Dessin
Un instrument aussi simple qu'un stylo à bille peut donner d'excellents résultats. Je l'ai personnellement beaucoup utilisé dans mes carnets de voyages, lors de péribles que j'effectuai aux quatre coins de la planête avec mon fils jean-Christophe, quand il avait de sept à quatorze ans. L'ensemble de ces cahiers, scannés, figurera d'ailleurs sur les CD que je diffuse. Les dessins qui suivent sont extraits de la "la balade des Pingoins" qui se réfère à un séjour effectué en Islande à la fin des années soixante-dix.
Les étranges paysages Islandais. A gauche,
Jean-Christophe, dix ans.
Détail montrant le travail avec un simple stylo
à bille.
Voici un croquis du cargo
qui nous emmena à l'île d'Heimey, au sud-Est de l'Islande. Cette
île a une histoire. Elle est d'abord située sur la "ligne de
faille" qui traverse toute l'Islande du nord-est au sud-ouest. Ces
le lieu où les deux plaques s'écartent. Sur cette île, un volcan :
l'Elgafel. Dans ces années soixante-dix le professeur Siguaierson
avait la chaire de volcanologie à l'universirté de Reyjkiavik. La
veille de l'érupution de l'Elgafel il avait déclaré en cours que
c'était là le prototype du volcan éteint. Les habitants de l'île
d'Hemey avaient toujours eun une réputation de grande xénophobie.
Dans le mois qui avait précédé l'éruption ils avaient même demandé
à l'Islande leur indépendance. On pourrait se demander pourquoi
les habitants d'un caillou aussi désolé auraient pu ainsi demander
leur indépendance politique et économique. La raison est simple :
l'île est tout simplement la partie émergée d'un haut fond-fond
sur lequel séjournent en permanence les bancs de poisson les plus
riches de la planète. Les chalutiers européens font des milliers
de kilomètres pour aller travailler dans la partie de ces eaux-là
qui leur est autorisée. Quant aux habitants d'Heimey, il leur
suffit de sortir et de chaluter autour de l'île pour revenir avec
leurs cales pleines : une île qui, à part quelques maisons,
abritent une usine de farine de poisson. A l'époque le revenu par
habitant était le second, au monde, après celui du ... Koweit. Sur
les quatre kilomètres de route les insulaires roulaient en Ford
Mustang. La carte ci-après permet de se faire une idée des
différentes localités d'Islande, qui ont toutes des noms à coucher
dehors. En bas, l'île d'Heimey.
Carte de l'Islande
Sur le trajet pointillé (notre itinéraire) un lieu nommé Geysir, qui donna son nom au mot "geyser". Un détail amusant : les geyser peuvent s'arrêter de fonctionner et cela arrive même souvent, lorsque la source de chaleur sur laquelle ils sont construits vient à s'épuiser. En effet, un geyser est avant tout une colonne d'eau avec une source de chaleur en bas où l'eau est sous plusieurs bars de pression. Quand l'ébullition se produit, une bulle se forme qui provoque la transformation en vapeur de toute la colonne, lorsqu'elle remonte sous l'effet de la poussée d'Archimède. Quand cette bulle atteint la surface, souvent marquée par une une petite vasque, ce volume de vapeur deau peut atteindre plusieurs mètres cubes. Elle soulève alors la surface liquide, crève en son point le plus haut et souffle sa vapeur à la manière d'un cétacé. Il faut être vif pour photographier le phénomène car tout se joue en un temps de l'ordre de la seconde. J'ai toujours rêvé d'installer un geyser artificiel près du port de Marseille et je pense que, techniquement, ceci ne poserait pas de difficulté particulière. Il suffirait d'une colonne bien isolée thermiquement et d'une forte résistance de chauffage, en bas. Toujours est-il qu'il existe une manière très spectaculaire de ranimer les geyser devenus inactifs, comme nous l'avait montré Maurice Kraft avec qui nous étions allés en Islande (il est décédé depuis dans un accident, avec sa femme Katia). Il suffit d'y déverser dedans le contenu d'une bouteille de produit vaisselle. Celui-ci met plusieurs minutes à atteindre le fond de la cheminée mais, ce faisant, abaisse à cet endroit le point d'ébullition. Le geyser redémarre alors instantanément en éjectant cette fois des millions d'énormes bulles de savon. C'est une variante de ce genre dont j'avais proposé l'installation à la municipalité de Marseille, hélas sans succès. Si jamais une municipalité Française est tentée par l'aventure, me contacter.
