...Par exemple, si on immergeait une telle maquette en ne la dotant que d'une seule paire d'électrodes, la paire centrale, et en mettant celle-ci en court circuit, il s'en suivrait un passage de courant, se bouclant dans le gaz, qui aurait pour effet de ralentir fortement celui-ci :

...Un tel profil d'aile, immergé dans un gaz fortement conducteur de l'électricité (ou rendu conducteur de l'électricité) se comporte comme un "générateur MHD" de forte puissance. C'est un "convertisseur MHD". D'où vient l'énergie ? C'est simplement l'énergie cinétique du fluide et la puissance extraite s'accompagne d'une perte d'énergie cinétique dans le fluide, de son ralentissement naturel.

...En 1965 nous mettions en œuvre des générateur électrique MHD, opérant une conversion directe de l'énergie cinétique d'un fluide dans une "tuyère MHD du type de Faraday". La géométrie est différente, mais le principe est le même. Ci-après, le schéma d'un générateur MHD de Faraday, avec sa veine de section carrée.

...Image suivante, solénoïdes enlevés, la disposition des électrodes "segmentées" (pour obtenir une meilleure répartition du passage du courant dans la veine).

...Dans les expériences que nous avions effectuées dans les années soixante à l'Institut de Mécanique des fluides de Marseille, nous injections dans cette tuyère un courant d'argon à 10.000°K, sous un bar, pénétrant à une vitesse de 2500 mètres par seconde. Le champ magnétique atteignant 2 teslas, le champ électromoteur valait donc :

2500 x 2 = 5000 volts par mètre

..La distance entre les paire d'électrodes se faisant face étant de 5 cm, la DDP était de 250 volts. Il fallait retrancher 40 volts (tension liée à des phénomènes de paroi au voisinage des électrodes), soit 210 volts.

...La conductivité électrique de l'argon, porté à une telle température, étant de 3500 mhos par mètre, on obtenait une densité de courant

J = s E = s V x B = 735.000 ampères par mètre carré.

soir 73,5 ampères par centimètre carré. Pour une longueur de tuyère de 10 cm et une largeur de 5 cm (50 cm2) ceci donnait un ampérage maximal, en court circuit, de 3675 ampères.

...Lorsque les électrodes étaient en court-circuit, l'ampérage étant maximal, la force de Laplace résultante était suffisamment intense, comme l'expérience le montra, pour ralentir le gaz au point de donner naissance à une onde de choc droite, obtenue sans autre obstacle que cette force électromagnétique.

...Le gaz arrivant à vitesse supersonique sur un profil d'aile lenticulaire possède donc sa propre énergie, qui peut être exploitée. L'énergie à dépenser pour supprimer le système des ondes de choc était donc l'énergie dépensée pour accélérer le gaz, près du bord d'attaque et près du bord de fuite, moins celle produite par son ralentissement, liée au fonctionnement de la paire d'électrodes centrales.

...Ce résultat était extrêmement intéressant, car il montrait que l'énergie à fournir pour annihiler ces ondes était moins élevée que l'on aurait pu le penser a priori. La perte se situait principalement dans l'effet Joule. Dans le cas d'une machine volante circulant dans de l'air froid il faudrait ajouter l'énergie dépensée pour ioniser ce gaz à l'aide de micro-ondes, énergie que nous avions également chiffrée.

...Comment les forces de Laplace agissent-elles sur la pente des ondes de Mach?

...C'est très simple. Lorsque la tuyère MHD fonctionne par exemple en générateur, donc ralentit le fluide, voici l'évolution des ondes de Mach dans la tuyère :

...Il s'agit là d'un ralentissement modéré du fluides. Les ondes semblent se tasser comme les éléments d'un accordéon. Les électrodes sont "en charge", ce qui limite la densité de courant. On comprend au passage comment un ralentissement plus intense peut donner naissance à une onde de choc : lorsque celui-ci abaisse la vitesse au point que le gaz tend à devenir subsonique. Les ondes de Mach se concentrent alors, comme un accordéon, ce qui accumule les perturbations de pression. L'onde de choc se forme alors, qui migre rapidement vers l'entrée de tuyère, en se stabilisant devant le premier "streamer" (jet de courant électrique issu de la première paire d'électrodes) comme si celui-ci constituait une sorte d'obstacle immatériel.

