Fahrenheit 9/11

14 juillet 2004

J'ai vu hier le film de Michael Moore, en avant-première dans mon village de Pertuis, en sous-titré. La salle était comble. Il y avait pas mal d'Américains, en vacances dans la région. Le film est bien fait, percutant, sans lourdeurs. Ce qui se dégage c'est la nullité totale du personnage de Bush (et de son entourage). Il y a une séquence effarante. Quand les avions frappent les tours jumelles, Bush est dans une école avec des gosses en bas âge. Par deux fois ses assistants le préviennent, le second message étant "Monsieur le Président, la Nation est attaquée". Bush restera sans réactions pendant plusieurs minutes, sept ou huit, je crois. Il est filmé en gros plan. Après ce second message il semble ne pas savoir quoi faire, se mord les lèvres et reprend en main le livre de classe qu'il consultait quelques minutes plus tôt. On dirait alors un enfant boudeur, contrarié. Il ressemble surtout à un acteur à qui on n'a fourni aucun texte et qui attend qu'on en compose un pour lui.

A ce qu'il paraît, tous les textes des discours de Bush sont composés pour lui. C'est avant tout un acteur qui sait poser son regard, soigner ses expressions, ses silences, mais c'est aussi une marionnette. Quand il improvise, c'est simplement catastrophique. Ce ne sont pas simplement des boulettes, ce sont des aveux. Quand il prend la parole devant les familles les plus riches des USA il leur dit : "vous êtes ma base".

Moore a pointé sur un petit nombre de thèmes avec beaucoup de talent. Il n'a pas jugé utile de remontrer les impacts sur les tours jumelles ou les images montrant des gens se suicidant en se jetant par les fenêtres plutôt que de mourir brûlés vifs. Seulement les visages des gens, poignants. On voit une jeune femme qui montre la photo de son mari, père de deux enfants : "quelqu'un aurait-il aperçu mon mari ?". La monstruosité de l'événement apparaît dans ces quelques plans, l'ensemble étant traité avec beaucoup de sobriété, de pudeur.

En parallèle on évoque la réunion du groupe Carlyle, la veille de l'événement et le dîner de Bush avec l'ambassadeur de l'Arabie Saoudite. On apprend que l'argent Saoudien représente 6 à 7 % des invertissements aux USA et que le retrait de ces sommes mettrait l'économie Américaine en difficulté.

Moore ne plaide pas, mais fait parler les images, les gens, les faits. On voit des sergents recruteurs des marines en action dans des quartiers pauvres : "l'armée, mon gars, te permettra de voyager, payera tes études". Tout y passe. Ces deux types, casquette blanche, sanglés dans leurs uniformes, chassent la chair à canon en dialoguant comme deux hommes à la poursuite d'un gibier. Autre séquence, en contrepoint, Moore prend à son compte le rôle du sergent recruteur et arrête à la sortie d'une séance un des 325 membres du congrès pour leur demander s'il serait envisageable qu'un de leurs fils puisse s'engager dans le conflit Irakien. Tous se défilent, gênés. On apprend que parmi ces 325 membres du congrès, un seul a un fils engagé dans ce conflit.

Séquence sur les quartiers des déshérités.

- Pour pouvoir nous offrir l'université, l'Armée est la seule solution, c'est triste mais c'est comme ça, dit un jeune couleur café au lait.

C'est là qu'opèrent nos sergents recruteurs, jouant sur tous les registres.

- Tu aimes le jazz. Mais sais-tu que dans l'armée nous avons des groupes très sympas....

La séquence la plus forte, Moore l'obtient en suivant le destin d'une femme qui appartient à ces quartiers. Au début du film, celle-ci annonce que dans sa famille il y a beaucoup de militaires et qu'elle en est extrêmement fière. Son fils, ses neveux, frères, ses parents sont militaires. Sa fille, aussi, qui avait été présente lors du premier conflit, de la guerre du Koweit. Mais "grâce à Dieu, elle est devenue saine en sauve".

On voit cette femme accrocher, comme tous les matins, sa bannière étoilées à la fenêtre de sa maison. Elle ajoute "nous sommes l'épine dorsale de l'Amérique".

