Commentaire sur ce chapitre 1:

Dieu soit loué

27 juin 2010

La plus élémentaire prudence m'interdit de reproduire sur mon site le contenu intégrale de l'ouvrage, ce que j'aurais bien aimé faire. Néanmoins il ne m'est pas interdit d'évoquer les contenus des chapitres, en citant de courts passages. J'incite mes lecteurs à se procurer l'ouvrage, sur le marché de l'occasion, comme je l'avais fait moi-même. Je terminerai par une appréciation générale du contenu du livre.

Amos Oz dit qu'il ne pouvait pas reproduire l'intégralité des propos émis, qui représentaient souvent sur plusieurs heures d'auditions, lesquelles ont été menées entre les mois d'octobre et de novembre 1982. Il s'est contenté de prendre des notes et de reproduire le résumé des propos recueillis, ce qu'il fait avec un talent littéraire certain. Il précise que tous ces textes, avant de faire l'objet d'un livre, on été immédiatement publiés, à l'exception du dernier, dans la revue Israélienne Davar, de novembre 1982 à janvier 1983.

 

Commençons par le premier chapitre "Dieu soit loué " , qu'on aurait pu intituler :

 

Bienvenue à Talmud City

Nous sommes dans un quartier du vieux Jérusalem. Les rues sont emplies de Juifs pieux, vêtus de leurs redingotes noires. Oz nous dit qu'il a fréquenté ce quartier dans son enfance et qu'à cette époque, outre cette population de Juifs orthodoxes, on trouvait des Juifs de toutes tendances et de toutes origines. On y trouvait des membres de la Haganah (la future Tsahal), de l'Irgoun (le futur Mossad), des représentants de l'administration anglaise et de l'Agence Juive. Il semble se référer à une période antérieure à 1947. Né en 1939, il avait huit ans à l'époque de la création de l'Etat d'Israël et ces souvenirs doivent se situer immédiatement avant cette époque. Il ajoute en particulier que certains diffusaient des brochures dénonçant la cruauté du sionisme ou dissertant de l'origine des Arabes.

Il nous dit qu'aujourd'hui (1982) tout a bien changé. Dans les rues, la langue dominante est le yiddish, celle des Juifs d'Europe Centrale. Des affiches appellent à l'observance la plus stricte des règles Talmudiques. Il écrit " je me sens pris de claustrophobie. J'ai envie de fuir ". Il nous décrit un monde qui évoque celui des juifs d'il y a deux siècles, tel qu'on pouvait le voir en Europe centrale, reconstruit ici à l'identique, totalement coupé du reste du monde. La seul chose qui modifie ce décor, qui semble immuable est, dit-il, la présence d'un jeune Arabe qui balaie le trottoir.

Des affiches convient les passants à se rendre dans des écoles talmudiques. Comme il le dit plus loin, deux personnages émergent de ces discours : Hitler et le Messie. Politiquement, le manifeste se résume à : (Shimon) Peres à la Lanterne, (Mennahem) Begin à la gouverne. Ces Juifs-là vivent dans l'attente de la venue du Messie.

Oz parle de l'école qu'il fréquentait étant enfant, où ses maîtres lui vantaient les exploits de Josué et de Samson. Pages 16 il cite même la phrase résumant l'enseignant d'un de ses maîtres : " un bon goy est un goy mort ". Vaste programme, visant à exterminer 999/1000 de l'humanité.

Cette école, dit-il, a été remplacée par un établissement qui porte le nom de "Massora" et on lui indique que l'enseignement qui y est délivré n'est ni sioniste, ni anti-sioniste, mais judaïque.

Pour les personnalités interviewées par Oz, l'ensemble de la vie, privée et publique, ne peut être dirigée que la la Torah. Toute législation ne peut qu'émaner de la Torah. En conséquence l'Etats d'Israël et la constitution israélienne, ne s'identififant pas totalement aux principes de la Torah, sont rejetés. La vie quotidienne est rélée par la Torah, chaque membre de la communauté devant prendre le conseil d'un rabbin, qui lui-même, etc.... jusqu'en haut d'une pyramide occupée par un, ou des " sages ".

