De In Ecker à Mururoa
21-23 août 2009 .
Un lecteur m'a envoyé la copie d'un article paru dans Le Monde :
dont je vais ci-après reproduire le contenu, avec mon commentaire. " Les irradiés ", c'est bien triste, mais ça ne surprendra personne.
Allez sur le site de l'AVEN ( Association des Vétérans du Nucléaire ) et lisez en particulier les témoignages.
Au passage je suis retourné jeter un oeil aux pages que j'avais composées entre 2003 et 2004. Déjà six ans depuis cette affaire où j'avais soulevé la question de l'éventualité de la tenue d'essais nucléaires souterrains furtifs au sein même du territoire français, suite aux confidences faites, devant témoins, lors d'un dîner, d'un haut responsable des applications militaires du CEA. Celui-ci m'avait alors assigné pour diffammation et, après un rejet en première instance, j'avais été condamné à 5000 euros de dommages et intérêt, à l'issue d'un procès en appel où la Cour avait tout simplement choisi d'écarter les deux témoignages fournis, par le biais d'un artifice de procédure, alors que ceux-ci avaient été pris en compte en première instance. Le jugement avait omis de faire état d'un document-clé : un rapport américain de l'American Geological Society, décrivant la technique des essais souterrains furtifs, qui avait été pourtant joint au dossier.
Dans un courrier mon avocat avant conclu :
- Tout porte à croire que le Tribunal a instrumenté de manière à obtenir votre condamnation
Je me souviens que lors du procès en appel, je m'étais retrouvé seul devant le tribunal et la partie adverse, sachant que je n'avais pas la langue dans ma poche, avait préféré jouer cette seconde manche au Tribunal de Grande Instance (où seuls les avocats peuvent s'exprimer) et non en correctionnelle ( où les parties en présence peuvent au contraire s'exprimer très largement ), où j'avais nettement dominé mon adversaire, Antoine Giudicelli.
Comme tout cela parait loin, maintenant.
J'avoue que jai eu du mal à concentrer mon attention sur ces lignes, passées totalement inaperçues dans la grande presse. Mais où est le problème ? Personne, dans le monde, n'effectue plus d'essais nucléaires souterrains depuis 1996, c'est bien connu, depuis la signature du traité d'interdiction des essais nucléaires, paraphé par la France.
Repères Février 1956 La France décide de se munir de l'arme atomique. 13 février 1960 Premier essai aérien (" Gerboise bleue ") à Reggane, au Sahara, suivi de trois autres tirs aériens.
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Au moment où j'écris ces lignes, treize années se sont écoulées, au cours desquelles aucune des puissances nucléaires cosignataires de ce traité n'a effectué le moindre essai, ne serait-ce que pour s'assurer de du caractère opérationnel de son stock d'ogives.
Pourtant, tout le monde sait que ces merveilles technologiques dérivent avec le temps. Et c'est valable pour toute arme. Envisagerait-on de mettre toute une force aérienne " sous cocon " pendant treize années, sans s'assurer qu'un des appareils, pris au hasard, reste bien en état de vol ? Les artilleurs qui ont la charge de veiller sur un stock d'obus en tirent un de temps en temps. Cela a toujours été ainsi. Mais l'arme nucléaire échappe à ces tests de fiabilité. C'est merveilleux, cette confiance, non ?
En fait, et cela est très bien décrit dans un rapport de l'American Geological Society, la furtivité d'essais nucléaires souterrains est assurée lorsqu'on les effectue dans, ou à proximité d'une mine de n'importe quoi, en activité.
Geological and Engineering Constrainsts on the Feasibility
of Clandestine Nuclear Testing
by Decoupling in Large Underground Cavities
Traduction :
Faisabilité et contraintes d'essais nucléaires clandestins faits dans le large cavités souterraines.
http://geology.er.usgs.gov/eespteam/pdf/USGSOFR0128.pdf
L'impact sismique de la mise à feu d'un explosif dépend totalement de la façon dont celui-ci est mis en contact avec le milieu solide ambiant. Des tirs de mines mettent couramment en action des charges de dynamite de 500 kilos. On cherche alors à briser la roche, ou le filon de minerai, avec le maximum d'efficacité. Les mineurs creusent des trous profonds, au fond desquels ils logent les charges. On obtient alors typiquement des signaux sismique de magnitude 3.
Si ces mêmes charges étaient simplement posée sur le sol de la galerie de mine, le signal sismique tomberait alors à une valeur négligeable.
Il en est de même pour une explosion nucléaire. Les équivalents TNT des essais d'aujourd'hui sont de 300 tonnes de TNT. Si on place l'engin au centre géométrique d'une cavité d'une vingtaine de mètres de diamètre, emplie de gaz, l'onde de choc sphérique, produite par l'explosion créera une surpression bien répartie sur la face interne de la cavité. Il en résultera un signal sismique de magnitude 3. Les effets peuvent être encore réduits en emplissant la cavité non pas d'air, mais d'un gaz différent, qui jouera un rôle plus efficace d'absorbeur d'énergie ( en la convertissant en énergie radiative, laquelle chauffera simplement la face interne de la paroi ).
Essais nucléaires, les irradiés d'In-Ekker Pierre Tarbouriech a toujours rêvé de Sahara. Au-dessus de la boulangerie familiale, à Saint-Chinian (Hérault), il dévorait les romans de Frison-Roche. Dans la bonne odeur du fournil, tandis que son père partait faire sa tournée avec un âne, des pains chauds plein le bât, le jeune homme s'imaginait chevauchant les dunes. " J'étais partant pour l'aventure, la vraie, pas pour être irradié. " Débat sur les incidences sanitaires en Polynésie La France a réalisé l'essentiel de ses essais nucléaires (193 sur 210) en Polynésie entre 1966 et 1996, à Mururoa et Fangataufa, explosions aériennes à partir de barges, de ballons, d'avions, ou sous-marines. Après des années de silence, un débat se développe sur les incidences de ces essais sur les populations insulaires. Une association locale, Moruroa e tatou, créée en 2001, se bat pour que l'armée reconnaisse que les travailleurs polynésiens et les populations locales ont été contaminés. Après avoir été longtemps dans le déni, les autorités françaises admettent aujourd'hui que " cinq essais ont toutefois donné lieu à des retombées un peu plus significatives sur des lieux habités " mais contestent toute incidence sanitaire. Jusqu'à présent, aucune indemnisation n'a été accordée. Le 27 avril, une nouvelle demande formulée par cinq malades et trois ayants droit de personnes décédées a été examinée par le tribunal de Papeete. Le jugement a été mis en délibéré au 25 juin. La polémique porte aussi sur le niveau de contamination et d'éventuels risques environnementaux dans les zones qui ont servi aux essais.
Au total, la France a effectué 210 essais, 50 atmosphériques et 160 souterrains. 150 000 personnes, civils et militaires, y ont participé.
