Branle-bas de combat !

Toute la presse en a parlé : on a cartographié l'invisible. Yannick Meillier et son équipe, se fondant sur les effets de lentille gravitationnelle affectant les images des galaxies, en les supposant dus à une matière échappant pour le moment à l'observation, ont tracé la première carte 3d d'une partie du cosmos. Du coup l'effervescience règne dans les laboratoires. les astrophysiciens, stimulés par cette démarche, sont prêts à mettre de la matière noire dans tous leurs modèles. Les physiciens théoriciens trouvent un débouché imprévu pour les particules les plus exotiques qui sortent de leur imagination, dont les "neutralinos". Tous ses rencontreront les 13, 14 et 15 juin prochain à l'université de Montpellier pour discuter le l'éventualité de la création d'un laboratoire consacré aux astroparticules, qui serait parainné par l'INSU (Institut des Sciences de l'Univers, département du CNRS).


...................Ci-après, la fameuse carte :

La même, en coupe :

L'article de J.P.Petit, cité.

La version vulgarisée et le livre.

Mais, vox populi, vox dei, la reproduction de l'article du Monde du vendredi 17 mars 2000

Si la matière noire détourne le cours
de la lumière, c'est bien qu'elle existe

La déformation d'images de galaxies lointaines prouve l'existence d'immenses objets invisibles.

Depuis des années, les atronomes cherchent à mettre en évidence la matière noire (90% de la matière dans l'univers). Bien des hypothèses ont été avancées pour expliquer la nature de ce milieu qui échappe aux télescopes : objets massifs (naines brunes) et particules élémentaires (neutrinos). Mais le compte n'y est pas. Aussi pense-t-on que cette matière pourrait être faite de particules théoriques encore à découvrir.

Les Astronomes sont formels : 90 % de la matière de l'Univers échappent aux objectifs de leurs télescopes. Seuls apparaîssent sur les clichés les galaxies et les milliards d'étoiles qui les composent, les nébuleuses sombres ou brillantes qui constellent le ciel et de gigantesques flashes d'énergie dont les mécanismes de production de sont pas totalement compris (...). Grâce aux progrès de la technologie, de nouvelles fenêtres se sont ouvertes dans l'infrarouge, l'ultraviolet, les rayons X et les rayons gamma. Plus récemment, les astronomes se sont ouverts l'astronomie des neutrinos, particules fugaces qui contribueraient sensiblement à la masse de l'univers.
...Mais les théoriciens savent bien que, malgré cela, l'essentiel de l'univers échappe à la communauté astronomique qui ne saurait se contenter du du terrain d'expérience restreinte-10% du tout-qui lui est offert. C'est la raison pour laquelle elle cherche depuis de nombreuses années à mettre en évidence cette fameuse matière noire, constituant majeur de notre univers. Une équipe de l'Institut d'Astrophysique de Paris, associée à des astronomes français (CEA Saclay, Télescope Canada-France-Hawaï (CFHT) et Laboratoire d'Astronomie Spatiale de Marseille et étrangers (Canada, Allemagne, Etats-Unis), vient d'oiuvrir une fenêtre sur ce monde. Juste avant une équipe britannique menée par Richard Ellis (Cambridge et Caltech) et une américaine conduite par Tyson (Bell Labs, New Jersey) qui, toutes deux, confirment en partie ces résultats.
...Comment les chercheurs ont-ils triomphé de l'invisible et confirmé l'existence de cette matière noire ? En faisant appel à un principe qui veut que la lumière se courbe au voisinage d'une énorme masse de matière (Soleil, alas de galaxies), sous l'effet de la gravitation. Cette hypothèse a été maintes fois vérifiée. Mais les astronomes se sont demandés si le même effet pouvait être observé avec la matière noire qui est supposée être peu dense et exister en quantités considérables. Si c'était le cas, cette matière sombre trahirait sa présence sans pour autant pouvoir être vue.

"Astigmatisme cosmique".
"En 1991, explique Yannick Mellier, de l'Institut d'Astrophysique de Paris, la théorie prédisait que des objets lointains comme les galaxies pouvaient, du fait de la présence de granes messes de matière noire sur le passage de leur lumière apparaître légèrement déformées et présenter des formes d'ellipses allongées. Mais cet effet d'astigmatisme cosmique était, selon les calculs, si faible que le détecter tenait de la gageure. " De plus, les chercheurs manquaient à l'époque d'un modèle théorique pour valider d'éventuelles mesures, ainsi d'ailleurs que de caméras suffisamment performantes pour les réaliser.
cDepuis, la caméra CFH 12K a été mise au point et le canadien Ludovic Van Waerbeke a développé des outils de traitement adaptés à ce programme de recherche. Après cinq ans passés à analyser les quelques 200 000 galaxies lointaines photographiées par le téléscope Canada-France-Hawaï, les chercheurs sont enfin parvenus à leurs fins. Sur les clichés du fond du ciel pris par le CFHT apparaîssent aujourd'hui, après un traitement adapté, des centaines de pettes ellipses de couleur vert d'eau qui sont autant de galaxies.
...Peut-on pour autant en déduire que ce phénomène est bien le fruit d'un effet gravitationnel sur la lumière émise par les galaxies ? "Assurément (...), répond Yannick Mellier. En l'absence de matière sur le passage des rayons lumineux -donc sans effet gravitationnel- , même les galaxies élliptiques apparaîssent comme des petits points ronds. Dans le cas contraire, le cliché est couvert de pettes ellipses. De plus, l'effet gravitationnel a tendance à organiser ces galaxies. Un peu à la manière d'un aimant qui oriente la limaille de fer selon les lignes du champ magnétique qui lui est appliqué".