A côté de l'île d'Heimey on voit un îlot nommé Surtsey. C'est une île volcanique qui était apparue dans les années soixante, si je me souviens bien. Les Islandais avaient soudain vu une énorme colonne de valeur surgir de la mer et en quelques semaines un cône de cendre avait marqué la partie sommitale d'un nouveau volcan, toujours situé sur cette fameuse faille, une des plus actives de la surface terrestre. Les scientifiques se sont montrés extrêmement intéressés de voir comment la vie pouvait se développer sur une terre aussi vierge. Cela se fit très rapidement, les oiseaux de mer ayant l'habitude de transporter force graînes dans leurs déjections. Surtsey est le nom d'un personnage mythique des sagas Islandaises, une sorte de géant. Ce sont les vulcanologues qui trouvèrent ce nom. Comme la presse s'en empara rapidement il ne vint guère possible de lui en attribuer un autre mais le gouvernement Islandais se montra très irrité qu'une nouvelle île ait pu être baptisée par un simple professeur de Faculté. Quelques années plus tard le phénomène se produisit de nouveau : le panache de vapeur, le cône de cendre qui émerge, etc. Là, le parlement Islandais fut immédiatement clair : le nom de ce nouvel îlot devrait être choisi par les politiques et non par de vulgaires scientifiques. On décida donc que cette nouvelle localité recevrait le nom de la fille du roi Haakon de Norvège. Tout fut donc préparé pour ce baptème d'île puisse s'accompagner de tout le faste nécessaire, avec visite du roi, de sa fiulle et tout le tremblement. Un budget conséquent fut voté, des discours magnifiques furent écrits, des chambres d'hôtel retenues. Malheureusement, quelques jours avant l'opération l'île disparût dans les abysses sans crier gare. Islandais et Norvégiens se retrouvèrent gros Jean comme devant. Là-bas, on en rit encore.
Le volcan Hekla, visible
sur la carte, servit à Jules Vernes de modèle pour son roman
"Voyage au Centre de la Terre". Lorsque nous allâmes en Islande,
Jean-Christophe et moi, nous avions l'intention de retrouver le
passage découvert par Aarne Saknudsen et de retenter l'expédition.
Les rêves de gamins ont la peau dure. Hélas cela ne s'avéra pas
possible. Il a dû être rebouché depuis. Le dessin de l'ours blanc,
sur son bout de banquise, n'est pas une fiction. Il arrive en
effet périodiquement que des ours abordent le nord de l'île, lors
d'hivers particulièrement rigoureux.
Tous les Islandais se
munissent alors d'armes à feu en transformant au plus vite la bête
en passoire. En principe, le premier qui a vu l'animal a le droit
de s'en faire une descente de lit mais comme les Islandais ont des
caractères un peu difficiles la chose pose souvent des problèmes.
En fin de séjour nous avons poussé en voiture au sud-Est de l'île,
juste sous le gigantesque glacier du Vatna, en longeant la côté.
Le croquis ci-après a été pris dans une cabane-refuge où nous
avions trouvé les restes de deux crânes d'ours, sans doute emmenés
depuis par des touristes.
Au premier plan, un crâne d'ours blanc
Je vois que si je n'y
prenais garde, sous prétexte de donner quelques exemples de
dessins à la plume je finirais par vous raconter tous nos voyages,
ce qui risquerait d'être un peu long. Je terminerai ce survol
Islandais par deux images. D'abord ce superbe chalutier, sur son
slip, dans l'île d'Heimey :
Un chalutier au sec sur le slip d'Heimey
Ce dessin (au stylo à bille..) a une histoire. Des dessins, j'en ai vendu des milliers, dans les douzaines de pays où j'ai traîné mes guêtres. Celui-là est pas mal, avouez. Imaginez que le propriétaire de ce chalutier arrive alors que je suis en train d'y mettre la dernière main.
- Ce dessin, vous en demanderiez combien ?
Les gens d'Heimey sont très riches, je vous l'ai dit. Ils sont aussi très xénophobes. Je les attendais au virage et pour une fois, j'en tenais un. Je réponds au gars :
- Je vous propose un deal : ce dessin, je vous en fais cadeau en échange d'un café que vous m'offririez, chez vous.
L'homme s'étrangle, le propose 50 dollars, puis cent.
- Non, vous ne comprenez pas. Ca n'est pas une question d'argent. Je voudrais seulement que vous m'offriez un café, chez vous. C'est l'affaire de cinq minutes, et vous gardez le dessin.
Je n'ai pas eu gain de cause. C'est mon seul échec. Avec ces talents : dessiner, jouer de la musique, chanter des chansons dans toutes les langues, faire des tours de prestidigitation, vous pouvez me lâcher n'importe où, en Amazonie, en plein désert de Gobi. Une heure après je réussis à me faire inviter par les gens du village voisin, en faisant le portrait de toute la famille. Mais là, à Heimey, bide complet. Le propriétaire du chalutier en était malade. Il aurait payé n'importe quel prix pour avoir ce bout de papier. Mais m'inviter à passer le seuil de sa porte, non. Dans cette île, le seul qui ait réussi à se faire inviter à un goûter, c'est mon fils. Il jouait avec des Islandais de son âge et il avait les cheveux blonds. Et puis, les gosses sont moins cons que nous. Je l'ai vu discuter à perte de vue avec des gosses Masai. Les enfants se comprennent, partout.