Et puis tout bascule. Son fils de vingt ans est tué lorsque les partisans irakiens abattent un hélicoptère, au dessus de Bagdad. Son monde, soudain, s'écroule. C'est sans doute le premier mort dans cette famille qui compte une douzaine de militaires et il se trouve que ce mort est son fils, qui lui avait justement envoyé une dernière lettre, qu'elle lit, et où le gosse avoue son désarroi : "on ne comprend pas ce qu'on est venus faire là-bas. J'ai hâte de rentrer à la maison". Cette mère ira à Washington où on peut apercevoir la maison blanche cernée par un mur assez haut pour éviter qu'un tireur ne puisse simplement prendre position, derrière des grilles. A quelque distance, une vieille femme campe sur une place déserte sous un abri de fortune, une simple bâche en plastique qui la protège de la pluie. Elle a aussi perdu un fils et s'est entourée de panneaux de cartons. Une jeune femme s'en prend à elle, comme à celle qu'a suivi Moore au cours de son chemin de croix. Cette dernière lui dit "j'ai perdu un fils... c'est vrai.... vous comprenez ? Il est mort là-bas...". Et l'autre, ne sachant que répliquer, finit par lui lâcher rageusement en s'éloignant : "il n'est pas le seul ! ".

Le film de Moore est bourré de scènes fantastiques, comme celle-là. L'écriture est sobre et évoque celle d'un Chris Marker. Je comprends qu'on ait donné la palme d'or à ce film, sur le simple plan cinématographique. Ce qui est fou, ce sont les contrastes. Dans le générique, assez long, on voit Bush, Dick Cheyney, Rumsfeld, Condolezza Rice, au maquillage. A un moment on voit une personnage mouiller son peigne avec sa salive à plusieurs reprises, pour mieux se recoiffer. Qui est cet homme, d'une vulgarité désarmante ? Ca n'est autre que Paul Wolfowitz, numéro deux du Pentagone, stratège en chef pour les guerres en Afghanistan et en Irak. Le spectateur se dit "sont-ce vraiment ces gens qui sont les maîtres du monde ?".

Vues en Irak : d'abord des jeunes recrues, après leur entrée dans la ville, qui disent : "avant le combat on se met une musique ad hoc dans les oreilles, en mettant le son à fond, et on tire sur tout ce qui bouge". On est frappé par le jeune âge de ces engagés. On retrouve une autre mère, Irakienne cette fois, qui a perdu les siens à la suite d'un bombardement. Même détresse mais un Dieu différent. L'américaine disait "Mon Dieu, pourquoi as-tu pris mon fils ?" Celle-là hurle "mais Allah, que fais-tu ?"

Gros plans sur Rumsfeld rassurant les Américains : "nos frappes sont précises, épargnent le maximum de vies civiles". Déclaration péremptoires sur la détention d'armes de destruction massives.

- Les Irakiens travaillent pour se doter de l'arme nucléaire. Nous avons les preuves qu'ils détiennent des armes de destruction massive, avec lesquelles ils sont capables de frapper le territoire Américain.

Déclarations en contradiction avec celles d'une Condolezza Rice, quelques temps plus tôt, disant "Le potentiel industriel Irakien a été affaibli avec la guerre du Koweit au point que ce pays est incapable de constituer pour nous une menace".

L'impression générale est que ces gens disent n'importe quoi, mentent. Tout cela ressemble à un mauvais rêve, à une mauvaise pièce de théâtre. Dans le film on évoque cette réunion à Carlyle, l'empire qui s'enrichira considérablement avec les ventes d'armes, à laquelle participe le demi-frère d'Oussama Ben Laden la veille du 11 septembre. Le douze, une armada d'avions (et non un seul !) emmène en dehors du territoire américains tous les ressortissants saoudiens importants, dont les membres de la famille ben Laden résidant sur le territoire américain, grâce à une autorisation spéciale. Ce sont les seuls appareils autorisés à décoller. Tous les autres sont cloués au sol, y compris des appareils officiels appartenant à de hautes personnalités politiques et affectés à des vols intérieurs.