Edition abonnés Archive : Indemnisation des victimes d'essais nucléaires : la fin d'un long silence Pour partir, Pierre Tarbouriech se fait gendarme, est affecté en Algérie, au milieu des années 1950. C'est déjà le dépaysement, c'est surtout la guerre. Quatre ans comme ça avant d'obtenir enfin une affectation plein sud, dans le désert. Il est muté dans le Hoggar comme chef adjoint à In-Ekker, à 130 km au nord de Tamanrasset. Le petit poste est niché dans un fortin au pied d'une montagne noire, le Taourirt Tan-Afella, 1 990 mètres d'altitude. En pantalon saroual, il doit patrouiller à travers un immense territoire où vivent 2 000 habitants. " A première vue, c'était la vie dont je rêvais. Et puis j'ai appris que l'endroit avait été choisi pour les essais nucléaires. " Après avoir effectué plusieurs expériences aériennes à Reggane, les ingénieurs ont choisi ce massif granitique pour poursuivre sous terre leurs recherches. Des soldats du génie sont envoyés en 1961. Ils se mettent à creuser une galerie en colimaçon dans la roche. Pierre-Louis Antonini arrive à In-Ekker le 15 juillet avec " le sentiment de débarquer dans un four ". " L'armée avait un temps envisagé de faire ses essais en Corse, à quelques kilomètres de chez moi. " A 20 ans, le fils d'agriculteur, l'enfant de San Antonino, quitte l'île pour effectuer son service. Il est affecté au 11e régiment de génie saharien, conduit les mineurs à l'entrée du tunnel puis monte le poste de commandement et, en plein cagnard, tire des câbles électriques en tous sens. Originaire de Thiers (Puy-de-Dôme), Valentin Muntz est chargé des sismographes, qu'il pose tous les 960 mètres. Ce fils d'ouvrier déménage les instruments utilisés à Reggane, manipule à mains nues un matériel déjà irradié. " Ça coule de source que j'ai été contaminé ", assure-t-il. A l'époque, il vit sa mission comme une aubaine. " Nous étions contents de ne pas être plus au nord, à combattre dans le djebel. On n'a pas pris de balle, c'est sûr. Mais les pathologies qu'on a développées ensuite, c'est pas forcément mieux. " L'installation du Centre d'expérimentations militaires des oasis (CEMO) s'étoffe avec les mois. Une base-vie sort du sable à In-Amguel, à 35 km au sud d'In-Ekker, ainsi qu'un camp intermédiaire, baptisé Oasis 2, occupé par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). 2000 personnes, dépendant essentiellement du 621e groupement des armes spéciales (GAS), vivent sur place. La ronde des avions Breguet et Super-Constellation maintient le contact avec le monde extérieur. Le courrier est censuré, les pellicules photo contrôlées. Il ne fait pas bon parler de la bombe, encore moins dire qu'on en a peur. Dans la routine du camp, tout prête à l'insouciance, à la bravade de jeunes gens. " Nous avions 20 ans ", résume Valentin Muntz. Lors du premier essai à In-Ekker, baptisé " Agathe ", le 7 novembre 1961, l'Auvergnat est à moins d'un kilomètre du point zéro, en short, chemisette et chapeau de brousse. La " bombinette " a pété. Puis Valentin Muntz a récupéré ses instruments et les mineurs du génie sont revenus creuser un autre colimaçon dans le massif irradié.
MASQUE À LA CEINTURE Le deuxième tir, baptisé " Béryl ", a lieu le 1er mai 1962, en fin de matinée. En grande pompe : le ministre des armées, Pierre Messmer, celui de la recherche, Gaston Palewski, des dizaines de personnalités civiles et militaires sont présentes. A Oasis 2, un en-cas est prévu pour ces messieurs-dames : poulet, frites, salade. Maurice Sicard, le chef de rang du restaurant, attend de les servir. Ce civil, récemment démobilisé après vingt-sept mois à crapahuter dans le sud algérois, travaille pour la Société hôtelière de ravitaillement maritime, qui est en contrat avec le CEA. Il s'est juché, avec le cuistot, sur une colline pour assister au spectacle. Depuis les premières heures du jour, Didier Pailloux patiente au pied de son camion de dépannage. Originaire de Blois (Loir-et-Cher), ce soldat du contingent est arrivé au Sahara le 4 janvier, comme mécanicien des poids lourds. Il a garé son engin le long de la route, en vue du Tan-Afella. Il tue le temps, son masque à la ceinture et un dosimètre autour du cou. " Moi, on m'avait donné une combinaison blanche mais, à côté, des gars n'en avaient pas. " L'état-major a mégoté pour les tenues de survie mais distribué des fusils. " Il craignait plus les attaques de l'OAS ou du FLN que les irradiations. Il y a la mort visible et la mort invisible ", constate Pierre-Louis Antonini. Le Corse a été réquisitionné comme chauffeur et poireaute au volant de son véhicule sur le parking des officiels, situé à trois kilomètres du point zéro. Claude Jouin admire le paysage pour tromper les heures. " C'était très beau, je n'avais pas encore eu le temps de m'habituer. " Le Normand n'est arrivé que le 21 avril. Originaire de Flers (Orne), il était en caserne à Nancy quand ont été demandés des volontaires pour le Sahara. " Je me suis dit qu'il y ferait beau temps, j'ai postulé. " Le 1er mai, il a été envoyé avec huit camarades, en jeep, vers un poste de garde, une hauteur isolée, à quelques kilomètres du point zéro. Vers 11 heures, la bombe a explosé. Le Tan-Afella s'est ébroué. " On croyait que la montagne allait décoller ", assure Valentin Muntz. " Elle a été secouée comme on secoue un tapis ", raconte Pierre-Louis Antonini. " La terre s'est mise à trembler comme si des milliers de chevaux arrivaient au galop, se souvient Maurice Sicard. Ça s'est approché. C'est passé sous nos pieds. Les cailloux ont roulé quand l'onde de choc est passée. " " On sentait les vibrations se propager dans le corps, assure Pierre Tarbouriech, affecté au parking des officiels. Et puis, une fumée a été éjectée, gris-noir. " L'accident. Un nuage radioactif a commencé à s'échapper dans l'atmosphère, s'est élevé jusqu'à 2 600 mètres d'altitude, puis s'est dirigé vers le PC. " Quelqu'un a crié : “Ça a pété !” Une sirène s'est déclenchée. Et là, ç'a été le sauve-qui-peut général. " Deux commandants grimpent dans la jeep de Pierre-Louis Antonini et lui ordonnent de partir. Le soldat veut attendre son chef de section. " Fonce ! " lui ordonne un des gradés. " On a commencé à voir des gens courir, raconte Didier Pailloux. Il y avait des véhicules partout. J'ai eu un moment de panique. Mon adjudant m'a dit : “Allume ta sirène ! On se barre !” " Des hommes sautent dans le camion, s'agrippent comme ils peuvent. " Je suis parti pied au plancher vers In-Amguel. " Sur le parking, Pierre Tarbouriech tente d'assurer un semblant de circulation. " Le nuage arrivait sur nos têtes. J'ai attendu que tous les véhicules aient été évacués pour partir à mon tour, après une demi-heure. Nous avons filé en hors-piste vers la base-vie. Nous sommes passés devant la gendarmerie d'In-Ekker où étaient restés nos effets. On nous avait demandé de tout laisser grand ouvert. " A l'écart, Valentin Muntz observe la débandade sans comprendre. " Nous sommes restés là trois quarts d'heure, une heure. On admirait le nuage qui partait puis revenait vers nous. Un capitaine a déboulé en jeep : “Qu'est-ce que vous foutez là encore ?” On a alors compris qu'il y avait du danger. Quelques secondes après, on s'est retrouvé à dix dans un véhicule à rouler à fond dans le désert. " A Oasis 2, Maurice Sicard revient tranquillement vers le restaurant quand surgissent les voitures et les camionnettes. " Les gens étaient affolés. Certains nous ont dit que la porte de plomb avait cédé, d'autres que la montagne s'était fendue. Alors nous avons tout abandonné sur place mais le nuage était passé sur nous depuis belle lurette. A mon avis, le poulet, les frites et la salade ne seront pas mangeables avant cent ans… "
