Le gourou de secours
31 octobre 2007
Il y a un an à peu près je dînais avec une bande de bouddhistes aixoises. L'une d'elles revenait d'Inde, où elle était allée recueillir les paroles de lamas particulièrement importants. Je lui ai demandé :
- Alors, que disent ces lamas ?
- Ils confirment l'impression générale. Nous allons vers une période très troublée.
- Et que préconisent-ils ?
- Ils disent qu'il nous faut accroître nos activités méditatives, poour être mieux placés lors des réincarnations suivantes.
C'est tout simple. Tout ce qui nous nous arrive, qui vous arrive, n'a aucun caractère de gravité. Ca ira mieux dans les réincarnations suivantes. De toute façon, tout n'est qu'illusion. L'homme cherche à échapper à la souffrance. Et la voie de la libération passe par le détachement.
Il ne faut pas rejeter les interprétations métaphysiques du monde où nous vivons. Elles ne sont que des facettes d'un vaste kaléidoscope. Le matérialisme absolu du " scientiste " n'est qu'une croyance supplémentaire. Il sacrifie en fait à un nouveau dieu, le " dieu hasard ". Un hasard organisateur qui, selon les adeptes de cette secte pourrait créer, ex-nihilo, la pensée, la conscience d'être, la conscience morale. Un hasard organisateur qui, en vertu du dogme darwiniste et gradualiste, donne naissance à une course vers la complexité, laquelle serait simplement inscrite dans les lois de la physique. Et patati, et patata ....
Nous avons vu, dans quelques pages de bande dessinée, que l'inorganisé était en fait peu probable, contrairement à toute attente. Reprenez cette expérience des petits cylindres de bois, munis à une extrêmité d'un crochet et à l'autre d'un anneau. Elle est intéressante. Dans une école des élèves pourraient par exemple effectuer un grand nombre de jets. On met ces éléments, tous défaits, dans une boite. On secoue et on jette ces objets comme des dés, pour effectuer une statistique.
- Combien d'éléments non-liés ?
- Combien de setructures à deux éléments, à trois, plus....
Les expériences successives permettraient de déterminer des configurations-types en leur attribuant une probabilité, calculée sur les fréquences des occurences. Si j'étais informaticien, je pourrais simuler ce genre de " jeu " par simulation numérique. On appelait jadis ce genre d'expérience " le jeu de la vie ". Cela a probablement été fait. Imaginons par exemple que notre boite contienne 50 cylindres. Parmi toutes les configurations possibles :
- Les 50 cylindres, tous reliés, formant un collier fermé
- Les 50 cylindres, dont aucun ne serait relié à un de ses voisins.
Ces deux configurations sont hautement improbables. L'expérience montrerait peut être que la configuration totalement désorganisée pourrait présenter le même niveau d'improbabilité que des configurations hautement organisées, comme " le collier ".
Il était donc normal, prévisible, que l'univers se complexifie. Mais jusqu'à quel point ? L'émergence du Vivant entre-t-il simplement dans le champ des contraintes de la physique ? Nous avons vu que des synthèses attribuées à des phénomènes biologiques avaient pu être reconstitués à partir de la chimie minérale, dans des expériences de laboratoire. Mais une découverte ultérieure nous montra que ces " synthèses biologiques " étaient également à l'oeuvre dans les nuages de gaz interstellaires, véritables bouillons de culture. Un astrophysicien plus au courant que moi pourrait nous dresser la liste impressionnante des biomolécules détectées dans le cosmos.
Comment a-t-on détecté ces biomolécules ? A l'aide de leur signature spectrale. Toutes les substances sont identifiables à l'aide de leur spectre d'émission ou d'absorption. Ce sont des spectres constituées de raies. Ainsi, si on dispose sur un télescope un filtre qui permet de recueillir la lumière correspondant à cette signature spectrale, et pas une autre, on sera en mesure d'évaluer l'abondance de telle ou telle substance, dans telle ou telle région de l'univers.
On aurait en fait pu faire le constat de l'existence de ces biomolécules dans le cosmos beaucoup plus tôt. Si on l'a pas fait, c'est simplement qu'on n'avait pas imaginé que celles-ci puissent y être présentes. On commença par poser de timides questions à l'univers :
- Y aurait-il par hasard, dans quelque coin du cosmos, je ne sais pas, du caz carbonique, ou de l'anhydride surfureux ? ( je dis cela au hasard, je ne suis pas biochimiste )
Les réponses arrivèrent, massivement. Je crois me rappeler que l'urée figurait parmi les biomolécules dérivant au hasard de la galaxie. Quand ce mesures avaient été présentées, lors qu'un congrès, un chercheur avait dit :
- Dis, est-ce qu'il ne pourrait pas s'agir d'un extraterrestre qui se serait soulagé pendant un voyage ?
