes économies d'énergie qui en résulteraient. Secret défense à cause de la MHD et de ses multiples applications, non seulement au vol hypersonique, mais à la mise en oeuvre d'armes spatiales, style guerre des étoiles, de propulseurs pour croisières spatiales dotés d'une très forte impulsion spécifique, de compresseurs à plasma, de systèmes de propulsion sous-marine, etc.. etc....

La technologie progresse sans cesse. Donnons en exemple. Les aimants en ticonal des années soixante que nous utilisions dans nos manips développaient 900 gauss. Aujourd'hui des aimants permanents donnant un teslas, dix fois plus, sont disponibles à des prix abordables. En mettant un peu plus cher on peut avoir des aimants permanents développant 2 teslas ! Combien de teslas en "secret défense" ? Pas la moindre idée. Mais un facteur vingt, déjà, ça n'est pas rien. S'il y a des deux teslas dans le commerce il doit y avoir plus dans les "sanctuaires" (ce qui ne signifie pas automatiquement que les systèmes de magnétisation avancés, utilisés par exemple sur des engins hypersoniques soient des aimants permanents !).

Les Américains ont toujours régné en maîtres absolus dans le monde de la supraconductivité. A l'inverse au début des années soixante dix le générateur MHD Russe U-25, implanté près de Moscou, fonctionnait avec un système de magnétisation conventionnel, avec des braves solénoïdes de cuivre rouge. Les Russes ont toujours été à la traîne des Américains en matière de supraconduction. Je dis qu'un bon qualitatif et quantitatif a été opéré outre-Atlantique, mais que ce progrès décisif est toujours couvert par le secret technologique le plus épais. Je pense que les Américains disposent de supraconducteurs fonctionnant à des températures élevées, ne nécessitant pas de systèmes cryogéniques. Mais ils ne vont évidemment pas le crier sur tous les toits. Combien de teslas ? Impossible à dire, mais dix-douze suffiraient à mettre en oeuvre des engins évoluant à vitesse hypersonique (et des systèmes de propulsion sous-marine valables). Cette réalité technologique finira par émerger tôt ou tard, même si le secret est sévèrement gardé. Alors le panorama technico-industriel planétaire sera totalement bouleversé. Si les pertes en ligne disparaissant, purement et simplement, l'énergie électrique pourra être par exemple transportée sur des distances illimitées. Réfléchissez une seconde au problème même de la supraconduction. Si ce phénomène n'avait pas été découvert au début du siècle et si quelqu'un prétendait qu'on devrait pouvoir un jour faire circuler du courant électrique dans un conducteur sans le moindre dégagement de chaleur par effet Joule personne ne le croirait, on le prendrait pour un fou. Or cela s'est avéré possible il y a si longtemps qu'on ne s'en étonne plus de nos jours alors qu'ils s'agit soit d'un miracle, soit d'une absurdité physique selon le point de vue adopté. Alors, pourquoi pas la supraconduction à haute température ?

Je m'adresse ici au premier chef à des étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique et de l'Espace. Et à eux, je dis : La MHD n'est pas un "sous-ensemble" de la mécanique des fluides classique. Il ne s'agit pas de "rajouter un terme" dans le équations de Navier-Stockes. C'est la mécanique des fluides classique qui est un sous-ensemble de la MHD. Jusqu'à l'avènement de cette MHD on a mis en oeuvre ce qu'on pourrait appeler une "mécanique des fluides passive" où c'est l'écoulement lui-même qui mène le jeu. Les machines volantes ne faisaient qu'adopter les meilleurs formes pour se faufiler dans les gaz. On a fait la chasse à tout ce qui pouvait créer des turbulences. On accepte les ondes de choc comme un mal nécessaire. On "optimise". Avec la MHD vous allez entrer dans le monde d'une mécanique des fluides "active" où on impose autoritairement la voie à suivre au gaz. Je crois qu'avant toute chose il faut prendre conscience de l'intensité de la force de Laplace. Imaginez que dans de l'air vous fassiez passer un courant d'un ampère par centimètre carré, dans une direction orthogonale à celle d'un champ magnétique atteignant dix teslas. Un ampère par centimètre carré, cela fait dix mille ampères par mètres carré. Multiplions J par B, nous obtenons une force de volume :

J B = 10.000 x 10 = 100.000 newtons par mètre cube, soit .... dix tonnes par mètre cube d'air.

Dans la suite de cet exposé vous découvrirez des machines totalement absurdes par rapport à une mécanique des fluides classiques, où on contraint l'écoulement d'opérer un virage de 150° autour d'un angle vif. Mais croyez vous qu'avec une force de dix tonnes par mètre cube cela soit irréaliste ? Vous êtes surpris parce que vous n'aviez pas, jusqu'ici, imaginé qu'on puisse contraindre les fluides, leur dire "va ici, va là, et on ne te demande pas ton avis".

