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LE MONDE, jeudi 19 août 1999
Emoi dans la rade de Toulon autour d'une canalisation secret-défense
"La marine nationale va mettre en service à partir du mois de septembre un émissaire d'une longueur de 400 mètres au large de la presqu'île de Saint Mandrier. C'est par une conversation avec un ami que le maire DL Gilles Vincent de ce petit port varois situé à l'ouest de Toulon a appris la nouvelle. Il a également découvert que cette canalisation construite dans le plus grand secret sera utilisée pour rejeter en mer les eaux de refroidissement des moteurs à propulsion nucléaire des six sous-marins d'attaque basés à Toulon et du porte-avions Charles de Gaulle qui les rejoindra dans quelques mois. Le maire s'en est étonné auprès du Ministère de la Défense , "la commune n'ayant pas été informée, aucune enquête publique n'ayant suscité la réaction des habitants et les procédures administratives habituelles n'ayant pas été suivies", indique-t-il. Faisant référence à la couverture de ces installations par un décret "confidentiel défense" signé par le Premier Ministre le 26 novembre 1997, M. Vincent s'interroge : "Si ces rejets ne sont pas dangereux, pourquoi avoir pris une telle mesure qui ne fait que provoquer des inquiétudes parmi la population ? Depuis de nombreuses années, la commune et son littoral ont subi des atteintes graves à l'environnement.
Aujourd'hui encore, des nuisances importantes sont subies par les Mandréens. Ces nuisances sont incompatibles avec la volonté de notre municipalité de protéger son cadre de vie et avec le démarrage du contrat de baie." dont le maire de Saint Mandrier assure la présidence du comité de soutien.
Cette opération d'aménagement vise à restaurer un équilibre des eaux de baignade, de la flore, de la faune compatible avec le développement économique et touristique dans une rade de 2100 hectares impliquant 340 000 personnes et 11 communes dont Saint Mandrier. La marine, qui fut longtemps désignée comme la grande pollueuse de cette rade, était pourtant devenue un partenaire actif dans l'élaboration de ce contrat de baie, sans jouer, semble-t-il, une complète transparence en matière d'environnement. Le Ministère de la Défense a répondu au maire en précisant : "Je considère que vos inquiétudes relèvent plus probablement d'un manque d'informations" sans pour autant lui en donner de plus substantielles. Dès le 25 juin, M.Vincent avait rencontré l'amiral Baudonnière en charge du dossier. Mais il n'avait pu recueillir d'informations sur l'étude d'impact relative à la nature et la dangerosité des "effluents radioactifs" selon les termes qu'emploiera l'Amiral dans un courrier ultérieur. Depuis le début de cette affaire, la marine se réfugie derrière le "secret-défense". Pour le Mouvement d'Action pour la rade de Toulon, regroupant 99 associations, cette attitude "est en contradiction flagrante avec la convention de Barcelone signée en 1976 par la France et réglementant tous les rejets en Méditerranée".
La Royale refuse également de donner des précisions sur la nature des eaux de refroidissement. Impossible de savoir si elles proviennent du circuit primaire (autour des barreaux de combustible) ou du circuit secondaire (de refroidissement), les premières étant plus radioactives. Impossible de connaître la réelle toxicité de ces effluents également chargés en produits chimiques. Le même secret est gardé concernant la décontamination de ces eaux avant leur rejet en mer, alors que la marine nationale ne dispose d'installations de traitement contrairement au centre atomique de Cadarache où sont traités actuellement ces "effluents contaminés" pour reprendre les termes d'un spécialiste des opérations d'épuration. Les craintes de M.Vincent sont partagées par Odette Casanova députée PS du Var qui vient d'interpeller les Ministres de la Défense et de l'Environnement estimant que "il y a lieu de s'interroger sur les dangers éventuels que constituerait, à long terme, le rejet des eaux sur les populations actuelles et futures en raison des concentrations qui se produisent inévitablement au cours du temps."
José Lenzini
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