Et l'autre de répondre :
- Si c'est ça, il devait avoir une sacrée vessie, vues les quantités que j'ai pu mesurer !
Eh oui, on a été surpris de s'apercevoir que près du centre de la galaxie dérivait un nuage contenant de de la " matière organique " à hauteur de 500 masses solaires.
On retrouve ce thème des petits cylindres de bois, avec un anneau d'un côté et un crochet à l'autre bout. Mais ce qu'il faut ensuite percevoir c'est l'aspect dynamique, évolutif des systèmes. l'univers n'est pas un tout figé. L'instabilité gravitationnelle donne naissance à des étoiles. Les plus massives explosent en créant des éléments lourds, lesquels constitueront ces poussières qui deviendront pas la suite planètes.
Une planète : voilà un nouvel objet, intéressant. En son centre, du magma, qui ira en se refroidissant, mais qui maintiendra quand même une certaine température grace aux décompositions des élements radioactifs, qui fournissent 80 % de " l'énergie d'entretien ". Voilà les volcan qui crachent des gaz, créent une atmosphère primitive. Miller montra, avec sa célèbre expérience, que ce milieu était très morphogénétique. De simples décharges électriques débouchaient sur des synthèses d'acides aminés, lesquels, en s'assemblant, seront susceptibles de donner des protéines.
Le hasard, donc, est capable de créer des choses très complexes. Mais cela va-t-il jusqu'à pouvoir créer la Vie, la conscience ? Des gens comme Joël de Rosnais le croient, qui nous expliquait tout cela dans la partie du livre " La plus belle histoire du monde ", déjà cité, co-écrit avec Reeves et Coppens.
J'en serais moins sûr que lui.
Bon, c'est peut être Dieu qui a créé le monde et les lois de la physique, en ajustant les paramètres de telles façon que l'univers puisse accoucher de sa créature la plus élaborée : en l'occurence l'astrophysicien Brandon Carter, qui énonça alors le principe anthropique.
Quand Laplace avait apporté plus de clarté sur la stabilité des orbites planétaires, vis à vis des visions de Newton, lequel croyait que quand des planètes s'écartaient de leurs orbites, Dieu les y replaçait aussitôt, Bonaparte lui avait demandé, lors d'une rencontre à la Malmaison, en paraphrasant jacques Chancel :
- Et Dieu dans tout cela ?
Vous trouverez cela dans ma bande dessinée Cosmic Story téléchargeable gratuitement à :
http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/cosmic_story.htm
Oui, l'intervention de Dieu, d'une métaphysique quelconque n'étaient pas nécessaire pour expliquer la genèse et l'évolution du système solaire ( lequel, au passage, est organisé autour ... du nombre d'or. Voir les travaux de planétologie du mathématicien Jean-Marie Souriau ). Mais alors, ce dieu hasard, jusqu'où son influence s'étend-t-elle ?
Toute la question est là. le jeu des petits cylindres de bois montre que l'inorganisé est improbable. Mais l'univers n'est pas structuré que dans l'espace. Il évolue. En complétant cette idée on pourra dire que
Le non-évolutif est improbable
Les informaticiens, depuis des décennies, se sont ingéniés à essayer de simuler les aspects morphogénétique et évolutifs des systèmes vivants en créant des " jeux de la vie ". A travers ceux-ci on voit des objets " virtuels " qui s'associent, se combattent, se dévorent, s'accouplent, etc. Cela débouche sur le concept de structures spatio-temporelles. Ce que René Thom appelait des chréodes. Pour illustrer ce propos, en envisageant quelque chose d'un peu riche, d'un peu complexe, imaginez qu'un " jeu de la vie " ait donné naissance à un programme de jeu d'échecs. On sait qu'on peut faire jouer un ordinateur .. contre lui-même. Il peut alors engendrer un quasi-infinité de parties possibles. Mais il est également capable d'analyser ces parties, de les enrichir et par delà de modifier son équipage comportemental.
Les blancs jouent contre les noirs. Les blancs commencent " ont le trait ". Puis les noirs répondent, etc.... On peut imaginer un programme de jeu déchecs " vierge de toute expérience ". Le premier coup des blancs sera donc ... aléatoire. Les noirs pourront répondre en mettant en jeu un sous-programme d'analyse stratégique. Et le jeu de commencer. Mais toutes les ouvertures ne sont pas bonnes à prendre. Essayez par exemple, dans un tournoi d'échecs, de démarrer votre partie, dans la mesure où vous auriez les blancs, par un coup comme :
a2 - a4
Vous avancez le pion situé le plus à gauche de deux cases. Lemembres du clun vous diraient aussitôt :
- Je ne sais pas où vous avez appris à jouer, mais en général ce genre d'ouverture ne conduit à rien de bon. L'expérience l'a prouvé.
