Fusion non-polluante, une autre filière possible ?

La manip FOCUS

Les résultats obtenus à ce jour n'ont pas le même niveau de fiabilité que ceux de la Z-machine de Sandia mais il nous paru intéressant d'évoquer ces expériences pour montrer la gamme très large que permet la MHD, s'agissant d'accroître la densité et la température d'un plasma. Sur ce plan la manip Focus est fort originale. Reste à savoir, dans ce cas, si les fortes températures mesurées à l'aide du flux de rayons X correspondent effectivement à la température du plasma ou à l'effet d'impact sur l'anode. E. Lerner, qui est loin de posséder les moyens du puissant laboratoire du Nouveau Mexique est convaincu que ceci indique qu'une température de plus d'un milliards de degrés ( 100 keV ) aurait été obtenue. Nous lui laisserons la responsabilité de cette conclusion.


Principe de fonctionnement

1° juin 2006

 

FOCUS est une expérience dont pas mal de gens parlent depuis le début des années 2000. On trouvera des éléments dans l'encyclopédie Wikipedia à :

http://en.wikipedia.org/wiki/Plasma_focus

La fusion, pour tout un chacun, évoque aussitôt deux uniques filières.

- La fusion dans les Tokamaks, correspondant à la coûteuse manip ITER, qui va être implantée à Cadarache, au nord d'Aix-en-Provence

- La fusion par lasers, confers cette autre "cathédrale pour ingénieurs" qu'est le projet Megajoule, situé au Barp, près de Bordeaux.

Par fusion on entend également exclusivement celle du deutérium et du tritium, qui est celle qui se produit à la plus basse températre. Le deutérium est un premier isotope de l'hydrogène dont le noyaux est constitué d'un proton et d'un neutron. Le noyau de tritium contient un proton et deux neutrons.

 

 

Leur fusion, intervenant quand la température atteint cent millions de degrés ( à un rythme rapide ) produit un noyau d'hélium et un neutron ( rapide ) doté d'une énergie de 14 Mev ( 14 millions d'électron-volts ). Au coeur du soleil la température de la "chaudière" n'est que de 15 à 20 millions de degrés et la fusion ne s'y déroule qu'à un tythme beaucoup plus lent ( sinon le Soleil exploserait ).

Les molécules d'hydrogène lourd ressemblent à s'y méprendre à celle de l'hydrogène léger. Elles sont dotées des mêmes propriétés chimiques :

 

 

A gauche, une molécule D - D et à droite une molécule T - T . La liaison est assurée par des électrons, ici représentés par des abeilles. Les "nucléons" sont figurés par des diablotins. Les protons, électriquement chargés sont en violet, les neutrons, électriquement neutres, en rouge.

A partir de 3000° l'hydrogène " s'ionise complètement", les électrons quittent les noyaux et l'hydrogène ( léger ou lourd ) se transforme en plasma, mélange d'un "gaz d'électrons" et de noyaux électriquement chargés. Mais vers 100-150 millions de degrés ces noyaux tendent à réagir :

 

 

Voici le schéma de la fusion de l'hydrogène lourd :

 

 

Le lecteur pourra se familiariser avec tous ces concepts liés à l'énergie nucléaire en consultat ma bande dessinée gratuitement téléchargeable

Energétiquement Vôtre

disponible sur le site http://www.savoir-sans-frontieres.com à l'adresse :

http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/energetiquement_votre.htm

C'est l'émission de ce neutron de fusion à 14 Mev qui cause problème car ces particules provoquent une radioactivité induite dans toutes les structures constituant le réacteur. Ces neutrons s'intègrent dans les matériaux des structures du réacteur en donnant nombre de substances instables qui deviennent ipso-facto radioactives et constitueront des déchêts. Ce flux de neutrons altère par ailleurs les structures du réacteur, peut à terme compromettre la solidité de ses composants et altérer le bon fonctionnement des solénoïdes assurant le confinement du plasma.

 

 

Le dessin ci-dessus évoque la régénération du tritium. Dans la pratique les neutrons de fusion ne font pas que recréer du tritium. Ils créent aussi nombre d'isotopes radioactifs, par effet de radioactivité artificielle ( par opposition à la "radioactivité naturelle" liée au isotopes radioactifs existant dans la nature, et qui ont été créés initialement dans les explosions de supernovae, puis intégrés à la masse de la terre au moment de sa formation ). Une envelope de lithium se comporte comme un "matériau fertile" qui est censé recréer en continue du tritium lequel, radioactif ( demi-vie : 12 ans ) n'existe pas dans la nature.