Particules encore inconnues.
Ce sont ces imperceptibles déformations
et cette réorganisation des galaxies qui permettent d'affirmer que la lumière a été déviée de sa trajectoire par des filaments de matière diffuse et invisible. Une matière dont la densité est faible (contrairement à celle du Soleil et des amas de galaxies)., mais dont les effets sont cependant perceptibles, du fait de leur considérable étendue : 100 million et un milliard de parsecs (1 parsec équivaut à 3,36 années-lumière). A titre de comparaison notre galaxie ne mesure que 34.000 parsecs dans sa plus grande longueur.
..Sur le modèle en trois dimensions que l'équipe française a reconstitué sur ordinateur l'effet est saisissant. Dans son parcours jusqu'à nous, la lumière change constamment de direction au voisinage de ces filaments qui forment comme une sorte de gruyère dans l'espace qu'ils occupent. Une structure qui raconte l'histoire de l'Univers et révèle les conditions initiales de sa formation. Car la matière noire qui échappe à nos regards n'est pas de même nature (baryonique) que celle dont les étoiles et nous-mêmes sommes faits. Selon les théoriciens, elle serait composée de particules - mauviettes (whimps), axions, particules supersymétriques, etc... encore à découvrir.
..Une nouvelle porte vient de s'entre-ouvrir, aux astronomes de s'y engouffrer. Ils devraient prochainement le faire avec la mise en service, dans deux ans au CFHT, d'une caméra quatre fois plus grande, la MégaCam, développée par le CEA de Saclay. DAns un avenir plus lointain, on envisage la mise en place d'un réseau d'une centaine de télescopes d'un mètre de diamètre et le lancement d'un satellite américain, Snapsat, consacré aux étoiles explosives (supernovae), mais capable aussi de traquer les effets de la matière noire.

Jean-François Augereau.

Ca n'est pas si évident que cela. En 1985 Bernard Fort, accompagné d'étudiants, dont Yannick Meillier, découvre au trois mètres soixante de Hawaï, avec une des premières caméras CCD, un arc gravitationnel dans l'amas de galaxies Abell 370. Il faut trois ans à l'équipe pour convaincre la communauté astronomique que ce type de formation correspond bien à un "effet de lentille gravitationnelle". Les calculs fondés sur cette hypothèse concluent que cette masse invisible doit être localisée très près du centre de l'amas. En 89 Fort et Meillier imaginent une méthode permettant, toujours dans cette hypothèse, de reconstituer la carte de la matière invisible censée produire ce phénomène. Mais dès 94 Fort et Meillier découvrent au voisinage du centre d'un autre amas un "objet" qui jette un doute sur la validité de leur méthode. Il s'agit d'une "concentration de matière invisisible", localisée et "pesée" grâce aux distorsions affectant les images des galaxies voisines, qui n'est associée à aucune concentration de matière "conventionbnelle", émettrice de lumière. Perplexes, ils mettent ce cliché sous le coude. Mais trois ans plus tard Yannick Meillier remarque le même phénomène près de l'amas Abell 1942 (voir clichés ci-après). L'objet est analysé avec d'autres instruments, et dans d'autres fréquences, ainsi que son environnement. Cette fois, pas de doute : la méthode Meillier-Fort conclut à l'existence d'une fantastique concentration de matière invisible ( 5 1014 fois celle du soleil, soit l'équivalent des plus gros amas de galaxies observés), et ce dans une région parfaitement sombre.....

Voici le commentaire de Bernard Fort, à propos de ce phénomène (extrait de Ciel et Espace, juin 2000) ::

 

 

....Ce qui pose problème c'est qu'en effectuant des observations dans des secteurs qui représentent à peine 0,01 % de la voûte céleste les observateurs ont déjà découvert deux objets de ce type. Il serait donc fort possible que la multiplication des observations, tout en fournissant une carte 3d de cette fameuse matière sombre, du plus bel effet, puisse aussi faire émerger des centaines "d'amas obscurs" ou de "concentrations noires", comme a décidé de les nommer Bernard Fort. On verrait mal alors pourquoi et comment des concentrations de matière équivalant aux amas connus les plus riches pourraient influencer gravitationnellement les photons passant à proximité, mais pas les galaxies environnantes, ou le gaz qui traîne un peu partout.
....A moins qu'il y ait deux types de matières qui fassent "chambre à part", carrément. En imputant les "phénomène de lentille gravitationnelle anormaux" à l'effet de la matière gémellaire, on débouche sur des interprétations totalement différentes, évoquées dans notre ouvrage "on a perdu la moitié de l'univers", Albin Michel, 1997. Ainsi les arcs seraient dus non à des concentrations de matière sombre mais à des lacunes dans la distribution de matière gémellaire. Inversement, ces "amas obscurs" pourraient révéler la présence de "conglomérats de matière gémellaire", des formations primordiales, chaude et "géométriquement invisibles). Pour y voir plus clair il faudrait refaire une étude semblable à celle menée pendant des années par Meillier et Fort, reprendre cette "cartographie de l'invisible", mais en supposant que l'effet soit dû non à une matière noire, exotique ou non, mais à la matière gémellaire, laquelle se comporte simplement, vis à vis de la nôtre, comme si elle était constituée de particules conventionnelles, dotées de masses et d'énergies négatives. Un joli sujet de thèse pour étudiant kamikaze (qualificatif s'appliquant, au CNRS, à tout étudiant sortant des sentiers battus).

Ci-après, une manifestation récente des partisans de la matière noire :

et une manifestation des partisans de la matière gémellaire :