Le kaléidoscope continue à tourner. Alors que Bush annonce fièrement que la coalition a remporté la victoire en Irak, dans une scène où il pose dans une attitude très martiale, en tenue de vol, après un atterrissage sur un porte avion, on voit se développer les attentats. Vue brève d'irakiens exposant les corps brûlés et méconnaissables de soldats américains tués dans un attentat. Autre vue de jeunes soldat disant "nous étions venus les libérer, nous a-t-on dit. Pourquoi nous haïssent-ils ? Que sommes-nous venus faire ici ? Nous ne comprenons plus...". Un vétéran, avec vingt ans d'armée, s'exprime ;

- Des campagnes, j'en ai fait, pas mal. Mais là..... (long silence) .... je ne comprend plus ce que nous sommes venus faire.

Aux Etats-Unis Bush prend la parole lors d'une réunion d'investisseurs, de... profiteurs se guerre, comme on disait jadis. Aux USA tout se fait, se dit sans prendre des gants. Un orateur déclare, avec un clin d'oeil complice:

- Il va y avoir beaucoup d'argent à gagner, croyez-moi, et ça ne fait que commencer.

A propos d'interdiction, le film évoque le "patriot act", une loi qui supprime pas mal de libertés essentielles chère aux Américains. Un sénateur confesse :

- Si nous avons lu cette loi avant de la voter ? Je vous avouerais que non. Asseyez-vous, jeune homme. Nous ne lisons pratiquement aucune loi, nous n'avons pas le temps, sinon la machinerie judiciaire ne fonctionnerait plus (...).

Jamais les Etats-Unis n'ont été entre les mains d'une telle bande d'irresponsables. On a vraiment raison d'avoir peur. Tous les personnages présentés ressemblent à des pantins, sans exception. Aucun n'a la moindre "épaisseur politique", le moindre sang-froid.

Nous vivons vraiment l'époque de tous les dangers, à un point que nous ne soupçonnerions même pas.

Vous verrez, vous jugerez. Je pensais que le film de Moore serait interdit aux USA mais un de mes lecteurs me dit qu'il est déjà diffusé là-bas. En fait :

Michael Moore a eu droit à une ovation lors de la présentation au Ziegfeld Theater de New York de la première de son film Fahrenheit 9/11, brûlot anti-Bush récompensé par la palme d'or du festival de Cannes.

La première avait attiré un parterre prestigieux dans lequel on reconnaissait les acteurs Richard Gere, Leonardo Di Caprio, Richard Dreyfus ou Glenn Close, le chanteur Tony Bennet ou encore l'artiste Yoko Ono.

Michael Moore a notamment déclaré qu'il serait "très heureux" si son film amenait ne serait-ce qu'un seul Américain à voter lors de l'élection présidentielle de novembre 2004. Alors que la moitié des électeurs américains ne se rendent jamais aux urnes, le réalisateur a émis l'espoir que ceux qui s'abstiennent en général "ne renonceront pas et décideront de se rendre aux urnes plutôt que de rester spectateurs".

"J'aime ce pays", a ajouté Michael Moore. "Peut-être suis-je fou, mais je suis optimiste et je crois que notre pays reviendra entre nos mains dans un proche avenir".

( Source : http://matin.qc.ca/Showbizz_Cinema.php?article=20040615221133 )


Fahrenheit 9/11", le film de Michael Moore, s'est hissé ce week-end au sommet du hit-parade nord-américain avec 23,9 millions de dollars de recettes pour les trois premiers jours de sa sortie aux Etats-Unis et au Canada. Il surpasse même le record obtenu pour un film documentaire, ce record étant déjà détenu par Michael Moore avec "Bowling for Columbine".

Selon les distributeurs, "Fahrenheit 09/11" est aussi bien reçu par le public dans les petites que dans les grandes villes d'Amérique du Nord, dans les Etats réputés démocrates comme dans ceux républicains.


Fahrenheit 9/11 démarre en trombe


Michael Moore peut être satisfait. Après avoir failli ne pas sortir aux Etats-Unis, son film attire à la fois les spectateurs et les commentaires. Autrement dit, il est incontournable.

