J'ai exploré la rivière souterraine de Port Miou en 1960. J'avais 23 ans. J'ai mené cette exploration avec un ami de mon âge, Jean-Claude Mitteau. Nous avons effectué cette plongée peu de temps après la mort de Conrad Limbaugh qui, à cette époque, était en quelque sorte le "Cousteau Américain", et qui était basé sur la côte ouest des Etats Unis Il avait 35 ans. Nous avons effectué une sorte de raid, jusqu'à 450 mètres de l'entrée. Pour ce faire je déroulais une pelote de ficelle de chanvre, passé sur un bout de balai accroché autour de mon cou. Nous avions sur le dos deux monobouteilles de 2 mètres cubes, équipés des détendeurs Cristal, fabriqués par notre ami Yves Girault, également créateur de superbe lampes, construite autour de phares de recul Cibié, et donnant un excellent éclairage. Nous avions tout en double : appareil, lampes, couteaux.
J'ai préféré vous faire découvrir cette rivière souterraine à partir du film " le fleuve de la nuit " réalisé par mon vieil ami Paul de Roubaix. http://www.dailymotion.com/video/xanurx_le-fleuve-de-la-nuit_tech
Le fils de Paul de Roubaix, c'était François de Roubaix, le compositeur. Nous nous étions connus au Lycée Carnot, à Paris. Les de Roubaix avaient une propriété, en Corse. Il y eut d'abord le drame de la noyage d'un certain Josso, qui était comme moi étudiant à Supaéro. Celui-ci se noya là-bas par syncope, en essayant de sortir un mérou de son trou. Comme cela ne suffisait pas, les de Roubaix perdirent leur propre fils , qui se noya en se perdant dans des grottes, à Ténérife, en 1975. Il n'avait pas utilisé de fil d'Ariane. Je me rappelle l'immense salon de la rue de Courcelles, à Paris, où François créait ses musiques. Il aimait ramener des instruments de musique de tous les pays du monde où il voyageait, qui cohabitaient avec une des premiers synthétiseur musicaux, ô combien primitif. François avait un enregistreur à plusieurs bandes et il lui arrivait de créer ses musiques de film seul, en jouant successivement tous les instruments, du moins tous ceux dont il savait se servir, qui étaient nombreux, et mixant le tout lui-même. Il fut un des premiers à ajouter des sons "synthétiques". En fait Il faisait de la musique avec ... n'importe quoi. Je ne sais pas si vous vous rappelez les premières notes de la musique du film la Soumoune. J'avais demandé à François comment il avait produit ces étranges sonorités. S'inspirant des antiques guimbardes, il s'en était fabriquée une, avec quelques notes, en coinçant des limes à ongles, à différentes longueurs, dans le couvercle de son piano, faisant office de caisse de résonance. On entend ces quelques notes, assez mal, au milieu de cette version du morceau. Il y a des enrgistrement où on entend ça plus clairement. http://www.qobuz.com/info/MAGAZINE-ACTUALITES/VIDEO-DU-JOUR/Saint-Francois20326 Je crois que s'il s'était trouvé, naufragé, sur quelque île déserte, il aurait en peu de temps trouvé de quoi faire de la musique. Voir aussi : http://www.qobuz.com/info/MAGAZINE-ACTUALITES/VIDEO-DU-JOUR/Saint-Francois20326 J'ai trouvé ceci, concernant les circonstances du décès de Conrad Limbaugh.
