Sancto, subito !

15 avril 2005

Traduction " qu'on le béatifie, tout de suite ! ". C'est le texte d'une banderolle brandie par des gens rassemblés sur la place Saint Pierre.

Le pape vient de mourir. Les chaîne de télévision ont largement couvert l'évènement. Le petit écran s'est peuplé de visages en larmes, montrant des fidèles se tordant les mains.

- On a espéré, jusqu'au bout !

Espéré quoi ? Ce pape, comme la royauté anglaise, est un fantasme. A propos de ce qu'il a fait, jetez un oeil à un des rares journalistes dont la voix se soit élevée pour rappeler certains faits assez gênants.

L'article de Thierry Meyssan en pdf, paru dans le quotidien Voltaire

Eh oui, ce son est discordant au milieu de ces flots d'encens qui se déversent sur un homme qui a innové dans de nombreux domaines. Personne ne s'insurge contre l'existence d'une papamobile à l'épreuve des balles. Jean-Paul II est passé d'un extrême à l'autre. Avant qu'il ne soit victime d'un attentat il prenait des bains de foule, serrait des mains à tour de bras. On conçoit que les trajets d'un chef d'état puissent s'effectuer avec un minimum de sécurité. Les voitures circulent avec des vitres blindées, levées. Cela évite à un tireur de faire un carton trop facilement. Mais quel chef d'état a osé franchir le pas en s'offrant à la foule derrière les épaisses vitres d'une sorte d'aquarium blindé ?

Quelqu'un peut-il imaginer quelle serait la réaction du Christ face à une telle vision ? Il aurait aussitôt crevé les pneus du véhicule, pour le moins.

Mais les religions sont le dernier refuge médiatique des populations. Les fêtes religieuses, colorées, sont autant de célébrations populaires, recréant un semblant d'unité entre les hommes. Comme le faisait remarquer un journaliste à la télévision, la religion catholique, depuis le concile de Nicée, fonctionne beaucoup avec l'image, la pourpre, le doré. L'art y a gagné mais la sobriété n'est pas son fort. Elle colle bien avec l'époque moderne en tant que cyber-religion. Comment a-t-on pu tenir des téléspectateurs en haleine heure après heure pour ne pas rater l'instant où le cyberpape rendait l'âme ? Simplement parce que l'audimat a, à cette occasion, crevé les plafond. La mort de ce pape a fait vendre. Une chaîne qui aurait négligé cet évènement aurait vu ses "parts de marché" chûter.

Quand on revient aux textes évangéliques, comme le ton est différent ! Je crois que la meilleure façon de critiquer un mouvement religieux est de le placer face à ses propres textes fondateurs. Je vous incite à télécharger la version illustrée que j'ai faite du Nouveau Testament, gratuite. Tous les textes sur lesquels je me suis appuyé sont cités.

Lisez ce texte, qui n'est rien d'autre qu'un montage illustré des paroles du personnage central des Evangiles, un nommé Jésus. Voyez sa réaction quand il pénètre dans le Temple de Jérusalem :

- Judas, ce temple, il n'en restera pas pierre sur pierre !

Ne croyez vous pas que s'il revenait sur Terre c'est ce qu'il s'écrirait en pénétrant dans Saint Pierre de Rome, véritable Empire State Building de la chrétienté, conçu pour en mettre plein la vue ( 43 mètres sous la voute ).

Faute d'un dieu, on pourrait écouter des saints ( allez voir le nombre de béatifications et de canonisations opérées par Jean-Paul II au cours de son pontificat. Une démagogie sans précédent ! Il paraît difficilement pensable que son successeur arrive à égaler un score aussi absurde ). Le Christ avait dénié aux hommes tout droit de se situer au dessus de leurs frères, pendant leur vie ou après leur mort. Tout a été inventé par la suite par Paul, dans ses actes et Epitres, un apôtre qui n'a jamais connu le Christ. Lisez ma bande dessinée, totalement fidèle aux textes. Voyez comme celui-là a reconstitué les grands traits de la religion Juive en niant tout le travail qu'avait fait le Christ. Il recrée les "lieux saints", sanctifie des hommes, réinstalle la dîme et finalement reconfigure la pensée christique de telle manière qu'elle puisse être admise sans problème par nombre de rois d'Europe dans la mesure où ceux-ci peuvent, après avoir reçu l'onction se présenter devant leur peuple comme "rois de droit divin".

Le Vatican a canonisé Jean XXIII, parce que c'était simplement ... un brave homme. Mais maintenant, à quoi sert ce saint supplémentaire ? Des gens l'invoquent-ils ? Quel effet cela a-t-il sur le monde ?

Quand ces hommes et ces femmes réclament la canonisation dans l'urgence de Jean-Paul II on peut entendre cela comme un cri de détresse et de désespoir. C'est "donnez-nous une image emblématique, vers laquelle nous puissions nous tourner". Car les croyants perdent leurs repères. Le pape, je dirais même les papes sont devenus des images, des sortes de veaux d'or modernes. D'ailleurs, lisez les textes à la loupe, il n'est pas sûr que Jésus ait réellement souhaité que s'établisse une institution cléricale, de plus menée par un patriarche. Il était contre. Tous ses messages le disent. Je cite de mémoire. Vous retrouverez tout cela dans mon livre.

- Le temple est dans le coeur des hommes.

- Un homme n'aura plus à enseigner à un autre homme, car la Loi est inscrite dans le coeur des hommes

- Ne vous faites pas appeler "père", car vous n'en avez qu'un seul, qui est au ciel.

