Ou commence le vrai, où s'arrête la manipulation ?

18 février 2006

Orson Welles s'était rendit célèbre, au Etats-Unis en diffusant sur les ondes d'une radio américaine une émission où il prétendait décrire l'arrivée d'extraterrestres sur le territoire des Etats-Unis. L'impact fut formidable. Certains sautèrent dans leur voiture pour s'enfuir. Il y eut quelques suicides. Quelques années plus tard je crois que c'était le jeune Pauwels qui refit le coup, en France. Sauf erreur l'émission s'appelait "Plateforme soixante-dix". A l"époque je devais avoir douze ans. Mais je me souviens parfaitement de cet après-midi où la famille écoutait avec gravité ces nouvelles. La télévision n'existait pas à l'époque, ni en couleur ni en noir et blanc. Poor nous les médias, en dehors des journaux c'était la radio. De temps en temps arrivait un "communiqué". Pauwels avait démarré son émission de la manière la plus normale. Puis il l'avait brutalement interrompue en disant que des nouvelles très importantes venaient de lui parvenir. Il prétendait avoir une laision téléphonique très mauvaise avec un journaliste qui était censé se trouver sur les lieux de ce qui ressemblait fort à un atterrissage d'un "engin venu d'ailleurs" et vivre les évènements "en direct et en première ligne". L'intensité dramatique était soigneusement ajustée. Le ton de la voix de Pauwels était passé successivement de la curiosité amusée et du scepticisme à une inquiétude qu'il voulait communicative. Au bout d'une heure cela donnait des dialogues comme :

- Vous les voyez ?
- Je vois deux cylindres fûmants....
- Et vous voyez autre chose ?
- On n'arrive pas à voir à cause de la fûmée. Ah, ... je vois des silouhettes. Ils sont deux.
- Vous pouvez les décrire ? .....
- Je vois... ah, l'une des deux créature dirige vers mois une espèce d'objet brillant. Ahhr... je brûle... ahrrr....

Fin de la liaison radio.

Les gens ne savaient pas si c'était du lard ou du cochon d'autant plus que la majorité des Français n'avaient pas eu vent du canular qui avait fait, outre-Atlantique, la célébrité d'Orson Welles.

Il y a eu des faux célèbres. Les Russes étaient passés maîtres dans les maquillages photographiques, pour faire disparaître des indésirables. Entre chaque purge les scènes se vidaient. C'était Photoshop avant la lettre. De nos jours, le moindre amateur est vraiment capable de faire ... n'importe quoi, ce qui fait que la distinction entre un vrai cliché et un faux devient une question d'estimation personnelle, de recoupements.

J'aime bien la série des albums de Largo Winch. Dans celui qui est intitulé Shadow, Winch est incarcéré en même temps que son fondé de pouvoir. Heureusement sa fidèle secrétaire Penny vient lui rendre visite. Ensemble, ils tentent laborieusement de dénouer une nouvelle machination dans laquelle l'héritier milliardaire se trouve impliqué . Page 5 on trouve le dialogue suivant :

L'album est sorti en 2002. Depuis, en quatre ans la technique a encore progressé. On peut manipuler des voix, des images fixes, mais aussi des vidéos. Regardez ce que vous pouvez voir au cinéma. Dans Jurassic Park II, ennuyeux à périr, des acteurs se baladent avec des bébés dinousaures dans les bras. On voit ceux-ci bouger, crier.

Pierre Lo Cicero, un de mes lecteurs, c'est amusé, en deux coups de cuillère à pot, à installer un "Crop Circle" dans un champ qui est voisin de ma maison.

Il a utilisé pour ce faire un petit logiciel. Ca lui a pris vingt petites minutes. En y passant du temps on pourrait vraiment faire n'importe quoi.

Il y a vingt ans je connaissais à Aix un des pionniers de ces images de synthèse ( le mot n'avait pas encore été inventé, je crois ). Mais il arrivait trop tôt, j'imagine. En France, ou on arrive trop tôt, ou c'est trop tard. Informaticien, il avait été un des premiers à montrer qu'on pouvait faire évoluer des acteurs, par exemple un figurant à cheval sur une monture, en les bardant de capteurs. Après, on habillait le comédien et son cheval d'accessoires rutilants. Il pensait qu'un jour où pourrait tourner des films avec Spencer Tracy ou Marilyn Monroe, cette apparence n'étant que des masques posés sur le visage de figurants, nettement moins bien payés que des stars et qu'un jour viendrait où le public ne serait plus capable de faire la différence. Ca n'a pas encore été fait, mais ça viendra.

Les gens me ma génération ont vu naître les images de synthèses. Dans les années oixante-dix il fallait des heures de calcul et une véritable fortune pour composer une nature morte avec un verre posé sur un échiquier, à travers lequel on voyait... je ne sais quoi. On s'est mis à poser des textures. Avec un simple clic un objet pouvait apparaître fait de pierre, de marbre, de bois veiné. On s'extasiait.