Quel contraste ! Lorsque Bowling for Columbine (le précédent documentaire de Michael Moore par la suite récompensé par un Oscar) était sorti à la mi-octobre 2002, il n’avait été programmé que dans huit salles des Etats-Unis et avait rapporté 210.000 maigres dollars lors du premier week-end. L’arrivée de Fahrenheit 9/11 est nettement moins confidentielle. Le film a été précédé par une réputation sulfureuse et de multiples polémiques (non-distribution par Miramax, la filiale de Disney qui l’a produit; interdiction aux moins de 17 ans non accompagnés par un adulte ; campagnes de mouvements conservateurs pour bloquer sa diffusion) ; il a été récompensé par la Palme d’Or à Cannes. 67% des Américains en ont donc entendu parler, selon Nielsen. Résultat : ce sont 868 salles qui le présentent à partir de ce vendredi 25 dans tout le pays.

Les avant-premières organisées depuis mercredi dans deux cinémas branchés de New York (l’un de l’East Village, bastion anti-Bush ; l’autre au très bobo Lincoln Plaza) ont fait un tabac : en deux jours, ce sont près de 85.000 dollars de billets qui ont été vendus. 48% des commandes adressées au niveau national depuis une semaine au principal site de réservation des places en ligne, Fandango, concernent " LE " Moore. Il pourrait rapporter entre 10,5 et 13 millions de dollars d’ici dimanche soir, d’après les experts.

Les premiers spectateurs à se ruer dans les salles sont naturellement les citadins engagés politiquement, hostiles à l’administration en place. Ainsi, dès mercredi après-midi, le Loew’s de L’East Village était-il pris d’assaut par des étudiants aux badges ostentatoires (du genre " Non au Patriot Act ", ces lois d’exception votées après le 11 Septembre), des intellectuels âgés à la barbe fournie, des mamies désespérées par la guerre en Irak. Quelques centaines de personnes par séance, qui sifflent et injurient Bush et applaudissent Moore dès qu’ils apparaissent à l’écran. A la sortie sont organisées des quêtes pour le parti démocrate et des ventes de tee-shirts anti-Fox (la chaîne de télévision ultra-conservatrice).

L’engouement de ce public militant ne préfigure pas du succès du documentaire dans l’Amérique profonde, mais il contribue à en faire le " must-see " de l’été, période de forte fréquentation des cinémas en Amérique du Nord. Fahrenheit 9/11 n’aura pas de mal à faire mieux que les 58 millions de recettes totales engrangées par Bowling for Columbine aux Etats-Unis et à l’étranger…

Isabelle Lesniak, à New York


Source : http://www.lexpansion.com/art/2486.76844.0.html

 

Il y a un proverbe chinois qui dit "un seul homme peut vaincre toute une armée"

 

15 juillet 2004 : Pour finir, une remarque personnelle.

La première fois que je suis allé aux USA, c'était en 1961, sur le paquebot Mauretania. Tout ce que Moore dénonce, je l'avais perçu, senti dès que j'ai foulé cette terre du "Nouveau Monde". Je crois que c'est Einstein qui disait "que les Américains étaient passés directement de la barbarie à la décadence". C'est la terre de tous les excès, la patrie des J.R.Ewing. C'est aussi celle de Lincoln. Je crois que le monde ne soupçonne pas l'horreur qui se cache en dessous de ce qui se développe aux USA depuis trois ans. Même Moore n'a pas pu attaquer le problème de front. Les évènements de ce jour-là sont très brièvement évoqués au début du film, qui se centre ensuite sur la guerre contre l'Irak. Comment peut-on résumer le message de Moore en une phrase :

Une bande de clowns, de crétins et de menteurs, à la solde de grandes sociétés pétrolières et fournisseuses d'armements
(Halliburton et Carlyle) envoie nos gosses se faire tuer dans une guerre qui va devenir un nouveau Vietnàm.