A Jérusalem, aujourd'hui, on compte environ 150.000 Haredim. Bné Brak est une banlieue de Tel-Aviv, constituée également de 150.000 de ces ultra-orthodoxes. A Ashdod, au sud de Tel-Aviv, compter encore 50.000 Haredim. A New York, les Haredim sont surtout regroupés à Brooklyn. Pour ces Haredim, l'Etat d'Israël a été détruit de par la volonté de Dieu. Vouloir le recréer est un pêché. Seul le Messie aurait le mouvoir de le faire. Avec le temps (2010) une sission s'est opérée chez ces Haredim, certains décidant de rejoindre le mouvement sioniste. A l'inverse, certains groupes, comme les Neturei Karta, la Edah Haredit ou les hassidim de Satmar sont toujours très fortement antisionistes .

 

rabbins antisionistes

Rabbins de la Edha Haredith

 

On incite le lecteur à lire ce que Wikipedia nous apprend sur les " hommes en noir ", les Haredim. Loin d'être un groupe minoritaire, ils prennent de plus en plus d'importance dans l'état Hébreux du fait d'une natalité galopante, liée au prescriptions religieuses ("croissez et multipliez"). Il y avait 5 % de Haredim chez les Juifs israéliens en 1999. D'après le bureau des statistiques, ils représenteraient en 2006 25 % des enfants d'Israël.

Revenons au chapitre 1 du livre d'Amos Oz. On lit : "Sur le toit travaillent des Arabes des services municipaux, envoyés par le pouvoir sioniste pour remplacer des tuiles". L'enseignement est centré sur le Pentateuque ( les cinq premiers livres de l'Ancien Testament). Oz demande si des enseignements profanes sont aussi délivrés. Bien sûr, lui répond-t-on : le calcul, la calligraphie, la géométrie. Mais les sciences naturelles, non, car "qui veut trop prendre ne prend rien".

Le fait que les travaux manuels faits par des Arabes semble aux gens du lieu dans l'ordre des choses. Le notion de l'histoire se limite à la sortie d'Egypte, aux faits rapportés dans l'Ancien Testament, afin que les élèves comprennent que lorsque la Providence Divine s'exerce, cela se fait en éclair. A propos de l'histoire du reste du monde, Oz entend " que les goys s'occupent eux-mêmes de leurs propres affaires. Nous, nous sommes le peuple".

Vous avez bien lu : "le peuple". Pour ces gens-là les autres peuples de la Terre sont simplement inexistants, rangés, pêle-mêle dans le fouillis indistinct des non-Juifs, des goys. Le monde extérieur à cette communauté, centrée sur la Torah et le Talmud, n'est que turpitudes, rapines. "Pire que les Arabes !". Nous sommes en 1982 et un tel discours peut sembler surréaliste. De ce quartier, dont j'ignore comment il a évolué depuis 1982, le sionisme n'est même pas pris en considération. Subsistent des mots d'ordre comme "interdiction de participer aux élections impies", "la fille d'Israël doit se vêtir décemment", "alerte aux fouilles archéologiques impies, qui viennent fouiller les ossements de nos pères !". Pour ces gens les mots guerre, censure, inflation, Likoud, travailliste, Eurovision, El-Al, sont dénués de toute signification. Ils vivent hors du monde, hors du temps, sans vraiment travailler, profitant simplement des subsides qui transitent à travers de multiples subventions de leurs écoles et oeuvres charitables.

Et Amos Oz conclut ce chapitre en disant qu'il est exclu de formuler la moindre critique sur ce mode de vie, sous peine de voir se dresser le bouclier de la culpabilisation "Comment osez-vous vous en prendre à vous, après ce que nous a fait Hitler ! Est-ce l'oeuvre de Satan que vous souhaitez parachever ? ".

Il rappelle que Ben Gourion, souhaitant conserver ces vestiges d'un judaïsme séculaire, a pris la décision d'exempter de service militaire des étudiants des écoles talmudiques.

Pour conclure ces premières interviews menées par Amos Oz, il semble qu'il décrive une des nombreuses communautés Haredim d'Israël (les "hommes en noir" ) encore extrêmement nombreux à l'époque actuelle. Pour ceux-là, l'ensemble du monde extérieur ne peut être qu'une source de perversion. Ils vivent en groupes, suivant les 613 prescriptions de la Torah et du Talmud, sous la direction de rabbins. De ces communautés émergent les Juifs anti-sionistes, qui considèrent que l'Etat d'Israël a été détruit par la volonté divine et ne pourra être reconstitué que par la venue du Messie.

 

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