La bouteille à la mer
20 avril 2009
Je reçois souvent des messages de gens inconnus, qui m'écrivent " j'aime bien ce que vous faites ". En fait, je fais ce que je peux. Beaucoup de gens m'envoient des liens vers des informations qu'ils souhaiteraient voir diffuser, toutes plus horribles, plus alarmantes les unes que les autres. Il y en a tellement. Je visionne des heures de vidéos, sur ceci, cela. Je vois la Terre qui souffre, de nous.
Il est facile de tomber sur la sottise humaine. Je me rappelle, c'était il y a bien des années. Il y avait un petit chemin parfumé qui courait le long de la côte, près de Saint Tropez. Au détour de cette sente on tombait soudain sur une grosse dalle de granit : le tombeau d'Emile Ollivier, qui portait une inscription en latin, signifiant " le plus grand espoir et le plus grand repos". Le tombeau était face à la mer. Je ne sais pas s'il existe encore. J'ai voulu savoir qui était cet homme. De nos jour il y a une fenêtre sur les écrans, qui donne sur presque tout.
Cliquez, et vous recevrez....
Il suffit d'indiquer un lieu, un nom, et on est entraîné dans un tourbillon. On saute de lien en lien, de sujet connexe en sujet connexe, comme une grenouille, qui passe d'un nénuphar à un autre nénuphar. Le Second Empire, la dépèche d'Ems, la France qui déclare la guerre à la Prusse, le 18 juillet 1870. Emile Ollivier qui " accepte la guerre d'un coeur léger ".
On bondit de faits en faits, de révolutions techniques en révolutions techniques. Du temps de Napoléon, les canons étaient en bronze, qui fondait à plus basse température que le fer. On les chargeait par la gueule, avec des boulets. La guerre de soixante-dix a changé cela. Le recul faisait bouger l'affût. Il fallait repointer à chaque fois. Quelle perte de temps ! Et voici que soudain nos brillants ingénieurs militaires inventent l'obus, propulsé par la poudre contenue dans son étui. Cette poudre est alors soigneusement calibrée. On gagne en précision. C'est plus commode : on recharge par l'arrière, clac ! On va pouvoir se tuer plus efficacement, avec plus de précision.
J'avais oublié Emile Ollivier. Quelle importance.
Emile Ollivier, sortant de chez le coiffeur
Les Prussiens battirent les Français à plates coutures, qui n'étaient pas préparés. Et cette guerre, pourquoi faire ? Pourquoi ? Elle a l'air aussi absurde que celle de 14-18. Plus rapide, quand même. Il y a eu des citations, des médailles. Quelqu'un a-t-il chiffré le poids de métal passé en médailles, depuis que le guerre existe ?
Nouveau progrès : on encaisse le recul avec un système amortisseur. A cette adresse, on vous explique tout. Il y a même une jolie animation. Cliquer, pour tirer un coup. On met à feu. Boum ! la culasse recule. Un piston comprime de l'huile, qui, passant par un trou, va comprimer de l'azote. L'obus part, virevolte. Pour le stabiliser : l'invention du canon rayé.
Rayures intérieures d'un canon de la première guerre mondiale. Joli, non ?
Elle est pas belle, la science, la technique au service des hommes ? Le mouvement de recul étant amorti, l'affut ne se déplace pas. On peut recharger et tirer de nouveau, comme à la foire, comme à la fête foraine. L'homme invente le tir rapide. Lisez les poèmes composés à la gloire du canon de 75, bien de chez nous.
L'obus remplace le rustique boulet, qui tuait en rebondissant. La, nouveau progrès : la fusée. Le projectile peut alors être truffé de balles d'acier d'un centimètre de diamètre, qui sont dispersées en dessous de la cible en arrosant le point visé avec une gerbe de grenaille. Notez : les meilleurs hauteurs d'éclatement, les plus efficaces, se situent entre dix et trente mètres. Mais, très vite, on garnit les obus de tas de choses, comme les truffes en chocolat. On crée des obus perforants, des obus à gaz, des obus à retardement, etc. Aujourd'hui on a même des obus à obus ( "sous-munitions" ).
J'ai failli, dans le livre que j'ai écrit et qui est sous presse, citer une phrase du généralissime Foch. Puis j'ai exploré les carrières de tous ces gens, comme Foch, Joffre, Pétain, des premiers ayant laissé leurs noms sur des plaques de rue, sous des statues de bronze. Le troisième s'était gourré de camp. C'est fantastique de pouvoir envoyer se faire tuer des millions d'hommes, en ayant fait toute sa carrière dans le génie, le train, ou l'état major. Et même de faire fusiller ceux qui reculent.
" On les aura ! "
Et si encore c'était le passé. Mais ça continue, partout. On tue les hommes, on tue les animaux, on tue la nature. Nous nous prenons pour le centre de l'univers, pour le top de la pyramide évolutive.
Regardez cette photo que m'a envoyé mon ami Xavier Laffont. Regardez la fixement, longtemps, pixel par pixel :
Chacune de ces taches floues est une galaxie, avec un millions de planètes porteuses d'une vie organisée
A ces échelles de distance, ce ne sont plus des étoiles qu'on aperçoit, mais des galaxies, comme la nôtre, la voie lactée ( tiens, au fait, c'est parce qu'on est dedans qu'on la voit dans le ciel sous forme d'une allée portant son nom. Enfin qu'on la voyait, quand le ciel était assez clair pour ça ).
Dans chacune des galaxies : des centaines de milliards d'étoiles, et dans chacune très probablement, un million de systèmes semblables à notre propre système solaire autour desquels gravitent des planètes habitées. Vous avez sous les yeux, d'un seul regard, un milliard de planètes porteuses d'une vie intelligente. Un milliard de milliards de mecs.
Xavier a montré cette photo à son entourage, professionnel, familial. Aucune réaction :
- La Joconde montrée à des chimpanzés
Essayez de montrer cela à un islamiste, à un juif intégriste, à ... etc....
Vous ne trouvez pas qu'on a l'air cons avec nos croyances, nos batailles, nos médailles, nos armements à la con ? Est-ce qu'on n'a pas l'air cons avec notre science, nos religions, nos dieux divers et variés? Il faudrait inventer quelque chose d'autre. Une autre idée de l'univers, dirait de Gaulle. Oui, c'est ça, c'est pas mal. Il nous faut nous faire une autre idée de l'Univers. Comme dans le dessin animé Ratatouille, lorsque le critique gastronomique dit :
- Je voudrais une idée neuve, bien fraîche..
Alors j'ai écrit un bouquin, comme on jette une bouteille à la mer. Il est sous presse. Non, ça n'est pas le titre, ni le dessin de couverture.
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