Au passage, une petite
anecdote, très peu connue. Je vous ai dit que le volcan Eldgafel
s'était mis à cracher de la lave et des cendres, dans l'île, que
nous avions visitée peu d'après les évènements. Il n'y a pas eu
mort d'homme mais un certain nombre d'histoires assez singulières
sont arrivées. A un moment, le volcan a craché des cendres à un
tel rythme que les pilotes d'un avion militaire qui était posé sur
le terrain n'ont pas pu dégager assez rapidement les ailes de
l'appareil, qui se sont brisées sous cette charge. Au même moment
un cargo attendait, dans le port, chargé de tous les biens
accumulés par les insulaires : Ford Mustang, télés, meubles, etc.
L'afflux de cendre a eu un effet similaire : il a coulé ... dans
le port.
Les coulées de lave durèrent des semaines.
Celle-ci sortait d'une longue fissure courant sur le flanc du
volcan. La lave filait alors en direction du port. Elle engloutit
quelques maisons, mais le plus dramatique est que cette lave
commença à obstruer la passe menant vers le large. Si cela
continuait à ce train-là, le port d'Heimey, avec toute sa flotille
de pêche, ne serait plus qu'un lac intérieur, coupé de la mer par
une bonne bande de basalte bien dur. Les Islandais eurent alors
l'idée d'essayer de diminuer la fluidité de la lave en l'arrosant
en continu d'eau de mer et pour ce faire ils empruntèrent les
puissantes pompes de cale d'un porte-avion Américains qui était
dans les parrages.
Un célèbre vulcanologue fixé en France : Haroun Tazieff, était en Islande au moment de l'éruption. Il se moqua haut et fort des Islandais, qui le saisirent derechef par la peau des fesses et le collèrent dans le premier avion en direction de la France, avec interdiction de revenir dans leur pays. Bien des années plus tard j'assistai à une conférence de Tazieff où celui-ci évoquait cette affaire en disant "ces pauvres Islandais ! Vouloir lutter contre un volcan ! C'était comme si des enfants avaient voulu pisser sur ce fleuve de lave...". En fait l'opération fonctionna. Sur place j'ai bien vu la différence d'épaisseur de la lave, là où on avait arrosé et là où la lave avait filé telle quelle vers la mer. Il y avait bien une différence d'un facteur deux. Mais ridiculiser Tazzief en public ne me semblait pas présenter quelqu'un intérêt. De plus, étant donné sa réputation, j'imagine que ma parole n'aurait pas pesé bien lourd contre la sienne. Mais au passage on comprend que cette affaire avait à l'époque un peu indisposé les habitants et que nous ayions pu en subir le contre-coup.
Le second dessin représente
une partie de la côte de l'île d'Heimey. Au premier plan, des
macareux, étranges oiseaux de mer, de la taille d'un pigeon, qui
nichent dans des terriers. Ils ont des becs plats, profilés,
pêchent en filant au ras de l'eau, partie inférieure du bec
tranchant l'eau. Quand ils capturent un poisson de la taille d'un
anchois, le bec se referme. La langue sert à stocker les prises
déjà effectuées. On les voit ainsi raser la surface de la mer avec
quatre ou cinq petits poissons coincés entre la partie supérieure
de leur bec et leur langue, guettant la prise suivante.
Paysage côtier. Ile d'Heimey
L'Islande est bien verte.
J'avais une photo de mon fils où on le voyait sur un sommet de
cette île. On aurait dit une affiche pour agence de voyage. Je ne
sais plus où je l'ai mise. On peut se dire : "ça n'a maintenant
plus guère d'importance". C'est vrai. Mais mon coeur se serre
quand je repense à ce gosse que j'ai aimé plus que ma vie.
Regardez-le, à cette époque-là, avec sa tartine et son copain
Hollandais Mirhils, comme il était beau.
Mirhils et Jean-Christophe
Février 2007 : La Grande Muraille, plume réalisée au cours
d'un voyage en Chine
La Grande Muraille, à 50 km de Pékin
Mai 2010 : Dans un restaurant d'Istamboul. Au
gauche, la plaque chauffante, pour les crèpes
La "bête à cornes" (plume), presse lithographique que
j'utilisais. Au premier plan, les pierres lithographiques
Ancêtre des "markers"
Version polyèdrique du "noeud de trèfle"