Quand on commence à se faire à cette idée on réalise que les machines volantes vont totalement changer. Viendra d'abord l'ère de l'hypersonique (avions espions opérationnels depuis 1990 aux USA, 1997 pour les bombardiers). Est-ce que machines volantes d'aujourd'hui, subsoniques, consomment plus d'énergie que celles d'hier ? Nos grands-parents volaient de Paris à Londres dans des aéroplanes à 150 km/h en comptant les brins d'herbe un à un. Ces avions possédaient un "plafond". Aujourd'hui nos avions de ligne évoluent à dix mille mètres d'altitude dans un air beaucoup moins dense, mais à une vitesse beaucoup plus grande. S'il n'y avait pas ces stupides ondes de choc la course se serait prolongée. On aurait volé encore plus haut et encore plus vite. Avec "Concorde" on a voulu passer outre et on est tombé sur une quantité de kérosène par passager impressionnante. Un lecteur me donnera peut être les coûts en kérosène par passager et par kilomètres pour un liner subsonique et pour un Airbus.

C'est ainsi que les projets d'hypersoniques à Mach 3 sont restés dans les cartons. Effectuant un vol de longue durée à ce nombre de Mach le SR-71 n'était pas loin de ressembler à une citerne volante. Les ondes de choc créent deux barrières, celle synonyme de traînée d'onde-consommation et ce qu'on appelle "le mur de la chaleur". Ce mur était-il franchissable ? La réponse se situe dans la cadre de la MHD.

Alors nos machines volantes vont profondément changer, et les enseignements de Supaéro devront suivre (ils auraient pu ... précéder ces changements, mais ne rêvons pas). L'école existe depuis un paquet d'années. A ses débuts on planchait longuement sur le problème des hélices. De nous jours les étudiants qui ont choisi l'option "motorisation" s'en soucient-ils encore ? Ils pensent soufflantes, compresseurs. Il n'y a plus que les avions de tourisme qui utilisent les hélices. Ce sont eux qui occupent encore les basses couches atmosphériques. Tout ce qui vole avec un turbo-réacteur, avec ou sans double flux a besoin de voler plus haut. Ca a aussi l'avantage de ne plus souffrir comme jadis des contraintes de la météorologie, quand Mermoz, dans ses vols au dessus de l'Atlantique-Sud devait affronter "le pot-au-noir". Signe des temps : je suis sûr que la majorité des étudiants de l'Ecole ignore ce mot.

Préparez vous à l'idée qu'un jour la moindre machine volante, pour effectuer un vol transatlantique, grimpera non à dix mille mètres d'altitude mais dix fois plus haut et ira dix ou quinze fois plus vite que nos liners actuels. Le plus fou est qu'elle utilisera quasiment des turboréacteurs conventionnels, comme cela vous sera expliqué plus loin. Ca n'est pas plus que de comparer un Airbus à l'avion de Lindebergh. Les écarts sont comparables.

Venons-en au spatial. Connaissez vous un moyen plus coûteux pour mettre une charge sur orbite que la fusée ? C'est tellement ruineux qu'il a fallu imaginer des machines à plusieurs étages, les premiers étant abandonnés en cours de route, perdus. Combien de dizaines de tonnes d'alliages sophistiqués, d'électronique coûteuse, de combustibles solides ou cryogéniques pour mettre le moindre kilo dans l'espace ? Vertigineux. Si on comparait avec l'aviation c'est comme si, pour amener trois passagers à New York il fallait construire un engin de la taille et du poids d'un 747, en plusieurs éléments, qui larguerait 90 % de sa masse dans l'océan avant de libérer un joujou ayant la taille et le poids d'un avion de tourisme qui irait se poser à Kennedy Airport. C'est un peu ce qu'on devrait faire si on décidait de supprimer les ailes et d'effectuer toute la croisière en s'appuyant sur des réacteurs de sustentation. Une suggestion pour un "bureau d'étude" amusant à l'attention des élèves de Supaéro :

- Aujourd'hui, concevez moi un transatlantique utilisant la motorisation actuelle mais où l'emploi d'ailes soit rigoureusement interdit.

A l'inverse comme ça serait agréable de pouvoir se coucher tranquillement sur l'air comme un baigneur sur l'eau de sa piscine et de démarrer en s'appuyant sur une surface portante. Il suffirait d'accélérer, d'accélérer, tout en montant. Oui, répondront les spécialistes, mais que faites vous à partir de Mach 3 ? Vous utilisez quoi comme propulseur ? Et comment négociez vous la traînée d'onde, l'afflux de calories ?

La réponse existe. Elle est déjà mise en oeuvre par les Américains qui disposent de bombardiers hypersoniques croisant à Mach 12 à 80 km d'altitude et dont la distance franchissable correspond à un vol circumterrestre. Mais le "lanceur" de l'avenir est une extension de l'engin Aurora qui est satellisable au prix d'une poussée additionnelle.

Je prédis la disparition des fusées en tant que lanceurs et leur remplacement par
des machines MHD entièrement réutilisables et exemptes de boucliers thermiques.

Je pense que les gens du Cnes aurait tout intérêt à plancher dès maintenant sur ces idées-là. Mais je ne suis pas le Cnes.

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