Mais les choses sont bien pires encore, et Moore, de manière très perspicace, a compris qu'on ne pouvait pas aborder le problème de front. Il n'est pas impossible que les événements du 11 septembres aient été sinon pilotés, du moins sciemment manipulés. On a dit que Roosvelt avait été averti de l'attaque contre Pearl Harbour et n'avait pas bougé, sachant que ceci précipiterait les USA dans une guerre contre Hitler, qu'il estimait souhaitable (et il avait raison). Mais Pearl Harbour avait le caractère d'une cible militaire. Les Américans pourraient-ils envisager que leurs dirigeants (mais qui sont-ils réellement ?) auraient laissé se perpétrer un attentat horrible, en plein coeur du pays, frappant des civils, pour légitimiser l'élection de Bush et justifier une guerre contre l'Irak, dont les buts sont tout autres que "la guerre contre le terrorisme". Saddam Hussein a effectivement tenté de se doter "d'armes de destruction massive" avant la guerre du Koweit. Il rêvait de doter les pays arabes de l'arme nucléaire et de "vecteurs". Mais cette guerre du Koweit avec ses bombardements massifs d'installations indistrielles a mis le pays économiquement en ruine, hors d'état de poursuivre ces projets, ne serait-ce qu'industriellement. Les buts de l'opération de main-mise sur le pétrole irakiens pouvaient être doubles : avoir un levier efficace permettant de fixer les cours, en particulier par rapport à l'Arabie Saoudite, ce qui est aussi une façon de lutter contre l'extension du waabisme, le régime Saoudien restant fragile. Second objectif : empêcher les Chinois de s'approvisionner en Irak. Le problème est que s'il était relativement facile d'abattre "l'armée irakienne" avec un corps expéditionnaire de cent mille hommes, le pays est totalement intenable, ne serait-ce qu'à cause de la technique des attentats-suicides et du massacre d'otages. Dans le domaine de l'horreur l'ennemi est en position de force, ne pouvant qu'amener les Américains à commettre des exactions et à se rendre de plus en plus haïssables. Sur le plan politique c'est un échec, comme le fut la guerre au Vietnàm.

Moore a centré sur le problème en Irak. Il n'était pas possible de remonter en amont, d'évoquer des questions ... impensables : le véritables dessous des événements du 11 septembre.

Il reste que cette Amérique nous stupéfie, à la fois dans l'horreur de sa politique, le cynisme de son lobby militaro-indutriel (dont le danger avait été signalé par Einsenhower dans son dernier discours) et par le courage et l'intelligence de certains individus. Moore rappelle le courage des journalistes du Watergate, s'en prenant directement au Président des Etats-Unis, Richard Nixon pour une banale affaire d'écoutes téléphoniques. Un homme seul, ou un très petits nombre d'hommes décidés et intelligents peuvent déjouer les plan d'un machinerie fonctionnant à l'aide de dizaines de milliards de dollars. Le film de Moore est une "opération de communication", avec un budget ridicule. En face, l'équipe planifiant la réélection de Bush disposait d'experts, d'un financement gigantesque, illimité. On les imagine en plein brainstorming, se disant "et maintenant, qu'allons-nous faire ?". L'image du président est incroyablement dégradée par le film de Moore. Dans le monde actuel, tout fonctionne à coup d'images, de slogans. Sagala nous a "vendu" Mitterand avec une rose rouge et un slogan "La force tranquille". Or Mitterand était totalement creux, comme ceux qui le suivent d'ailleurs. Brochant a écrit un livre "Fils de pub", u n titre d'un cynisme incroyable. Le credo des hommes comme Segala est "si vous me donnez tant, je vous fais élire qui vous voudrez". Regardez l'élection récente de Schwarzenegger. Médiatiquement ce fut une clownerie choquante. Mais L'équipe Schwarzy avait acheté du temps d'antenne en conséquence et l'homme a été élu uniquement sur une image. Il n'avait strictement rien à proposer ou à dire et prenait la tangente face à toute question ayant un minimum de contenu.

Moore a lancé son film comme une boule dans un jeu de quilles. C'est un brûlot extraordinaire. Cela prouve que des gens déterminés, disposant de moyens relativement faibles, et peu nombreux, peuvent ... peser sur l'histoire. Quand des gens veulent se situer comme opposants, ils peuvent, du moins dans certains pays, manifester, se mettre en grêve. Cela leur demande d'être actifs et ces mouvements peuvent peser lourd à la fois sur leur budget et sur l'activité économique du pays. Avec l'affaire Moore, "manifester" consiste à ... aller au cinéma. Ca ne dérange pas l'activité économique, ne crée pas de désordres (dans les rues, mais dans les esprits c'est toute autre chose). Nous sommes en pleine guerre de l'information. J'ai entendu dire que Moore, ayant largement couvert les frais de son film, souhaitait que celui-ci soit numérisé, copié, piraté. Et, s'il en est ainsi, c'est là qu'Internet prendrait le relais. Le missile Moore est imparable. On ne pouvait l'interdire. En effet ce film ne fait que faire parler les gens que Moore entend discréditer. Ce n'est pas de la propagande, c'est un simple document. Si les choses se passent ainsi, des dizaines de millions d'Américains verront ces images.