DOUCHES DE DÉCONTAMINATION Louis Bulidon est resté à In-Amguel, campé devant ses appareils de mesure. Ingénieur en chimie, l'appelé, originaire d'Aix-en-Provence, est arrivé le 5 décembre 1961. " J'attendais le tir tout seul devant mon écran, avec mon enregistreur, mon groupe électrogène, mes filtres. " Il ressent l'explosion, à 35 km de distance. " Sacré pétard ! ", se dit-il. Au bout d'une demi-heure, deux jeeps déboulent. En descend une petite dizaine d'hommes en tenue blanche qui exigent un robinet et de la poudre à récurer. " C'étaient des gars du CEA. Ils étaient hagards, terrorisés. Ils se sont foutus à poil et ils se sont frottés. Ils se raclaient la peau comme on racle la couenne des cochons. Ils se roulaient dans le sable pour se décontaminer. Quand j'ai vu ça, je suis allé chercher mon masque et je l'ai mis. En me voyant, des soldats ont demandé à un officier : - Et nos masques ? Sur l'appareil qui mesure la radioactivité, Louis Bulidon ne tarde pas à voir la courbe s'envoler et dépasser les deux tiers de l'échelle : le nuage passe sur In-Amguel. Après vingt minutes, la courbe s'infléchit enfin. Un officier débarque " comme un fou ", déchire la bande d'enregistrement et repart avec. Le soir même, Louis Bulidon demandera des nouvelles de cette trace écrite. " Ç'a été la curiosité du mess et puis elle a disparu ", lui répondra l'officier. Louis Bulidon n'entendra plus jamais parler de ses enregistrements. A l'entrée d'In-Amguel, un poste de décontamination a été monté. Les dosimètres sont collectés. Ils ne sont pas à lecture immédiate ; il faut les développer pour connaître la radiation, qui plus est mesurée dans une ancienne unité de mesure, le röntgen. Des hommes en combinaison blanche soumettent au compteur Geiger ceux qui reviennent. Les plus contaminés sont déshabillés puis envoyés à la douche. " C'était compteur Geiger. Douche. Re-compteur Geiger. Re-douche. Comme ça 30 fois, raconte Valentin Muntz. On nous brossait à la brosse à chiendent. A certains endroits, ça ne faisait guère plaisir. Un homme a envisagé de me raser complètement. Un autre a dit : “Ça va.” On m'a donné un short et je suis parti. Mais je peux dire que j'ai vu Messmer nu comme un ver. Il hurlait, exigeait un pantalon. " Le filtrage laisse à désirer : Didier Pailloux rentre au camp avec son camion sans subir le moindre contrôle. Pendant ce temps, Claude Jouin est toujours à son poste. " On n'était au courant de rien. Quand on a vu sortir la fumée noire, on a pensé que c'était normal. On avait perdu le contact avec le poste de commandement. On appelait, ça ne répondait pas. On a cru que ça faisait partie de l'exercice, qu'ils nous essayaient en même temps que la bombe. " Le compteur Geiger se met alors à crépiter en permanence. " On a fini par l'arrêter. On a consommé les rations en attendant. Finalement, vers 14 heures, on s'est décidé à partir. " Pour retrouver la piste, les hommes se rapprochent de la montagne, jusqu'à un kilomètre du point zéro. " On s'est retrouvé dans le nuage. On roulait dans le noir. " Les neuf hommes arrivent devant le centre de décontamination. " Les gars nous ont demandé d'où on venait comme ça. Ils nous ont confisqué nos armes qu'ils ont enterrées. Nous, ils ne nous ont pas enterrés parce qu'ils n'ont pas osé. On s'est retrouvé à la douche. Il y avait des képis d'officiers qui traînaient par terre. " La patrouille est isolée à l'infirmerie. " Nous étions suivis de deux heures en deux heures. Un gars pleurait, moi pas : je ne suis pas d'un naturel anxieux. " " Je n'étais pas du tout inquiet, explique Pierre Tarbouriech. Personne ne m'a rien dit ce jour-là, ni d'ailleurs durant le reste de ma vie. "
COLIQUES ET MAUX DE TÊTE A la base, les événements alimentent plutôt une bonne humeur un peu bravache. " On en riait le soir, d'avoir vu les gens courir en tous sens, s'accrocher au camion ", se souvient Didier Pailloux. " Nous n'avions aucune information, assure Louis Bulidon. De toute façon, rien n'avait été prévu pour évacuer la base. " Les officiels étaient repartis le jour même en avion, abandonnant les pioupious à leur sort. Le soir même, Pierre-Louis Antonini reçoit l'ordre de retourner vers le Tan-Afella. " Je devais récupérer des objets laissés sur place, des sacoches, des effets personnels. " Il découvre des chaussures abandonnées dans la fuite. " Le lendemain du tir, nous sommes retournés vers la zone pour refaire la piste, poursuit-il. Le compteur Geiger crépitait. Je commençais à être inquiet. J'avais lu des choses sur Hiroshima et Nagasaki. "
Débat sur les incidences sanitaires en Polynésie La France a réalisé l'essentiel de ses essais nucléaires (193 sur 210) en Polynésie entre 1966 et 1996, à Mururoa et Fangataufa, explosions aériennes à partir de barges, de ballons, d'avions, ou sous-marines. Après des années de silence, un débat se développe sur les incidences de ces essais sur les populations insulaires. Une association locale, Moruroa e tatou, créée en 2001, se bat pour que l'armée reconnaisse que les travailleurs polynésiens et les populations locales ont été contaminés. Après avoir été longtemps dans le déni, les autorités françaises admettent aujourd'hui que " cinq essais ont toutefois donné lieu à des retombées un peu plus significatives sur des lieux habités " mais contestent toute incidence sanitaire. Jusqu'à présent, aucune indemnisation n'a été accordée. Le 27 avril, une nouvelle demande formulée par cinq malades et trois ayants droit de personnes décédées a été examinée par le tribunal de Papeete. Le jugement a été mis en délibéré au 25 juin. La polémique porte aussi sur le niveau de contamination et d'éventuels risques environnementaux dans les zones qui ont servi aux essais. Le 3 mai, Valentin Muntz n'est qu'à moitié rassuré également quand on lui demande de récupérer ses sismographes sur le terrain. " Nous avions une tenue blanche fermée par un Velcro avec dessous un pull en laine et des chaussettes en laine. Il faisait 50 °C. On ne pouvait pas respirer. Alors, régulièrement, on enlevait le masque. Nous avons fait six ou sept voyages pour aller chercher les sismographes. " Un centre de décontamination est installé sur le trajet d'In-Amguel. " On passait à la douche puis on repartait à la base où on déchargeait les sismographes du camion à mains nues. " Ordre est donné d'enterrer sur place le matériel trop radioactif. La jeep de Claude Jouin est ainsi enfouie sous une fine couche de terre. A l'infirmerie, dans les heures qui ont suivi l'explosion, le Normand et ses camarades se sont mis à souffrir de coliques et de maux de tête. Ils restent une semaine sous surveillance. Le 8 mai au soir, un Super-Constellation les évacue discrètement vers l'hôpital Percy à Clamart (Hauts-de-Seine). " Ils ont vidé un pavillon d'officiers où ils nous ont mis. Nous étions gardés. Les journalistes étaient interdits. ça a duré trois mois. Ensuite, je suis devenu le chauffeur du médecin-chef. Puis j'ai été muté au service de santé de Vincennes jusqu'en janvier 1963. " Maurice Sicard a développé très vite une urticaire qu'il traînera trois semaines. " J'avais doublé de volume. " Pierre-Louis Antonini passe le mois de mai et le mois de juin à travailler au pied de la montagne. " Je suis rentré en permission en Corse en juillet. J'avais des saignements de nez, des diarrhées sanguinolentes. Je suis allé voir