Conrad Limbaugh 1924 - 1960
Michel Poudevigne à côté du requin de 400 kilos sorti de l'eau par J.P.Petit, à droite, en lui passant une corde autour de la queue et en le halant dans le port de Croisette à l'aide d'une treuil à bateaux, visible sur l'arrière-plan
Il est exact que des poissons fréquentent la grotte, en particulier des loups, et font des incursions dans la couche d'eau douce qui s'écoule sur l'eau de mer, pour inciter les parasites fixés sur eux à les quitter. Il y avait des tas de choses saisissantes, dans ces lieux. Primo, à l'entrée, l'eau douce se mélangeait à l'eau de met en donnant " de la vaseline". Il fallait donc franchir quelques mètres dans le flou, comme un myope qui a perdu ses lunettes. Une fois passé ce poche, en regardant vers la sortie, on pouvait distinguer une surface verdâtre, marquant la frontière entre l'eau douce circulant en surface et l'eau salée, un peu mêlée d'eau douce, juste en dessous. Quand on voyait un plongeur, resté en arrière, dont le corps était plongé dans ces deux milieux, on avait l'illusion que ses jambes étaient immergées et son buste hors de l'eau L'erreur fondamentale fut de s'aventurer dans une grotte sans fil d'Ariane, ce qui fut aussi le cas pour François de Roubaix. Je ne sais pas si Limbaugh avait ou non sa propre lampe. Si la réponse à cette question est négative, alors le drame était couru. Ce qu'il y a de traître, dans les grottes sous-marines emplies d'eau douce, c'est que celle-ci est aussi transparente que celle du robinet, au point que quand on pénètre dans une partie avec une grande hauteur de plafond, emplie d'eau douce, on a ... le vertige. De plus, évoluer dans une eau à salinité variable n'est pas chose facile. Avec un lestage donné, si on pénètre dans une couche d'eau de mer, on part vers le plafond, dans les stalagmites. Inversement, si c'est une poche d'eau douce, on s'enfonce, si on n'y prend pas garde. La dernière chose à faire, alors, est de palmer. Car comme vous aurez pu le voir dans le film, le plancher de la grotte est couvert d'un fin limon, qui se soulève au moindre coup de palme. Si on s'est laissé surprendre et qu'on entre au contact avec le fond, il faut (à l'époque nous n'avions pas de gilets permettant d'adapter la flottabilité) emplir ses poumons et attendre qu'Archimède fasse le travail. Et, en général, pour éviter cet ennui, il faut opérer comme un sous-marin qui règle sa pesée, selon la densité de l'eau dans laquelle il évolue. Pour ce faire le plongeur doit respirer avec les poumons très pleins, dans une poche d'eau douce, et au contraire près de l'expiration, dans une nappe d'eau salée. Bien sûr, avec les gilets modernes, on règle cela avec deux boutons. Mais à l'époque, ce matériel n'existait pas. Si Limbaugh n'avait pas l'habitude de tout cela, en quittant ce cône d'éboulis et en s'aventurant dans l'entrée béante de la rivière, toute proche, il avait toutes les chances d'y rester. Yves Girault a été un de mes meilleurs amis et j'ai fait quelques plongées avec ce pauvre Poudevigne, qui devenait blême, même des années après, quand nous passions devant l'entrée de la grotte, se révélant par le bouillonnement de l'eau. Quand nous avions fait ce raid, Jean-Claude et moi, après quelques plongées exploratoires, nous avions choisi de dérouler notre fil d'Ariane en nous déplaçant rapidement, puis de le laisser sur place. Ce filin était assez solide pour ne pas se briser. Je me souviens d'une exploration spéléologie, où j'ai passé le siphon de la Foux de Sainte Anne, près de Toulon. Des spéléologues amateurs avaient amené mon matériel. A pied d'oeuvre j'avais découvert une belle vaste d'eau claire. - Qu'est-ce que c'est qui est au fond, cet objet ? .... - Ah, si vous pouviez me le récupérer, me répondit "le Marquis", c'est mon dentier. J'avais demandé qu'on achète une bobine de ficelle et, l'ayant en main, j'ai passé les quelques dizaines de mètres que représentaient ce siphon. De l'autre côté s'offrait à moi une vaste galerie "où la main de l'homme n'avais jamais mis le pied". J'ai accroché mon fil d'Ariane à un stalactite et je suis parti, à pied, en exploration. Je ne sais plus quelle distance j'ai parcourue. Mais quand je suis revenu, un bout de ficelle pendait. Le lien s'était rompu. Pourquoi ? Parce que le sale gosse à qui le marquis avait demandé d'aller quérir de la ficelle, avait pris ... de la ficelle de papier, la moins chère, en gardant le reste pour s'acheter des bonbons. Ca existait à l'époque