Un ordinateur " vierge " , qui jouerait contre lui-même serait capable d'acquerir au fil de millions et de millions de parties une expérience. Le but du jeu, au échecs, est de gagner, de " manger le roi adverse ". C'est un but comme un autre. Parmi l'immensité des parties possibles apparaîssent les " lignes de ruissellement " des chemins préférentiels. Dans les débuts de partie on les appelle des "ouvertures-types ". La partie français, la sicilienne, la variante Truc, ou Machin....
Des débuts de parties qui ont été validées par l'expérience et mémorisées. Au delà commence la jungle des parties dont l'issue n'est pas déterminée. On remarquera qu'un programme de jeu d'échec, tenant compte de ses succès et erreurs peut évoluer. Chaque partie pourrait être comparée à une réincarnation d'un " joueur ". Dans ces conditions, serait-il possible d'anticiper, de converger vers "la meilleure stratégie de jeu possible" ?
Une partie se joue sur la Terre. Là, c'est plus ompliqué. Non seulement on comprend mal les règles, mais on ignore les buts. Un matérialiste dirait :
- C'est simple, il n'y en a aucun. C'est un simple jeu de hasard
Et là on retombe sur les pages de la BD Joyeuse Apocalypse, où Ronald Reagan, dans son rêve, a l'impression que le vaisseau de l'histoire ne va nulle part.
Pas de buts ? C'est une des façons de voir. D'autres croiront discerner des cycles, avec des retours périodiques à des états de moindre organisation. C'est une vision philosophique qu'on peut envisager avec sérénité quand l'horizon du cycle suivant semble suffisamment distant. Or actuellement ça n'a pas l'air d'être le cas.
Il y a le feu au lac, mes amis
Notre évolution technologique évoque simplement le fait qu'il puisse exister des parties qui se finissent mal. Bref, les hommes se demandent " quel est est le sens du poil de l'évolution ?", avec comme corrolaire " évitons si possible de prendre l'évolution à rebrousse-poil ".
Les capitalistes vous diront :
- Riche ou pauvre, qu'est-ce que ça peut faire, du moment qu'on a de l'argent !
Les darwinistes diront :
- Battez-vous, et que le meilleur gagne !
Les Nazis ont essayé de mettre cela en pratique. Ca n'a pas donné d'excellent résultats et Hitler, profondément déçu, a préféré partir en fumée dans le jardin de son bunker. On commence à se dire que l'introduction de l'arme nucléaire dans le drawinisme risque de déboucher sur des catastrophes, même si les Yankees pensent qu'un usage modéré d'arme nucléaires tactiques pourrait rendre des services.
Alors ? comment le monde évolue-t-il ? Quelles sont les clés de cette évolution ? Sur ce plan les réponses sont diverses et variées. Il existe des religions qui codifient cela sous forme de lois. Les dix commandements, la Torah, la Charriah, etc.
Que disent les bouddhistes ? Que la seule chose intelligente à faire dans ce bas-monde est de vivre dans la compassion et le détachement, en attendant les réincarnations suivantes, jusqu'au Nirvanà final (qu'ils comparent à l'état d'un feu, maintes fois rallumé, où il n'y a plus rien qui puisse se consumer). Accessoirement, on peut améliorer sa propre évolution en faisant appel à un Gourou. C'est un thème récurrent en Inde. On ne peut progresser qu'à travers les conseils d'un Maître. Mais on déplace le problème :
- Sapristi, qui forme les maîtres ?
On nous annonce en France la visite prochaine d'un grande maître indien : Sri Tathata, l'été 2008. Ca sera sa première visite en occident.
Le maître indien Sri Tathata
Que dit ce brave homme ? Reprenons son message de 2005 :
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Je sais par expérience que de telles phrases ont le don de plonger les Bouddhistes français que je connais dans un état de ravissement extatique. Ils ont la prosternation facile ( on appelle cela dans le milieu la dévotion ). C'est très gentil, mais ça n'apporte guère de réponse à la question qu'évoque notre gourou de secours, sorte de Nicolas Hulot de l'esprit :
La vraie connaissance c'est de connaître le but de la Nature.
On lit également que Chaque être sur la terre a été créé avec un but spécifique.
Nous n'en saurons pas plus. Mais j'en connais des tas à qui ces révélations écrasantes suffisent largement.
Si j'ai du nouveau, je vous tiendrai au courant.