Des fourmis dans les jambes
27 février 2006
Un lecteur, Frédéric Boiteau m’a gentiment offert le livre du Norvégien Thor Heyerdal, L’Expédition du Kon-Tiki, paru en 1951 aux Editions Albin Michel. Je vais demander à cet éditeur, qui n’exploite plus cet ouvrage depuis des lustres s’il serait possible de rendre de nouveau ces pages accessibles pour nos lecteurs, après les avoir scannées et mises sous forme texte par OCR.
Ca fait rêver. A un moment Heyerdal cherche à compléter son équipe de six personnes. Il n’a jamais navigué et vient de subir une réception moqueuse d’un grand professeur de New York, responsable d’un prestigieux musée, à qui il a vainement tenté de remettre un mémoire où il expose sa théorie, selon laquelle le peuplement de la Polynésie aurait été lié à la migration, en 500 puis en 1100 après Jésus Christ des premiers habitants de l’Amérique du Sud, barbus et à la peau blanche, chassés par l’arrivée des Incas. Citons le passage du livre, page 23 :
Autour de nous, dans des vitrines soigneusement arrangées,
s’étalent des fragments de poteries, traces d’un lointain
passé. Au mur s’alignaient des livres dont certains, œuvres
d’un même auteur, n’avaient pas dû avoir plus de dix
lecteurs. Le vieillard qui, lui, les avait tous lus et en avait écrit
quelques-uns, était assis à sa table avec une expression de bonne
humeur sous ses cheveux blancs. Mais sans doute lui avais-je marché sur
les pieds, car il agrippa le bras de son fauteuil d’un air inquiet et
me regarda comme si je l’avais interrompu au milieu d’une réussite.
« Non ! », dit-il. « Jamais ! »
La père Noël aurait pris à peu près la même
expression si on avait osé lui affirmer que le Noël de l’année
suivante tomberait à la Saint-Jean.
« Vous vous trompez, vous vous trompez complètement », répéta-t-il
, en secouant la tête avec indignation pour chasser l’idée
que je lui avais suggérée.
« Mais vous n’avez pas encore lu mes arguments », insistai-je
en lui montrant le manuscrit qui était posé sur sa table.
« Des arguments ‘ » dit-il. « On ne peut pas traiter
des problèmes ethnologiques comme l’énigme d’un roman
policier. »
« Pourquoi pas ?» dis-je. « J’ai basé mes conclusions
sur mes propres observations et sur des faits établis par la science
. »
« Le but de la science, c’est la recherche
pure et simple », remarqua-t-il avec calme. « Pas la volonté
de prouver ceci ou cela. »
Il écarta soigneusement de côté mon manuscrit non ouvert
et se pencha par-dessus le bureau.
« Il est tout à fait exact que l’Amérique du Sud a
été le foyer de quelques-unes des civilisations les plus extraordinaires
du passé, et que nous ne savons ni ce qu’elles étaient au
juste, ni où elles disparurent quand les Incas prirent le pouvoir. Mais
il y a une chose, en tout cas, que nous pouvons affirmer avec certitude –
c’est qu’aucun peuple d’Amérique du Sud n’est
allé jusqu’aux îles du Pacifique. »
Il m’adressa un regard scrutateur et continua :
« Savez-vous pourquoi ? La réponse est bien simple. Ils ne
pouvaient y arriver parce qu’ils n’avaient pas de bateaux. »
« Ils avaient des radeaux », objectai-je d’un ton hésitant.
« Des radeaux en bois de balsa, vous savez. »
Le vieillard sourit et dit tranquillement :
« Bon, vous pouvez essayer d’aller en radeau du Pérou aux
îles du Pacifique ».
Je fus pris de court. Il se faisait tard. Nous nous levâmes tous les deux.
Le vieux savant me donna une tape amicale en m’accompagnant jusqu’à
la porte et en me disant de revenir le voir si j’avais besoin d’aide.
Mais qu’il fallait me spécialiser dorénavant sur la Polynésie
ou sur l’Amérique, et ne plus mêler deux domaines séparés.
Puis il retourna vers son bureau.
« Vous avez oublié ceci », me dit-il en me rendant mon manuscrit.