Vu dans le Sunday Herald du 4 juillet :
« Je m’oppose aux lois sur le copyright et cela ne me pose pas de problème que des personnes téléchargent et partagent mon film à la condition qu’ils n’en tirent pas de profits » a déclaré Michael Moore, le réalisateur de Fahrenheit 9/11, un réquisitoire anti-Bush. Il ajoute qu’il est heureux que le maximum de gens puisse voir ce film car il a été fait pour transmettre un message.

A ce que j'entends, si la diffusion du film est importante, cele n'ébranlerait pas beaucoup les sondages. Moore doit toucher non les adversaires de Bush, déjà convaincus, mais ... ses partisans, logés dans l'Amérique Profonde. J'imagine que pour certains d'entre eux, entrer dans un cinéma pour voir Fahrenheit 9/11 et être est comme aller voir un film pornographique. Ils craindront d'être vus par leurs voisins. Si ces gens peuvent télécharger le film et le voir en toute discrétion, alors il touchera beaucoup plus de monde.


La Grand Jacquerie Planétaire

28 juillet 2004

La roue de l'histoire continue de tourner. Le film de Moore aura peut être un impact important, auquel cas il montrera que l'action d'un homme seul et déterminé, du moins aux Etats-Unis, peut peser sur le cours de l'histoire de son pays par de là sur l'histoire du monde. Mais pour déboucher sur quoi ? A tout moment les hommes se cherchent des responsables, des boucs-émissaires. Bush avait les yeux brillants quand il parlait de "Saddam", qui a fini par être arrêté. On pourra l'emprisonner, le pendre, le fusiller, le découper en petits morceaux, est-ce que cela résoudra tous les problèmes ? Rien n'est moins sûr, d'autant plus que lors d'un procès un peu trop public celui-ci ne se gènerait sans doute pas pour dire des tas de choses déplacées et gènantes pour tout le monde. Rappelez-vous, quand il avait de l'argent, avant la guerre du Koweit, on devait compter sur les doigts d'une main les pays qui ne lui fournissaient pas en abondance des armes de tous types. J'ai personnellement bien connu l'homme qui avait été chargé par de Gaulle de "commercialiser" le nucléaire en Irak, Iran et autre lieu. On dit que l'argent n'a pas d'odeur. Le nucléaire non plus, sans doute.

Le film de Moore désigne d'autres boucs-émissaires : le clan Bush, à la fois chefs de guerre et profiteurs de guerre. L'Amérique pourra infléchir sa politique étrangère. L'Irak parviendra-t-il à sortir du chaos ? La lutte, de nos jours, ne se situe pas entre tels et tel régime, mais contre la bêtise humaine, de tous bords. Au moyen-âge se propduisaient parfois des mouvement populaires qu'on appelaient des jacqueries. Souffrant de la faim, écrasés de toutes sortes de façon les paysans (les ouvriers, à cette époque, n'existaent pas encore) saisissaient leux faux, leurs coutelas et se ruaient sur les châteaux, en mettant tout à feu et à sang. Il y a 40 ans j'avais écrit un article, partant des problèmes de "croissance", des besoins nutritionnels et en énergie, en prédisant qu'un jour viendrait la "Grande Jacquerie Planétaire". Ce qu'on voit se développer de nos jours y ressemble bien. Chez les riches comme chez les pauvres le moyen d'expression reste la violence. De l'intelligence, on n'en voit guère. La presse, toutes les presses, mentent de plus en plus. La scientifiques se mettent docilement au service de tous les pouvoirs, consacrant l'essentiel de leur imagination à servir les militaires et les lobbies. Chaque bord a son Panglosse. Chez les uns l'un prèche le meilleur de capitalismes sauvages possibles, chez les autres le meilleur des islamismes possibles. Cette terre est à nous, nous sommes importants, pas vous. A nous les meilleures choses. Le discours des leaders : continuez d'endurer pour que "nous" sortions du tunnel. Mais, de toute évidence, tout le monde ne vit pas dans un tunnel....
Les choix politiques ? Rappelez vous la phrase de 68 :

- Dieu est mort, Marx est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien....