Je ne suis pas croyant, au sens classique du terme. Je pense seulement que le matérialisme des scientifiques ne mène à rien de bon. Avec ce livre je n'ai fait que mettre les chrétiens face à leurs propres écrits fondateurs. A eux de se demander si leurs appareils religieux suivent cette voie tracée. Je suis loin d'en être sûr. Rappelez vous le film "Roma" de Fellini. A un moment on assiste à un défilé de mode écclésiastique. Image finale : le pape, ou un personnage qui est censé le représenter, apparaît sur une chaise à porteur. Celle-ci, et lui même, sont garnis de lampes clignotantes.

Que serait un pape qui quitterait sa robe et se vétirait comme tout un chacun ? Que seraient des évêques, des "hommes de dieu" qui feraient de même. Bonjour l'audimat. Quand j'étais gosse la messe se disait en Latin. On entendait des mots qu'on ne comprenait pas et on répondait par des phrases également codées.

Dominus vobis cum...... et cum spititu to..... oremus..... ite missa est......

Les chants, en latin, avaient de la gueule, même s'il y avait parfois des dérapages. Je ne sais plus dans quoi on trouve :

Atque semper virgo, felix coeli porta

traduction :

Atque ( et ) semper ( toujours ) virgo ( vierge ), felix, ( bienheureuse ) coeli ( au ciel ) porta ( transportée )

Je cite, de mémoire. Un brave paysanne nous faisait mourir de rire en chantant à tue-tête :

A tué son père Virgo, Félix il l'emporta !

En français, je trouve que ça a beaucoup perdu.

Toute la force de ce personnage hors du commun qu'était le Christ est qu'il avait réellement quelque chose à dire et à faire. C'était le révolutionnaire par excellence. Il voulait réellement changer le monde et indiquait quelques recettes pour y parvenir. C'est pour cela que ses paroles franchissent les millénaires. Rappelez vous l'épisode de la femme adultère, quand il intervient. Car le Christ intervenait en prenant de sacrés risques. Rappelez vous son adresse aux Pharisiens, aux docteurs de la loi. Rappelez vous la façon dont il avait renversé les étals des changeurs, sur le parvis du temple. Rappelez vous sa colère.

Où est cette colère de Dieu ? Où sont les actes ? La foi institutionnalisée, de nos jours, manque singulièrement d'imagination et de chaleur. Des images montrent Jean-Paul II visitant le mouroir de mère Thérésa, aux Indes et posant sa main sur quelques têtes de braves agonisants, bien dociles. Ces religieux font penser à des hommes de médias, à des vedettes du show buisness, qui n'osent pas changer le moindre détail de leur apparence de peur... de ne plus exister.

On s'est empressé de canoniser cette mère Théresa à son de trompe et à grands frais. Fait d'un ridicule absolu, la délégation politique française s'était transportée là-bas ( Rafarin en tête, je crois ) en occupant je ne sais combien de suites dans les hôtels de Rome les plus luxueux. Organiser à coups de millions la canonisation de mère Thérésa, oui, mais donner à bouffer aux Indiens, les faire bénéficier de soins médicaux, mais où irait-on ?

Je repense à une vieille histoire, à un vieux rêve. Vous vous rappelez la guerre des Malouines, quand deux nations chrétiennes s'apprétaient à en venir aux mains de manière sanglante, pour quelques arpents de terre balayés par les vents, "enjeu stratégique de l'hémisphère sud". La mère Tatcher se faisait filmer conduisant un char, avec un casque sur la tête, loin d'être aussi sexy qu'une walkyrie. En Argentine les généraux exhortaient leurs troupes dans de grands élans patriotiques, à reconquérir cette "terre argentine". Je crois que cette parade militaire sanglante fut un modèle réduit de la guerre de 14-18. Ce fut tout aussi stupide. Qui oserait de nos jours parader avec une décoration reçue au feu, lors de cette guerre imbécile ?

J'aurais été le pape, je me serais dit "je vais arrêter ça". J'aurais affrêté mon yacht privé, en invitant la presse et je serais parti vers les Malouine, accompagné de quelques cardinaux, de ma femme de chambre et d'une armada de journalistes qui auraient titré, unanimes "le pape a décidé d'empêcher la guerre". Ca aurait fait la une de tous les canards du monde entier.

S'opposer à un conflit de plus grand importance eût été difficile, mais là-bas, ça restait jouable. Les préparatifs anglais risquaient de prendre du temps. En partant tout de suite moi, le pape Jean-Pierre dix huit, j'aurais eu des chances d'arriver avant le déclenchement des hostilités et de planter ma tente sur ce caillou. Une belle tente blanche, bordé de fils dorés, bien visible. Tous les matins j'aurais pris mon petit déjeuner en plein air, assis sur une chaise de camping en donnant des interviews.

La mère Tatcher aurait multiplié les interventions diplomatiques.

- Dites, déconnez pas, mon vieux. On s'apprête à se foutre sur la gueule dans les règles de l'art avec les Argentins. Vous risquez de vous prendre un missile sur la calote.

Les Argentins auraient fait de même. Moi j'aurais proposé que les Malouines devienne un territoire non national, un centre de vacances, n'importe quoi. Mais peu importe l'issue. J'aurais refusé que des hommes règles leurs comptes par les armes, c'est tout.

C'est dommage que les papes aient aussi peu d'imagination. Mais l'un d'entre eux, celui qui précéda Jean-Paul II avait décidé de prendre initiative ... dangereuse. Il avait annoncé après son investiture son intention d'assainir les comptes du Vatican.

Tout le monde est libre de choisir sa mort.

 

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