le médecin de famille qui m'a envoyé passer des examens à Bastia : mon taux de globules blancs avait chuté. J'étais anémié. J'ai subi une transfusion. Après vingt jours, l'armée a dit que j'avais assez tiré au flanc et je suis retourné à In-Amguel où j'ai retravaillé en zone contaminée jusqu'en décembre 1962. " Dans les semaines qui suivent, Louis Bulidon participe à des campagnes de mesure de l'air, des puisards et de l'herbe à chameau. L'armée pousse ses investigations jusqu'à Djanet ou Agadez, à plus de 1 000 km. " Il y a eu embargo sur les résultats ", assure l'ingénieur. Raymond Sené a mené semblables travaux pendant quatre mois. Titulaire d'un troisième cycle de physique nucléaire, l'appelé est arrivé d'urgence à In-Amguel après l'essai. " L'armée n'avait aucune confiance dans le CEA ", assure-t-il. Les tests sont probants. " Les filtres étaient saturés d'iode. Nous avons récupéré des scories au pied du Tan-Afella. Même enfouis dans le sable, les capteurs hurlaient. " Les informations sont là encore tenues secrètes. Un mois après le tir, Pierre Tarbouriech est retourné vivre au poste d'In-Ekker. Il a retrouvé ses affaires. Les Touaregs, eux aussi, sont revenus. Ils ont fait boire leurs bêtes dans les puits mais évitaient les pâturages autour du Tan-Afella. 5 000 personnes vivaient dans le massif du Hoggar à l'époque. L'armée a examiné cette population mais les conclusions n'ont jamais été révélées aux intéressés. Au fil des années, les habitants déterreront une partie du matériel pour l'utiliser.
LES ENNUIS DE SANTÉ SE MULTIPLIENT Pierre Tarbouriech revient en France en 1963. Les appelés sont démobilisés les uns après les autres. Après la quille, ils exercent un métier, se marient, fondent une famille, oublient. Louis Bulidon fait une belle carrière dans l'industrie pétrolière. Didier Pailloux devient représentant de commerce près de Blois, Claude Jouin charpentier-couvreur à Flers et compagnon du Tour de France. Valentin Muntz change plusieurs fois de profession, atterrit à Angers (Maine-et-Loire). Pierre-Louis Antonini reprend l'exploitation familiale à San Antonino. Les ennuis de santé se multiplient bientôt. Dès la fin de 1963, Didier Pailloux se plaint de douleurs aux articulations. Il boite tant qu'il est hospitalisé l'année suivante à Paris. Il passe quelques années plus tranquilles, sous anti-inflammatoires, mais les crises reprennent en 1971 puis en 1974. Un cancer de la vessie est découvert. Pour Valentin Muntz, les pépins commencent en 1966. Des petits points noirs apparaissent sur son visage. Les cheveux se décollent par plaques. Les gencives enflent. On lui fait des piqûres de Nivaquine pour le soulager. Dans les années 1980, il perd ses dents qui s'effritent une à une, devient énorme, vieillit prématurément. Pierre-Louis Antonini développe des ganglions dix ans après son séjour, est opéré à de multiples reprises. On lui diagnostique bientôt un cancer. Claude Jouin souffre lui aussi de ganglions. Il perd ses dents et subit une ablation du sein droit. Son dossier médical fait également état de syndromes bronchiques et de plaques calcifiées. Les vétérans parlent des fausses couches de leur femme. Et puis, il y a les enfants, surtout les enfants, qui ont développé à leur tour des pathologies, avec ce sentiment taraudant de culpabilité. Certains préfèrent qu'on n'en parle pas. Maurice Sicard veut " porter témoignage " : son fils, né en 1964, a eu un cancer, son petit-fils également. Claude Jouin aussi veut que cela se sache : " Mon fils aîné a déclenché une leucémie à 8 ans. Le plus jeune a eu de l'eczéma. Une petite-fille a des problèmes osseux. " Les vétérans feront peu à peu le rapprochement. L'armée s'y refuse. Début 1977, une commission médicale militaire déboute Pierre-Louis Antonini au motif qu'il n'a pas déclaré la maladie dans les 90 jours. Il s'obstine, en appelle aux tribunaux administratifs, va jusque devant le conseil d'Etat, qui rejette sa demande en 1988. Quand Valentin Muntz rencontre bien plus tard Pierre Messmer, il évoque devant lui ses déboires physiques, ses problèmes de cheveux notamment. " Il m'a répondu de changer de shampoing. " L'homme s'insurge : " Nous avons été des cobayes. " Seul Claude Jouin se voit admettre une " blessure reçue par le fait du service, le 1er mai 1962 ". Le rapport médical fait état de " séquelles d'intoxication spécifique par radiations ". Une pension d'infirmité lui est allouée en 1963 : 53,55 francs par trimestre (l'équivalent de 70 euros 2008). " Ça ne payait pas le tabac. " Le conseil de réforme lui retirera la mirifique pension en 1966, l'estimant guéri, avant de le déclarer " hypocondriaque ". L'armée connaissait-elle les risques qu'elle faisait prendre ? Raymond Sené l'affirme. Devenu chercheur au CNRS, il ne cesse depuis quarante ans de dénoncer l'opacité du milieu nucléaire. Il sort de ses archives les 733 pages écrites par l'Américain Samuel Glasstone sur les pathologies radio-induites. " Ce rapport a été traduit dès 1963 par les militaires. Ils savaient. " En 2001 est créée l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN). Au hasard de coupures de presse, les 150 000 hommes et femmes qui ont participé aux expérimentations françaises dans le Sahara puis le Pacifique découvrent qu'ils sont nombreux à lutter contre la maladie. Les anciens d'In-Ekker se persuadent qu'ils ont été irradiés. Ils demandent l'accès à leur dossier médical. Un long parcours épistolaire avec, en retour, un courrier lapidaire, plus ou moins le même. " Les résultats sont tous négatifs. Il ne semble pas exister d'anomalie dans votre surveillance dosimétrique. " Pour Claude Jouin cependant, un courrier évoque une " exposition importante et parfaitement établie ". En 2003, une pension lui est de nouveau octroyée : 77 euros par mois. Aujourd'hui, les anciens d'In-Ekker expriment leur colère. Ils approchent ou dépassent les 70 ans, n'ont que faire de l'argent. " Je leur reproche de ne nous avoir rien dit, s'indigne Valentin Muntz. J'ai porté haut les couleurs de la France. Je les ai aidés à se munir de l'arme atomique. " " On nous a trompés, estime également Pierre-Louis Antonini. Nous étions fiers de participer à cette aventure, de contribuer à ce que la France soit un grand pays. Elle ne nous a pas avertis du danger. J'attends une reconnaissance. " Un projet de loi doit être bientôt discuté au Parlement, censé ouvrir plus largement les possibilités d'indemnisation. Claude Jouin a des doutes. " Alors que mon cas est reconnu, je n'ai presque rien touché. Vous dire les autres… " Régulièrement, le Normand retrouve les huit camarades qui avaient été laissés à eux-mêmes, ce 1er mai 1962. Il en manquait un cette année, emporté par la maladie. Le bulletin trimestriel de l'AVEN recense les avis de décès des adhérents. Le dernier numéro comportait 19 noms. Benoît Hopquin
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Une petit info au passage : le rapport entre la puissance d'une arme nucléaire et l'altitude atteinte par son champignon :
L'engin tactique-type, équipant des têtes mirvées des SSBM des sous-marins a une puissance de 100 kilotonnes. Cela situe son champignon au delà de l'altitude de croisière des avions de ligne ( 11.000 mètres : 30.000 pieds ). Cela signifie aussi que les déchets radioactifs voyageront allègrement partout à cause des jet streams. Les champignons des engins de 30 mégatonnes atteignent des altitudes de 35 kilomètres. Quand on imagine la " Tsar Bomba " russe ( 60 mégatonnes, là, ça sort de l'atmosphère terrestre.