Que faire ? Essayer de trouver des choses positives à fare. Distribuer le savoir, s'occuper de la santé. Pour les scientifiques, mettre quelques neurones sur la recherche d'énergies non-polluantes. Et dieu sait qu'il y en a. Nous ne nageons pas dans les problèmes, nous nageons dans les solutions.

Les gens parlent du solaire. Il y a mille façon de l'exploiter. Si j'étais ministre de la recherche et de la technologie je ferais étudier des miroirs de Fresnel ultra-plats. Vous avez tous vu des lentilles de Fresnel : ce sont celles qui équipent nos phares. Un jour quelqu'un a pensé à faire des lentilles de Fresnel en plastique transparent, ultra-plates. Ce sont elles qui, dans les supermarchés, permettent aux vendeuses de contrôle le contenu de votre caddy, pour voir si vous n'oublier pas quelque chose ou, dans votre automobile, en collant cette lentille, de l'épaisseur d'un mlicrosillon, de voir la bord du trottoir vers lequel vous vous dirigez, en marche arrière.

Ce sont des lentilles "biconvexes". On peut concevoir de la même façon des miroirs "concaves", plats. On peut même s'arranger pour que ces miroirs soient à la fois "cylindriques et plats", pour que le foyer se situe selon un segment sur lequel on pourra disposer un tuyau, noir pour collecter la chaleur (un kilowatt quatre par mètre carré, par beau temps). Vous commencez à voir l'idée ? En produisant ces miroirs en série on pourrait en équiper les portions de toitures exposées au soleil, ajouter un mouvement d'horlogerie qui fasse que le segement tubulaire se déplace au fil des heures pour rester fixé au foyer. Un sytème discret, efficace, permettant de collecter et de focaliser l'ensemble de l'énergie solaire dégringolant sur une toiture. Ca chiffre vite et c'est autre chose que ces quelques mètres carrés inesthétiques et coûteurs, placés ici et là.

Non seulement nous nageons dans les solutions, mais nous nageons aussi dans les idées. Les seuls qui n'en ont pas, ce sont des gestionnaires et les décideurs, les ministres qui défilent, comme des figurent à la foire, accompagnés d'une cohorte de "chargés de mission".

Qu'est-ce qu'on attend pour développer des éoliennes carrénées qui, celles-là ne sont pas bruyantes, ne génèrent pas ... d'infra-sons. Un de mes amis me disait qu'il était allé passer quelques temps aux Glénans, qui s'était récemment équipé d'éoliennes tripales : "A des kilomètres, la nuit, on ne parvient pas à dormir !" Y aurait-il un "lobby de l'éolienne tripale ?" Très probablement.

On pourrait loger des éoliennes carrénées très compactes et silencieuses en les intégrant à l'architecture de nos immeubles, dotés de "venturis". Il suffirait de protéger entrée et sortie par un simple grillage. Par la Bonne Mère, combien de mégawatts se perdent lors des jours de Mistral, dans ma région !

Je ferai un livre, un jour, en regroupant toutes ces idées, qui traînent partout et qui ne peuvent apporter que du bien. Les choses iraient sans doute beaucoup mieux qui se hommes se disaient" qu'est-ce que je pourrais faire pour que les choses aillent mieux ? " au lieu de se dire "qu'est-ce que je pourrais faire pour avoir la plus grosse, le truc qui aille le plus haut, le plus vite, qui assure à mon pays la 'sécurité' c'est à dire qui lui permette de dominer tous les autres. Quel truc pourrais-je inventer pour mieux abrutir mon voisin, l'amener à acheter et à consommer ce que je produis ?"

C'est tout ce que je vois, en tant que scientifique, dans ce futur nébuleux et dangereux. Ils pourraient en produire des choses, nos chercheurs, s'ils étaient mobilisés autrement, perdus dans des guerres intestines, sous-payés, mobilisés sur les "âneries rentables" et représentés par des astronautes recyclées dans le blabla.

 

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