Quelques mois plus tard Heyerdal était en train de préparer sa traversée. Il avait obtenu du Pentagone de l’équipement de survie, des rations, un canot de caoutchouc, un poste de radio, différentes choses dont les pilotes et les marins naufragés disposent quand ils sont perdus en mer. L’armée avait estimé que cette expérience permettrait de tester ces différents matériels. Heyerdal confie qu’en voyant tout cet étalage de différents matériels « il s’était senti comme un gosse, emmené par une tante riche dans un magasin de confiseries ».
Il ne lui restait plus qu’à compléter au plus vite son équipage, pour pouvoir partir en peu de mois, avant la saison des ouragans.
On sait qu’Heyerdal composa son groupe avec des gens d’origines très variées, allant d’un ami peintre, guitariste et marin d’eau douce comme lui, mais capable de manier un sextant à des maquisards Norvégiens, ayant participé à de nombreux coups de main pendant la guerre, dont celui qui constitua plus tard le sujet du film « la bataille de l’eau lourde » et où le sabotage d’une usine située en Norvège réduisit à néant toute chance que pourraient avoir les nazis de disposer de la bombe atomique ( l’eau lourde est un ralentisseur de neutrons et est utilisée dans les réacteurs nucléaires, voir Energétiquement vôtre ).
Je ne peux m’empêcher de reproduire l’échange de télégrammes entre Heyerdal et Torstein, l’un de ces jeunes héros.
- Je vais traverser le Pacifique sur un radeau de bois pour soutenir la théorie que les îles polynésiennes ont été peuplées par des hommes du Pérou. Voulez-vous vous joindre à nous ? Je ne garantis rien que le voyage gratuit aller et retour et vous aurez l’occasion de mettre en application vos compétences techniques d’opérateur-radio. Répondez tout de suite.
Réponse de Torstein :
- J’arrive.
J’aurais peut être dû naître Norvégien.
Savez-vous à quelle époque eut lieu la première traversée de l’Atlantique Nord par les dignes descendant des Vikings, peu de temps après la découverte du drakkar d’Olsberg, intact, servant de tombe à un chef enterré là avec son navire, ses armes, et tout son équipement en vue de son voyage vers l’au-delà ?
1898 …..
Sans GPS, sans navire d’accompagnement et de soutien logistique, sans liaison par satellite. En Provence où je vis les gens semblent avoir perdu depuis bien longtemps l’esprit aventureux d’un Pitheas.
Depuis que j’ai mis sur mon site &&& tous les éléments pouvant servir de guide pour la construction d’un bateau de haute mer, directement inspiré des navires de l’Ancien Empire égyptien je n’ai reçu nulle visite ou appel d’un architecte naval, ou de simples amateurs. Le midi est sûrement un endroit épatant pour prendre sa retraite mais malheureusement je ne me sens pas encore de goût pour ce genre d’existence retirée, entre deux papotages entre amis.
Une amie, Claire Bougain, qui est professeur d’anglais et écrit par ailleurs de très jolis poèmes a traduit mon article concernant ma théorie traitant de la construction des pyramides et de la navigation hauturière sous l’Ancien Empire en bon anglais. Grâce à un ami Egyptien, Hussein, je les ai faits remettre en main propre à Zahi Hawas, Président du Conseil Suprème de l’Archéologie en Egypte. Mais depuis, plus de nouvelles. Les chances de traverser l’Atlantique sur un vaisseau de ligne issue des limbes du temps s’amenuisent, ou même simplement celle d’escalader la pyramide de Kheops pour aller y retrouver la trace du puits central, indispensable pour le repérage précis des blocs.
Le chemin du plateau de Gizeh, la route qui mène vers la face cachée de la Lune, l’entrée qui conduisit jadis Aarne Saknussen au centre de la Terre ont peut être plus de chance de se trouver à proximité de Paris que sous les ombrages du Cours Mirabeau, à Aix-en-Provence.
Bye-bye les véritables retraités. L’établissement d’une tête de pont dans la capitale, fut-ce sous la forme d’une simple chambre de bonne s’impose désormais comme une évidence. Ma décision est prise et je vais entreprendre sans tarder de résoudre ce problème.
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