Puis sont apparus les poils, les plis, les reflets, la .. transpiration. Je pense au film Final Fantasy, qui est pas mal. Mais où en est-on maintenant ? Qu'est-ce qu'on est capable de faire ? Mieux, sans doute. Quand je vois ce qui sort d'un jeu manipulé par un gosse, sur un PC tournant en 4 gigahertz et que je compare à ce à quoi un particulier pouvait avoir accès en 1980 cela donne le vertige.

On pose sur le visage d'un acteur une constellation de capteurs. Il évolue, sourit, parle. Après, en labo, on pourra ajouter de l'épaisseur, ou au contraire faire maigrir ses joues. On peut faire pousser les poils d'une barbe virtuelle, en accéléré. On peut faire ... n'importe quoi.

Alors, où est la vérité ?

Certains s'amusent à détourner des pages de journaux, à diffuser des fausses informations. Il va fallloir nous y habituer, apprendre à marquer un temps d'arrêt sur .. n'importe quoi. Dernier exemple en date : un falsification du " Républicain Lorrain "

http://img110.imageshack.us/img110/3135/articlegongelfang6qt.jpg

Lisez le texte : cette photo, "est censée avoir été prise depuis un hélicoptère". Lieu : près de la commune de Montmelian. La trace aurait été obtenue "en tassant la Terre". Selon le journal, les représentants du culte musulman local auraient déposé une plainte en réclamant des excuses ainsi que des sanctions exemplaires contre les coupables.

Coup de fil de lecteurs au journal. Réponse de la rédaction :

- Non, nous n'avons jamais publié cela.

Mais regardez l'image et lisez l'intention, qui était loin d'être innocente : relancer l'affaire des caricatures de Mahomet.

Le maître mot est "manipulation". Là, il s'agissait d'un travail d'amateurs. Mais, dans son genre, la grande presse manipule tout autant. Elle donne de l'écho à certains faits d'actualité, en minimise d'autres, voire les passe carrément sous silence. L'histoire elle-même nous échappe. Nous découvrons des aspects hallucinants qu'on nous avaoit soigneusement cachés, des décennies plus tard. Allez voir cette partie de page, dans mon site, où on apprendr que Delouvrier, Haut Commissaire en Algérie, sous les ordres directs de de Gaulle, avoue avoir payé le FLN pendant des années pour qu'il ne plastique pas le gazoduc qui amenait son précieux contenue jusqu'au porte de Bougie. Un peu plus haut, dans cette page, vous verrez comment l'image d'une lueur a été effacée, quand un des appareils percute une des tours jumelles, le 11 septembre, alors que cette même lueur est présente dans la séquences diffusées sur le site de CNN. Dans une émission récente, consacrée à l'Algérie et à son histoire l'ancien directeur de l'Institut du Monde Arabe, à Aix ( son nom m'échappe ) concluait :

- Les Algériens présentent leur version des faits, les Français la leur. Mais les deux sont mensongères.

Fatigue, manque de vigilance, inattention. A tout moment on peut tomber, un instant, dans un piège tendu par une chorte de petits malins, tous contents de leur cop. Les "informations" ou prétendues telles déboulent. Comment démêler le vrai du faux ? Attendre ? Alors "des lecteurs" vous relancent, en nombre, vous bombardent, vous pilonnent pendant des jours.

- M. Petit, avez-vous vu cela ?

Mais ces nombreuses personnes, parfois, ne sont en fait qu'un petit groupe de correspondants, voire un seul, qui utilise plusieurs adresses e-mail. Il est même possible, des gens m'en ont fait la démonstration, d'utiliser des logiciels qui permettent d'adresser des messages en empruntant l'identité d'un autre correspondant. Mais l'intérêt du web c'est que l'information évolue, les mensonges sont débusqués. Les lecteurs ont leur mot à dire, en temps réel, ce qui rend le mensonge plus problématique dans ce grand jeu entre gendarmes et voleurs. Les hoaxbusters s'y entendent d'ailleurs et s'il est bien un travail utile, sur la toile, c'est celui que font ces gens-là. Et heureusement pour moi, mes écrits sont "sous haute surveillance".

Alors, me direz-vous, que peut-on croire ?

Les techniques modernes ont cet avantage : si elles permettent toutes les tromperies, elle nous obligent à maintenir notre scepticisme en éveil. On est sans cesse rappelé à l'ordre. Personne n'est "une référence". Tout le monde peut se tromper et être trompé, y compris moi. Ainsi la perspicacité et l'esprit critique des individus finissent par avoir raison des grandes stratégies manipulatoires. Le net est le siège de la III° guerre mondiale qui n'en est qu'à ses balbutiements :

une nouvelle Guerre des Mondes, celle qui oppose l'information et la désinformation.

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