...Si, par contre, on injecte de la puissance électrique dans le système, la tuyère se comporte comme un accélérateur MHD de Faraday. Les ondes de Mach tendent à se coucher :

...Cet accélération MHD a pu être mise en évidence également dans les années soixante, dans le laboratoire où je travaillas. Elle se révéla très efficace. La vitesse en entrée de tuyère étant de 2500 m/s on obtint des vitesses de sortie de plus de 8000 mètres par seconde, ce qui représente un gain de vitesse de plus de cinq kilomètres par seconde sur une distance d'à peine dix centimètres.

...Ces expériences montrent l'extrême efficacité de l'action MHD sur un gaz, si celui-ci possède un taux d'ionisation suffisant. Pour information, une telle conductivité électrique (3500 mhos/m) correspondait, dans l'argon, à un taux d'ionisation de 10-3 (un atome sur mille était transformé en ion).

...Dans de l'air froid, il faudrait ioniser "artificiellement", par exemple en soumettant le gaz environnant à un flux de micro-ondes en trois gigahertz, qui aurait pour effet d'arracher des électrons au composant le plus facilement ionisable : l'oxyde d'azote NO. On peut également envisager une sudation d'un alcalin, à bas potentiel d'ionisation, comme le césium ou le sodium.

...Nous avions donc fait, Lebrun et moi, tous ces calculs dans le cadre d'une thèse de doctorat financée par le CNRS; dans les années quatre-vingt. Le résultat des simulations sur ordinateur donnait un écoulement complètement "régularisé", exempt d'ondes de choc. Dans la figure ci-après on a figuré les deux familles d'ondes de Mach.

...Ce travail théorique a été complété par des expériences d'analogie hydraulique, toujours avec ce système des trois paires d'électrodes. Les vagues d'étrave et de poupe purent être annihilées. La conductivité électrique de l'eau acidulée étant trop faible, il n'était pas alors question d'utiliser l'énergie du fluide pour améliorer le bilan énergétique. Le résultat est identique à ce qui a été présenté ci dessus. Le résultat est que l'on obtient un écoulement où le fluide reste "plat" :

Le lecteur intéressé pourra retrouver certains de ces éléments dans ma bande dessinée "Le Mur du Silence "(voir cd-rom Lanturlu).

 

Comment mettre en oeuvre ces recherches.

...Ces idées sont séduisantes. Elles ouvrent sur une nouvelle mécanique des fluides supersoniques où, au lieu de subir les ondes de choc comme des phénomènes inévitables, on peut au contraire les éviter.

...Le problème de la MHD est de pouvoir travailler sur un gaz possédant une conductivité électrique suffisante. En vingt années de travail nous avons évidemment exploré toutes ces questions. En 1966 j'ai été le premier à obtenir un fonctionnement de générateur MHD "bitempérature", en régime stable.

...Nous avons fait également de nombreuses expériences en milieu raréfié (de l'air à une pression de 10-1 mm de Mercure.

- Confinement pariétal d'un plasma

- Guidage de "streamers" ( courants spiraux)

- Anihilation de l'instabilité de Vélikhov (communication du colloque MHD de Moscou)

- Etude de l'ionisation de l'air par HF (1 Mhz)

...Une autre fois j'expliquerai, dans le site ces différentes expériences et perspectives. Dans l'immédiat, voyons comment pourrait être concrétisée l'expérience d'annihilation des ondes de choc autour d'un profil lenticulaire.

...Il faut, pour se faire, disposer d'une soufflerie délivrant un flux de gaz à haute température (Argon à 10.000°K). C'est possible en utilisant un appareil mis au point dès l'après-guerre (mais tombé aujourd'hui en désuétude) : le "tube à choc".

...De quoi s'agit-il ?

...Pour expliquer le fonctionnement de cette "soufflerie à onde de choc" nous allons une fois de plus faire recours à l'analogie hydraulique. Imaginons par exemple que nous construisions un canal rectiligne, de largeur constante, en contre-plaqué. Largeur : 10 cm. Longueur : quelques mètres. Voici le schéma :