L'homme de la rue ignore en règle général que la fusion est comme "une chimie des noyaux", où on part d'un "mélange de fusion", d'une "réaction" et qui donne des "produits de réaction". La fusion Deutérium-Tritium n'est qu'une des réactions possibles. Mais comme c'est celle qui se produit à la plus basse température

 

 

Réactions de fusion non polluantes, exemptesde radioactivité et de déchêts radioactifs !

 

Nous avons vu, dans un dossier consacré à la Z-machine qu'une température de deux milliards de degrés avait été atteinte en 2005 aux laboratoires Sandia, au Nouveau Mexique. Signalons au passage que le but de la manip n'était pas d'obtenir des températures aussi élevées mais de créer une simple source de raysons X, sous quelques millions de degrés. Or, de manière inattendue ce compresseur à plasma a fourni ... deux milliards de degrés, d'une manière parfaitement incontestable. Ce résultat outsider a aussitôt créé un malaise au sein des équipes qui gèrent depuis des décennies ces projets dispendieux que sont :

- La fusion par laser ( en France : Megajoule )

- La fusion dans les machines tokamak ( en France : ITER )

Mais nous allons voir que cette Z-machine pourrait ne pas être lla seule à pouvoir produire des plasmas aussi chauds ( alors que l'engin ITER, fonctionnant en continue, ne peut accroître sa température). En faisant une analogie on pourrait dire qu'il y a autant de différence entre cette nouvelle gamme de machines à fusion, à haute température et le tokamak qu'entre les moteurs à explosion et les machines à vapeur.

Ainsi, par comparaison, ITER est la machine à vapeur des temps moderne

Pour mieux comprendre ces types de machine il est nécessaire de se familiariser avec les forces électromagnétiques qui sont à l'oeuvre dans des conducteurs électriques, puis dans des décharges.

Prenons un solénoïde "souple", une simple boucle dans laquelle nous faisons circuler un courant. Cette spire va engendrer un champ qui va agir sur le fil parcouru par le courant électrique à travers la Force de Laplace I x B

 

Dilatation d'une spire sous l'effet de son propre champ magnétique

 

C'est typiquement l'expérience que vous avez pu voir au Lycée ou au Palais de la Découverte.

Si le courant est assez intense ceci peut entraîner l'éclatement du conducteur électrique. Dans mon laboratoire des années soixante on créait des champs magnétiques de 2 teslas ( 20.000 Gauss ) à l'aide de courants de 50.000 ampères, délivrés par une batterie de condensateurs. Les bobinages étaient en feuillard de cuivre. Si ceux-ci n'étaient pas solidement bridés ( tenus par une envelope de fibre de verre collée à l'araldite ) ces solénoïdes éclataient immédiatement en jonchant le labo de débris.

Prenons maintenant une décharge électrique. Vous avez tous déjà vu la manip consistant à faire éclater une décharge électrique entre deux tiges métalliques. Celle-ci "monte" et finit par se briser.

On retrouve le schéma de la spire de tout à l'heure, à la différence près que le courant circule dans des conducteurs métalliques et dans un type de gaz ionisé, un plasma. Mais le principe est le même. Cette "spire" tend à se dilater.

Au delà du gadget on déboucher sur le concept de canon à plasma ( plasma rail gun ). Si les intensités injectées sont assez importantes on pourra créer un plasma qu, soumis à une force de Laplace importante entraînera un mouvement gazeux massif. Cette masse de gaz ionisé peut alors se transformer en projectile. La vitesse atteinte peut être supersonique et l'éjection de cet arc de plasma s'accompagner d'une onde de choc.

 

Canon à plasma ( rail gun )

 

La physique des plasma peut se prêter à toutes les géométries possibles et imaginables et, au sein de tels dispositifs des tas de phénomènes peuvent se produire, plus ou moins bien connus et maîtrisés, du reste. Tout à l'heure nous avions envisagé une spire unique. Mais nous pouvons aussi bien imaginer un ensemble de spires agencées selon un tore : un montage du style tokamak. On imaginera aisément que si on disposait des spires de fil électrique sur une envelope souple, comparable à une chambre à air, constitué par un tissu isolant, le passage du courant "gonflerait" celle-ci. Là encore, le passage d'un courant trop intense pourrait entraîner l'éclatement. Les sytèmes de magnétisation de tokamak sont ainsi soumis à des contraintes mécaniques et doivent être solidement bridés.