J'ai déjà composé une page sur l'essai nucléaire souterrain Beryl, à In Ecker, dont voici des photos, qui parlent d'elles-mêmes.
Le bouchon saute et le gaz radioactif sort
Heureusement, j'ai mon équipement....
La montagne, complètement cachée par le nuage radioactif, qui ne cessera de s'étendre
La bombe n'a pas développé 20 kilotonnes, mais 50. Les portes blindées ont cédé !
Localisation des sites d'essais nucléaires au Sahara
Un lecteur m'a envoyé un long dossier, retraçant toute l'histoire des essais nucléaires français en Polynésie. C'est à lire, surtout le début. On retrouve la négligence des hommes de l'atome vis à vis des populations locales et des simples bidasses. C'est la poursuite de ce qui s'est passé au Sahara. Ce qui est moins connu, ce sont les réticences des élus locaux face à cette perspectives de voir transformer leurs îles paradisiaques en terrain d'expérimentation, sacrifiées sur l'autel de la sacro-saint " indépendance nationale ".
Les élus son hésitants. Certains refusent d'avaler les mensonges que leur prodiguent " les scientifiques ". A la fin, de Gaulle perd patience :
Tahiti, « territoire stratégique militaire » ?
- page 33 -
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Il est facile de trouver des reportages et émission sur le sujet. C'est à voir.
La vie à bord des sous-marins porteurs de missiles nucléaires http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-resultat
Le tir aérien Canopus, Mururoa 1968, le plus puissant : 2 mégatonnes http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-canopus
Reportage sur site In Ecker http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-visite-a-reggane
Bilan tracé par les polynésiens. La patrie des droits de l'homme http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-commemoration
Film diffusé sur ARTE octobre 2007 http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-le-paradis-nucleaire
Compilation d'images de différents explosions nucléaires http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-compil
FR3 : 8000 à 15000 personnes exposées http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-reportage-fr3
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Dans ces vidéos vous reverrez l'épisode Greenpeace, et l'arraisonnement des voiliers croisant au voisinage de Mururoa, incidents qualifiés de bénons par notre imbécile de ministre des Armées, Messmer :
Messmer à ... l'Académie Française.
- Nous avons simplement dit à ces gens d'aller faire leurs singeries ailleurs
Le poids des mots, le choc des photos
- Oui, c'est vrai, j'ai fait envoyer deux cent légionnaire avec des tanks, évoluer juste au point zéro, après un tir aérien au Sahara. On voulait savoir s'il serait possible de le faire, juste après une explosion nucléaire. Mais, vous savez, à cette époque, on ne connaissait pas très bien les effets...
( Le sol était couvert de sable devenu radioactif. Les véhicule, non étanches, on circulé dans ce vent de sable et les conducteurs en ont avalé tant et plus. Beaucoup sont morts très rapidement, peu de temps après )
- Quand on a dû arrêter les essais en Algérie, on a cherché un endroit où continuer, un endroit tranquille. Et de ce côté, un île, c'était bien....
- Quand le général a vu l'essai de Mururoa, il m'a dit " que c'est beau ! ..."
Que c'est beau ! ...... ( De Gaulle, Mururoa )
Vous avez devant vous les gens qui pèsent sur le destin du monde et laissent ensuite l'addition aux générations futures, pour des ... millions d'années, après avoir passé l'arme à gauche et pris place dans nos livres d'histoire. Mais, quand même , Gaston Palewski, à l'époque ministre de la recherche, témoin de l'essai raté d'In Ecker, est mort par la suite d'une leucémie : il arrive que des ministre avale de saloperies radioactives. Mais c'est exceptionnel. De Gaulle n'a jamais été irradié.
Mais il y a toujours des jeunes générations, " bardées de diplômes ", pour prendre la relève sur le champ de bataille de la connerie. Dans la vidéo
http://www.aven.org/aven-accueil-galerie-video-le-paradis-nucleaire
vous verrez s'exprimer un jeune blanc-bec, maître de conférence à la Fondation sur la Recherche Stratégique, qui n'a probablement jamais vu un mort ou un irradié de sa vie.
Bruno Tertrais, très content de lui, très médiatisé
Maître de conférence à la Fondation sur la Recherche Stratégique
Le regard limpide du garçon sans états d'âme, résolument "Atlantiste", consultant à la Rand Corporation.
A la question " était-il opportun de réaliser ces essais en Polynésie ?" vous l'entendrez répondre " Tout à fait? La Polynésie, c'est la France !"
A propos de ses idées politiques, voir le livre qu'il a publié en 2005, au moment du démarrage du second mandat de Bush :
Analyste politique, qui " dissèque " ? Tu parles ....
Ces gens-là, on devrait les descendre dans un puits, avec des provisions, de l'eau, et puis descendre à côté d'eux, au bout d'une corde, un bon bout de ferraille irradié, ou du sable radioactif, en le disant " tenez, ça va vous tenir compagnie quelques heures ". Ce genre de chose où " on ne voit rien, on ne sent rien". Ils se chieraient dans le froc de trouille et supplieraient en pleurant qu'on les sorte de là.
Ailleurs, ceux qui sont morts irradiés ont décédé dans d'atroces souffrances. Une femme ingénieur, irradiée à Mururoa, est décédée en France, en se tordant sur son lit, en s'aggripant aux barreaux, même bourrée de morphine. Sa mère " j'ai pensé un moment l'étouffer sous son oreiller pour abréger ses souffrances ". Il faudrait que Tetrais voie ce choses là de ses yeux. Lui ou Messmer, ou tant d'autres. Comme ces porte-parole qui se gardaient bien de manger des salades récoltées en Polynésie et qui me font penser à la phrase de Prévert :
- Ceux qui fabriquent dans des caves les stylos avec lesquels d'autres écriront que tout va pour le mieux.
Les hommes politiques ne sont pas automatiquement complices et coupables. Ils peuvent être manipulés, comme le simple quidam. Regardez cette photo de Chirac, emmené par Bush au dessus des tours jumelles, constater de visu, le jour même, les horreurs faites par ... Al Qaïda. Un président français, convaincu, dès lors prêt à envoyer des troupes françaises en Afghanistan.