et, au contact de l'eau, ce matériau se défaisait complètement. J'en étais là. J'ai mis vingt bonnes minutes à faire le trajet inverse, non pas en tirant sur cette ficelle, qui me serait aussitôt restée dans la main, mais en suivant à vue le fin sillon qu'elle avait fait en s'enfonçant dans la vase. Je me déplaçais sans faire un mouvement, réglant ma flottabilité avec mes poumons et avançant en me servant d'une main, tandis que l'autre tenait la lampe. Comme j'avais demandé au Marquis de braquer sa lampe vers l'entrée du boyau, quand j'a aperçu cette lumière, j'ai compris que j'étais sauvé. En faisant surface j'ai immédiatement dit " mais qui est l'animal qui a acheté cette pelote de ficelle ? " Le club de spéléo en question était constitué par un homme âgé, doté d'une particule, plus une bande de mioches. L'exploit figura dans le journal région "Le secret de la résurgence de la Foux de Sainte Anne enfin percé ", au grand dam de spéléologues-plongeurs lyonnais, qui avaient jusqu'ici été les seuls à réaliser de tels exploits. Mais tout cela n'eut pas de suite. Il faut retenir de toutes ces anecdotes qu'il est déraisonnable de s'aventurer dans la moindre grotte sans fil d'Ariane. L'eau très pure ne diffusant pas la lumière, il peut arriver à l'imprudent de perdre soudain le repère visuel de la sortie, simplement parce que la géométrie du lieu intercepte soudain la lumière et ... qu'il se retrouve dans le noir absolu. Il n'y a pas de diffusion sur des particules en suspension, parce celles-ci son absentes. Le danger c'est quand on croît être "familier des lieux". En revenant aux travaux qui avaient été effectués par la société des Eaux de Marseille, j'ai eu l'occasion de descendre dans le puits de soixante dix mètres. A l'époque un ascenseur "moderne" n'avait pas encore été mis en place, et nous étions descendus dans le classique "seau à ciment" du XIX° siècle. On m'avait demandé d'effectuer des croquis du bassin, ce que je savais faire en utilisant un crayon gras, et dessinant sur une feuille de rhodoïd. Un type qui était jeune étudiant à l'époque, Bernard Zappoli, avait demandé à m'accompagner. 3Il avait ses brevets", m'avait-il dit. Cette plongée lui a fichu une trouille pas possible. Il est vrai que c'est assez impressionnant. Je me rappelle aussi qu'un des plongeurs travaillant sur le site avait trouvé la mort quelques semaines plus tôt, en se ... perdant, et je m'étais demandé pourquoi la société n'avait pas équipé le site de fils de nylon fixés à la paroi par des pitons à expansion et munis de petits cônes en bois ou en plastique indiquant le chemin à parcourir pour revenir à la sortie, ce qui aurait permis à un plongeur dont la lampe se serait éteinte de s'en sortir, après avoir trouvé, dans l'obscurité ou dans une eau troublée, à tâton un de ces fils d'Ariane courant au plafond. Mais un consensus s'était établi ( faute de perte l'emploi ) selon lequel " c'était de sa faute. Ca m'a rappelé ce qui se passait dans les clubs d'ULM, et continue de se passer dans les clubs de parapente, où on tue des élèves en leur donnant du matériel non approprié, et en les faisant voler dans des conditions inadéquates, vu leur niveau, lors que tous les moniteurs tombent d'accord sur ce fait "que ce fut une mort par faute de pilotage". Pensez à cette plongée de nuit, aux îles Komodo, en 2013, dans des conditions de sécurité aberrantes. Sans compter ce qui découle de l'institionnalisation de ce sport nommé " apnée off limits ", qui n'est pas un sport, mais une roulette russe, mais où on a quand même assisté à la création d'une " fédération de l'apnée ". Les champions ... se tuent les uns après les autres. Mais l'époque est aux exploits. Pour devenir un temps célèbre, on surfe sur le fil du rasoir. En bas, la foule se réjouit de voir l'acrobate évoluer sans filet. Jusqu'au jour où l'acrobate s'écrase au sol. Et là, tout le monde s'en fout, les médias en tête. . Les merdias ont une grande responsabilité en donnant écho à des exploits aussi dangereux qu'imbéciles. Des cinéastes talentueux, comme Besson, remportent de grands succès, s'emplissent bruyamment les moches avec des films "culte", comme le Grand Bleu, qui a fait des centaines de morts. Et un jour, quand le héros quitte les feux de la rampe, où ses performances l'avaient hissé, il se retrouve seul face à lui-même. Jacques Mayol a mis fin à ses jours en se pendant, dans sa maison de l'île d'Elbe.
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