Système de solénoïdes d'un tokamak ( schématique ). Force d'éclatement.

Tout se passe comme si cet ensemble de conducteurs était soumis à une "pression magnétique" dont la valeur est :

B2/2mo

et où, en MKSA :

mo= 4 p 10-7

Comme dans le "plasma rail gun" on peut imaginer que dans cette géométrie torique de la nappe de courant une partie soit "libre d'entrer en expansion". On obtiendrait par exemple le schéma de l'ionisateur pariétal ( en forme de piège à loup )

 

Ionisateur pariétal

 

Celui-ci crée une sorte "d'ombrelle de plasma" qui tend à être éjectée loin de la paroi".

Nous allons maintenant arriver au schéma de la machine " FOCUS " dont le concept de base remonte aux années cinquante ( de même, pratiquement, que tous les concepts de base de la MHD. Ca ça n'est rien d'autre que de la MHD : vous savez, cette discipline qu'on a abandonné en France à la fin des années cinquante "parce que ça ne marchait pas" et pour laquelle nous avons aujourd'hui, vis-à-vis des Américains et des Russes trentes bonnes années de retard ).

FOCUS ressemblerait à une sorte de canon à plasma "enroulé selon un axe". On a une anode centrale, entourée par une cathode. Voilà l'image telle qu'elle apparaît dans Wikipedia.

La machine Focus

 

Voici la machine, vue en perspective, avec expulsions de " l'ombrelle de courant " :

 

La Machine Focus, avec expulsion de " l'ombrelle " de plasma

 

Quand cette ombrelle de plasma se trouve expulsée hors du cylindre, il se forme un cordon de plasma qui la retient un bref instant à l'anode :

 

Focus : formation du cordon de plasma

 

C'est là qu'il faut faire intervenir un second effet : le pincement d'un cordon de plasma, toujours sous l'effet de son propre champ magnétique ). Le schéma ci-après parle par lui-même.

 

Effet de pincement dans un cordon de plasma

 

La machine FOCUS combine donc les deux effets. Sous l'effet de son propre champ magnétique "l'ombrelle de plasma" est donc soufflée. Puis, au moment où elle tend à se détacher des électrodes, ce qui se finit par se prduire, il se forme un cordon de plasma où sévit un violent effet de pincement. On ne sait pas très bien ce qui se passe à l'intérieur de celui-ci. Toujours est-il que cette compression engendre des températures importantes. Certains pensent que dans ce cordon naissent des instabilités de géométrie assez complexe, le courant ayant alors tendance à donner naissance à des sortes de fibres, de courants enroulées, au sein desquelles se produiraient de nouveaux effets de pincement, accentuant la montée en température. In fine des "points chauds" apparaîtraient dans cette colonne de plasma.

 

 

Géométrie ( supposée ) du courant

 

Les instabilités MHD on "mauvaise réputation". Elles sont freiné pendant des décennies pendant longtemps le développement des tokamaks. Elles ont effondré à la fin des années soixante l'effort de MHD industrielle en "bitempérature" du fait de l'instabilité de Vélikhov ( il paraît que je suis connu pratiquement de tous les spécialistes de MHD russes à cause de mes travaux sur la question, et en particulier à cause des deux manips où, à l'aide de deux méthodes différentes j'ai réussi, en 1965 et en 1982 à annihiler cette instabilité ). Ces instabilités sont des phénomènes très non-linéaires, capricieux. Une instabilité n'est "ni bonne ni mauvaise". Dans le cas de la machine Focus ces instabilités sont mises à profit pour obtenir, localement, de très fortes excursions en température.

 

Quels sont les résultats ?