Chirac, survolant Manathan dans l'hélicoptère de Bush, le 11 septembre 2001
L'Amérique est attaquée, il faut voler à son secours !
Mais, quelques années plus tard, mieux renseigné, il refusa d'associer la France à l'aventure irakienne.
Par contre, rappelez-vous, Tony Blair fut convaincu après avoir vu ... une simple vidéo. Après, il était trop tard pour faire marche arrière, pour donner foi à un autre son de cloche...
Au dessus de toute cette histoire, de Gaulle, perché sur son nuage, avec son rêve mégalo de grandeur et d'indépendance française. J'ai choisi de vous donner cette photo du promoteur en chef de la frappe de dissuasion française, aux côté d'un jeune ingénieur militaire, Pierre Billaud. Né en 1920, il a au moment où j'écris ces lignes 89 ans.
De Gaulle visitant le centre nucléaire de Limeil, au côté de Pierre Billaud
Pour plus de détails, reportez-vous à la page que j'ai consacrée à l'héroïsme. On y trouvera des extraits du site de Pierre Billaud, dont l'idée fixe, s'il n'est pas déjà passé de vie à trépas, est qu'on reconnaisse enfin que c'est lui, et non Dautray, " le père de la bombe H française ".
J'ai une anecdote personnelle, à propos de Pierre Billaud. Il m'avait contacté par mail il y a quelques années, quand j'avais écrit dans mon site que la France avait procédé ( et procède toujours ) à des essais nucléaires sur son propre territoire. Billaud trouvait cette idée insensée et ajoutait :
- La seule solution, si on voulait reprendre des essais, serait d'avoir les couilles de les faire dans les fonds marins....
Plus écologiste, tu meurs.....
Dans un article récent ( 2008 ) Billaud rend hommage à Carayol ( décédé en 2003 ), en tant que véritable " père de la bombe H française " (et non cet opportuniste de Dautray qui, plus proche de de Gaulle, s'en attribua la paternité. C'est le tout jeune Carayol qui eut, en France, l'idée simple et lumineuse ( montage de Sakharov en Russie et de Teller Ulam aux USA. Une idée qualifiée à la mesa de Los Alamos de " technically sweet" ).
Il était effectivement temps que la France rende enfin justice à ses pionniers de l'atome, fut-ce à titre posthume :
Un Carayol jugé par tous ceux qui l'ont connu comme " très humain ", mais merveilleusement inconscient, comme Billaud, du travail qu'on lui faisait faire. Lui non plus n'a jamais vu crever un irradié. Il n'a peut être même jamais vu un mort de sa vie. Comme Billaud...
N'était-ce pas Oppenheimer qui avait dit ;
- Nous avons fait le travail du diable ...
Une petite remarque en passant. On en sait beaucoup plus sur ces techniques, maintenant. Le tout début des essais furtifs consiste effectivement à les effectuer dans des mines en activité, ce qui permet de camoufler le signal sismique dans le bruit de fond de l'activité normale de l'exploitation. Mais aujourd'hui, tout cela est franchement dépassé. Mais alors, comment procède-t-on pour continuer d'étudier, de faire progresser l'armement nucléaire dans les différents pays ?
Une technique plus élaborée a été initiée par les Russes, dans leur site de Semipalatinsk, au Kazakstan il y a ... plus de quarante ans. Cela consiste à utiliser une cuve, d'un diamètre pouvant aller de 10 à 30 mètres, selon la puissance que l'on se propose de gérer. Suffisamment épaisse et solide pour encaisser le choc de l'onde explosive. Ces installations sont " semi-enterrées ". Il n'est pas nécessaire d'opérer en logeant ce enceintes sphériques à grande profondeur. Pourquoi ? Parce qu'on les réutilise, pardi ! Après le tir, on ouvre, on vide et on nettoie. Les spécialistes vous parleront de " tirs froids ". Le signal sismique est quasi inexistant puisque la " cuve " encaisse le choc. L'onde de choc se réfléchit sur sa paroi, reconverge vers le centre géométrique, nouveau rebond, etc. Jusqu'à ce que l'énergie de cette explosion soit tout tranquillement convertie en chaleur. On tapisse la face intérieure de cette enceinte sphérique par un matériau qui provoque un rebond inélastique de l'onde de choc, accélérant la transformation de son énergie cinétique en chaleur, pas excitation radiative.
25 août 2009 : On peut se livrer à un calcul très simple sur l'art et la manière de négocier la furtivité des essais nucléaires souterrains. On sait qu'on peut descendre la puissance des bombes A à moins d'une kilotonne. Disons 3 hectotonnes pour fixer les idées. On sait que : 1 kilo de TNT = 4 106 joules Au passage, remarquez que l'énergie contenue dans un kilo de dynamite ( un bon pain de cet explosif ) représente un million de calories ( une calorie = 4,18 joules ). Or une calorie c'est la qualité de chaleur nécessaire pour élever un centimètre cube d'eau d'un degré. Supposons que je veuille me faire un bain et que l'eau dont je dispose soit à 15° . Je veux la porter à 30°. Je pourrait donc élever à cette température un volume de 66.666 centimètres cube d'eau, soit 66 litres. Vous voyez donc que l'énergie stockée dans un pain de dynamite ne permet pas de se faire chauffer un bain. Bien sûr, si nous mettez le pain de dynamite sous la baignoire, l'effet sera totalement différent. Une bombe de 300 tonnes de TNT représente 1,2 1012 joules, soit 2,4 1011 calories. Une telle bombe pourrait-elle vaporiser l'eau d'un lagon, en supposant qu'il faille élever sa température de 70° ? Elle serait susceptible de porter à ébullition 3,54 milliards de centimètres cubes, soit 3,4 millions de litres ou 3400 mètres cubes. On voit donc qu'une fois l'essai effectué, la chaleur dégagée pourra être évacuée en chauffant l'eau d'une pièce d'eau assez modeste. Une solution assez peu écologique pour assurer le chauffage d'un ensemble immobilier voisin. Le lagon de Mururoa a une superficie de 15 kilomètres carrés. Approximons sa profondeur moyenne à dix mètres. Cela représente 150 millions de mètres cubes. Nous voyons qu'une bombe de 300 tonnes d'équivalent TNT vaporiserait deux cent millièmes de l'eau de l'atoll. Nous touchons du doigt les aspects qui caractérisent les explosif. C'est une énergie somme toute assez modeste, au regard de ce que la nature dans déployer ( dans le plus petit cyclone tropical ), mais délivrée en un temps très bref.
Revenons à la question des explosions dans des cuves d'acier (technique inventée par les Russes dans les années cinquante) 300 tonnes de TNT représentent donc : 1,2 1012 joules. Prenons une cavité de trente mètres de diamètre, d'un volume de 113.000 mètres cubes. Quand toute cette énergie se sera dissipée sous forme de chaleur la pression qui s'établira dans la chambre sera égale à la densité volumique d'énergie, soit 107 pascals, ou cent bars. Ca n'est pas gigantesque. La question centrale, c'est la dissipation. L'énergie est au départ concentrée dans le milieu thermonucléaire sous la forme d'une onde de détonation et d'un intense flux de rayons X. Mais le flux de rayons X représente à lui seul 90 % de l'énergie. C'est ce flux de rayons X qui, absorbé par l'air, qui donne la "boule de feu". Une centaine de mètres de diamètre pour les bombes de 10 à 20 kilotonnes ( Hiroshima, Nagasaki ). Cela donne une idée de la distance de réabsorption des photons X dégagés, dans l'air. Dans ces expériences, on n'est pas obligé de remplir la cuve d'air. Si on emploie un gaz donnant une longueur de réabsoption plus faible, de l'ordre du rayon de la cuve, c'est toute la masse gazeuse qui sera portée à haute température, en bloc, instantanément ( en 50 nanosecondes ), avec une pression appliquée sur la coque, de cent bars. On peut aussi réduire la distance de réabsorption en accroissant la pression. On tapisse la paroi intérieure de la cuve d'un matériau propre à absorber les gammas et à piéger toutes les cochonneries qui seront produites par l'explosions, couche qui sera ensuite grattée par des robots et mis dans des fûts, et également analysée, pour décodage de l'expérience. Si le gaz de la cloche est porté à cent bars, cela voudrait dire que sa température absolue, en supposant que la pression initiale soit de 1 bars, serait multipliée par cent. Après le tir, l'enceinte est emplie de gaz à 3000°, celle d'un filament de lampe électrique. On n'est pas " au coeur du soleil ", loin s'en faut. Mais si la cuve est en acier, cette chaleur est rapidement évacuée, par simple conduction tehrmique. Une enceinte d'un centimètre d'épaisseur tiendrait allègrement sous cent bars. Là, on en met dix et cette masse de métal fait puits de chaleur. Il y a toute une technologie de gestion de cuve à imaginer. L'enveloppe doit être assez solide pour résister à la pression (100 bars : modérée). Autour, une enveloppe de béton amortit le bruit, en modifiant l'impédance acoustique. L'ensemble du bazar, "découplé du sol " et " semi-enterré" est monté sur l'équivalent de " cylindres-blocs", comme ça on ne réveille pas les voisins. Bien sûr, cette montée en pression est très rapide. Tous les moyens seront bons pour amortir ce coup de bélier. Les Russes tapissent l'intérieur de leurs cuves de mousses, qu'ils enlèvent ensuite, après le tir, pour réutiliser l'objet. Elles jouent plusieurs rôles à la fois, déjà évoqués. Les Russes ceinturent aussi le cuve d'une coque de béton, pour accroître l'impédance acoustique, atténuer le bruit. Un bruit ... inaudible, la cube n'étant pas liée au milieu qui l'entoure. Ces cuves " semi-enterrées " ne sont pas en contact avec le sol. Dans ces conditions on voit qu'il est en fait extrêmement facile de mener, même à proximité d'agglomérations, des expériences nucléaires souterraines, sans que personne ne puisse s'en rendre compte. Quand on réutilise les cuves il faut les vider, les " décontaminer ". Si on décide de mettre ces gaz et produits solides dans des containers, puis de les enterrer ou de la balancer dans l'eau, au large, ni vu ni connu. Tout cela avec des calculs faisables sur une calculette à deux balles. Les ingénieurs militaires français mèneraient-ils des expériences de ce genre, aujourd'hui ? Non, bien sûr, parce que c'est bien connu : les Français ont à coeur de respecter les accords internationaux sur l'interdiction de mener des essais nucléaires souterrains
Qui croira une telle fable ?
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Dans une arme nucléaire, l'explosif est principalement le plutonium 239. Il n'existe pas à l'état naturel, ayant une durée de vie bien inférieure à celle de l'Uranium 235, présent à hauteur de 0,4 % dans les minerais d'uranium naturels, le reste étant l'isotope U238. Quand on fait fonctionner un réacteur nucléaire en lui faisant produire des neutrons rapides, on dirige ceux-ci vers " une couverture fertile " constituée par le l'Uranium 238. S'il y a capture d'un neutron, du Plutonium 239 est produit.
Dans le concept du tir froid " l'implosoir " comprime ce qu'on appelle un "fantôme ", c'est à dire un matériau non fissile, dont les propriétés sont très proches de celle de l'explosif nucléaire. On peut alors penser à l'Uranium 238. Ca n'est pas vraiment écologique. Mais l'écologie n'a jamais été le souci central des atomistes. Une seconde formule consiste à utiliser un isotope du plutonium, non-fissile, encore plus proche du Pu 239 (il a la même "équation d'"état"), qui est le Pu 242, qui se forme également par bombardement à l'aide de neutrons rapides. Très très cher....
Enfin, le Français marchent dans les traces des Russes, qui dominent de longue date les " tirs tièdes ". Ce sont des tirs nucléaires " ratés ", atténués, où on titille à un cheveu près la masse critique. On voit qu'entre le " tir froid ", sans réactions nucléaires, et l'explosion nucléaire souterraine il y a maintenant la place pour tout un éventail de tirs " tièdes ", et ceux-ci sont pratiqués sans interruption par les puissances dotées de l'arme nucléaire, y compris la France, bien sûr. Autrement dit :
Le traité d'interdiction des essais nucléaires souterrains est une foutaise complète
Maintenant, vous pouvez toujours y croire, si cela peut vous rassurer. Vous pouvez également croire que l'armée se contente de simulations sur ordinateur, ou que le laser Mégajoule servira de banc d'essai pour les futurs engins thermonucléaires français. Un joli miroir aux alouettes.
Au passage, vous découvrez aussi le concept de base des " mini-nukes ", évoqués par les Américains. Tout cela est opérationnel de longue date, à l'Ouest comme à l'Est.
Dans ces expérimentations en cuves, on peut ainsi moduler la puissance de tire " tièdes" entre une à dix tonnes d'équivalent TNT, ce qui ne nos jours est suffisant pour étudier ne nouvelle arme.
A propos des essais effectués à Mururoa, les militaires ont commencé par forer leurs puits ( sept cent mètres de profondeur, un mètre de diamètre) dans la barrière corallienne, faite de calcaire. Vous savez ce qu'est un atoll. C'est un ancien volcan, fait de basalte, qui s'est progressivement enfoncé. Les coraux ont alors poussé, pour garder le contact avec la lumière du soleil. Au fur et à mesure que cette montagne de basalte s'enfonce, les coraux poussent.
Cette frange corallienne, en calcaire, était plus facile à forer que le basalte, à partir d'un derrick installé en surface, alors que le socle de basalte, au centre de l'atoll est à 20-30 mètres de profondeur. Mais ce calcaire est aussi plus fragile. Lors d'un tir effectué en 1979 la plate forme corallienne s'est fissurée et un pan d'un million de tonnes a glissé dans la mer, provoquant un tsunami, une vague de vingt à trente mètres de haut, qui a fait un blessé grave. Par la suite les militaires ont pris des mesures pour se mettre à l'abri, dans des sortes de miradors, dont les pieds étaient assez fins pour être insensible au passage de la vague. Mais cela ne s'est pas reproduit.
Une fois le puits foré, on descend l'engin, puis les appareils de mesure, contenus dans un container d'une dizaine de mètres de long. On rebouche le trou avec une parties des déblais issus du forage. Ce matériau, rendu meuble, est un bon amortisseur. Enfin on dispose en sortie un bouchon de béton. L'explosion comprime le basalte et crée une cavité souterraine, à sept cent mètres de profondeur, dont le diamètre dépend de la puissance de l'engin. A Mururoa, typiquement entre dix et trente mètres de diamètre. Cette cavité est emplie de gaz brûlants et de lave. La pression qu'elle exerce est inférieure à celle des sept cent mètres de gravats de basalte qui remplissent le puits.
A ce stade, les militaires veulent en savoir plus sur ce qui s'est passé. Des équipes forent alors un conduit de dix centimètres de diamètre, en oblique, en visant la chambre nucléaire. Grâce à de sondage ils peuvent prélever du gaz et même de la roche fondue, de la lave, et l'analyser. Ce spécialiste sont des " radiochimistes ". Des activité qui ne sont pas dénuées de risques pour les ingénieurs militaires qui les gèrent. Beaucoup ont contracté des cancers et son morts dans d'atroces souffrances.
Enfin, les gaz contenus dans cette chambre magmatique nucléaire se refroidissent. La paroi de basalte se fissure, se délite et emplit progressivement la cavité. Au Nevada, ou les tirs sont effectués à plus faible profondeur, il en résulte un affaissement en forme de cratère.
Le site des essais nucléaires souterrains du Nevada, Etats-Unis
Je crois que les tirs américains, effectués dans du ... sable, ne sont pas aussi profonds. Quand l'explosion a lieu, sous le lagon de l'atoll ( celui de Mururoa était un des plus beaux de la région, et avant de l'utiliser on a commencé par ne déforestation complète ), l'explosion crée une onde de choc, qui se propage à travers le basalte. Dans les expériences terrestres, cette onde provoque un tressaillement du sol. A Mururoa le choc se communique, au contact, à l'eau du lagon. Une onde de choc se propage dans le milieu liquide, à une vitesse supérieure à celle du son dans l'eau. Cette masse d'eau se trouve projetée vers le ciel. Elle se soulève légèrement. Et comme l'eau est un matériau inélastique, elle réagit par un phénomène de cavitation. La masse blanche qu'on voit apparaître dans le lagon, ce sont des bulles de vapeur d'eau, qui se résorbent ensuite.
En 1992, Mitterand avait décidé d'interrompre les essais nucléaires dans le Pacifique. Chirac décidera leur reprise en 1996, pour quelques derniers essais, destinés à valider la puissance des nouvelles armes, jusqu'à ce que la France se décide à contresigner, comme de bien entendu, le fameux traité d'interdiction des essais nucléaires souterrains.
Le bilan de cela se résume à cette simple phrase d'un Polynésien :
- Ils ont pourri le ventre de la mer.
Pour quelques décennies d'illusion de puissance, d'autonomie, d'indépendance nationale, les Français ont créé une pollution potentielle monstrueuse. On ne sait pas quand une fissuration se produira, dans dix ans, cent ans ou mille ans, mais un jour, quelqu'un payera l'addition laissée par un vieillard rêvant de grandeur qui, lors de la première explosion thermonucléaire aérienne à Mururoa, dont il avait été témoin s'écria :
- Comme c'est beau !
Espérons que les pissenlits de Colombey les deux églises ont bon goût.
Un monde conduit par des rêves de vieillards mégalomanes
Au delà des dégâts écologiques, tous s'accordent à conclure que la présence militaire française en Polynésie s'avéra désastreuse sur le plan social, humain. Ce grand menteur que fut toujours de Gaulle, jouant sur la naïveté des autochtones, vanta le " développement " de la région, qui ne fut jamais qu'un mythe. En fait, les Français, criant bien haut " la Polynésie, c'est la France " endommagèrent la culture des populations locales de manière irrémédiable, apportant surtout tout ce que le monde moderne pouvait avoir de plus exécrable : le goût des choses inutiles, la " malbouffe" (le pays s'est peuplé d'obèses et d'alcooliques), la frime. Le monde qu'Alain Gerbaut avait connue disparut à jamais, écrasé par le rêve d'un imbécile mégalomane.
A quoi nous servent, aujourd'hui, nos sous-marins nucléaires bardés de fusées armées de têtes thermonucléaires, soit-disant " durcies ". Pour dissuader qui ? Le fait de détenir ces armes nous donne-t-il plus de crédibilité aux yeux du Monde que les pays Européens qui n'en disposent pas ? De Gaulle, qui disait " l'intendance suivra " s'est trompé de guerre. Celle-ci se joue aujourd'hui sur le terrain économique et social, sur le terrain humain, avec lequel ce disciple de Machiavel n'a jamais été en contact de toute sa vie.
Ci-après, les différents sites d'expérimentation nucléaire aériennes, dans le monde. En 22 on voit le site supposé où furent mis au point les armes nucléaires dont l'état d'Israël se trouve doté, avec la complicité discrète de l'Afrique du Sud.
Les sites d'essais nucléaires dans le monde
L'Angleterre a 200 têtes nucléaires, la France 350, la Chine 2350, les USA 11.000 et la Russie 19.500
Israël ? Inconnu. Plus de 33.500 têtes. Surréaliste, non ?
Voilà, j'ai fait mon travail. J'ai relayé l'information. Il parait que j'ai une certaine audience dans l'Hexagone. Je veux bien le croire. C'est pour cela que je continuerai à rédiger ces billets, à accroître la masse d'informations contenues dans mon site. Mais je reste étonné et déçu par l'apathie ambiante. Aucune réaction au message contenu dans mon dernier livre qui, pourtant, j'estime, est important.
Il y a des sujets d'importance majeure qui restent perçus comme une sorte d'incitation au rêve, à l'imaginaire. L'esprit s'avère incapable d'aller plus loin.
Un souvenir me revient en tête, soudain, datant du début des années quatre vingt. A l'époque j'avais été le premier, à la suite de l'assassinat, à Madrid, de mon collègue et ami Vladimir Aleksandrov, à tenter d'attirer l'attention du public sur le phénomène d'hiver nucléaire, qu'il avait découvert et publié avec son collègue Stenchikov. Aleksandrov avait été supprimé, vraisemblablement par les services secrets américains, au moment où il avait entamé une croisade pour faire connaître ce que d'autres ( le lobby militaro-industriel ) préferaient garder secret. Mais le temps a passé. Tout cela est connu, maintenant. On a même fait des films là-dessus.
J'avais vainement essayé de bouger la grande presse française. Aucun résultat, après des mois d'efforts. Finalement un ami m'avait dit :
- As-tu essayé l'Humanité ?
- Non, j'avoue .....
J'avais alors pris contact avec Claude Cabanne, son rédacteur en chef de l'époque et il a alors été possible de publier plusieurs articles-fleuves (trois si ma mémoire est bonne ) couvrant chacun une ... double page du journal. Les illustrations étaient très reconnaissables et je me souviens avoir vu à l'époque de la parution Georges Marchais, au siège du parti, consulter un de ces pages, lorsque la caméra le montrait, à la télévision. Je peux dire en tout cas une chose : dans cet article, je n'avais ménagé ni un camp, ni l'autre. Russes, Américains et autres membres du club nucléaire avaient été mis dos à dos. Mais personne n'avait censuré une seule ligne de mon texte.
Ce que je voudrais simplement signaler, c'est la phrase de Cabanne, quand je l'avais rencontré et que j'avais plaidé pour la publication d'articles sur ce sujet. Il m'avait textuellement répondu :
- Oui, ça serait un bon sujet pour l'Humanité-Dimanche.
et je lui avais aussitôt dit :
- Est-ce que vous vous rendez compte que je vous propose un article qui évoque un risque majeur, parfaitement objectif et argumenté, dans lequel les complexes militaro-scientifiques mondiaux plongent l'humanité. Et vous classez cette information au rayon de " pages magazines ".
Cabanne avait réagi, comme émergeant d'un rêve :
- Oui, vous avez raison.....
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