Ces machines de type Focus sont incroyablement rustiques et simples. Mais que donnent-elles ? Voici d'abord des images de cette décharge, prises avec une caméra ultra-rapide, montrant cet effet d'éjection de la corolle de plasma, accompagné d'un pincement :

 

Le film des évènements est à lire de bas en haut

 

Ci-après la machine Focus construite par Fillipov ( aujourd'hui décédé ) dans les années soixante à l'Institut Kurtchatov des Hautes Températures de Moscou :

 

Fillipov devant sa machine Focus, à l'Institut Kurtchatov des Hautes Températures de Moscou

 

On peut envisager des machines Focus de tailles diverses, les paramètres de similitides étant relativement bien maîtrisés ( voir l'article dans Wikipedia ). La machine ci-dessus correpond à une centaine de kilo-ampères avec un temps de montée de trois microsecondes. L'anode fait 16 cm de long sur un de diamètre. De telles machines sont actuellement étudiées dans 8 pays. Certaines équipes prétendent avoir obtenu des résultats qui permettraient d'envisager la faisabilité de l'extraction d'énergie à partir d'une réaction de fusion non-polluante Bore 11 Hydrogène 1 donnant 4 noyaux d'hélium et 8,7 Mev d'énergie. La réaction Li6 plus D2(deutérium ) donne quant à elle 22,4 Mev.

On trouvera ceci dans :

http://www.focusfusion.org/research/billion.html

La machine Focus américaine possède une anode creuse, ce qui représente une variante du montage général.

 

Machine Focus américaine, à anode creuse

 

Ce montage permet à l'anode de servir d'écran ax réyons X qu'elle émet lors queles électrons de la décharge la frappent. Ce ne sont pas ces X-là que les chercheurs veulent mesurer, mais ceux qui sont directement émis par le plasma et permettraient de connaître sa température.

Pour fixer l'échelle le montage fait un pied de long.

Bien que le concept soit né en 1958 on fixe l'acte de naissance des machines Focus en 1964 où elles furent imaginées simultanément aux USA par Mather et en Russie par Fillipov. A la fin des années soixant et au début des années soixante-dix Winston Bostick et Victorio Nardi, du Stevens Institute of Technology, Hoboken, New Jersey ont développé un modèle théorique selon lequel les montées en température se produiraient dans des "points chauds" ou "plasmoïdes", liés à d'énormes valeurs locales du champ magnétique. Cette théorie a ses détracteurs. Certains pensent au contraire que l'énergie est plus diffuse au sein du plasma. En 1986 Eric Lerner a proposé une théorie quantitative des DPS ( Dense Plasma Focus ), toujours basée sur ce convept de "points chauds". Ces recherches marquèrent le pas jusqu'au début des années quatre vingt dix par manque de financement.

En 1994 des recherches expérimentales furent reprises sur de petits montages dans l'université de l'Illinois. En 2001 des expériences menées à l'université A & M du Texas ont été effectuées par Lerner. Celui-ci en rend compte dans l'article :

http://arxiv.org/ftp/physics/papers/0205/0205026.pdf

Ces travaux son également évoqués dans :

http://www.focusfusion.org/research/billion.html

Lerner interprête ses mesures en disant que le flux de rayons X qu'il mesure provient du plasma de la décharge et non de l'impact des électron sur l'électrode. Il explique comment il s'est efforcé de masquer cette seconde émission par un écran de plomb de 5 cm d'épaisseur. Peut-être. Auquel cas la température atteinte serait effectivement de plus d'un milliard de degrés. Affaire à suivre. En règle générale les équipes travailllant sur des manips de type focus restent handicapées par des manques de financement et donc de moyens de diagnostic valables et précis.

 

Ce résultat est sans doute moins fiable que celui de Sandia ( Z-machine ) mais il nous paru intéressant de mentionner cette autre approche.

 


17 février 2008 : Une précision sur les réactions parasites liée à la formule B11 + H1

Le Bore a 5 charges électrique, l'hydrogène une. Le carbone 6 et l'azote 7.

Le refroidissement radiatif du plasma se fait par rayonnement de freinage. La puissance émise varie comme le carré de la charge électrique. La puissance émise en rayons X par un électron spiralant autour d'un atome de Bore est donc 25 fois plus élevée que celle perdue en spiralant autour d'un atome d'hydogène ( léger ou lourd, c'est la charge qui compte )

 

B11 + H1 donne C11 + n + 2,8 Mev

Durée de vie du carbone C11 : 20 minutes. On peut ouvrir sans danger la chambre 10 heures après arrêt de fonctionnement

B11 + He4 donne N11 + n + 157 keV

Protection : 20 cm de B10 ou 1 mètres d'eau.

Radioactivité induite dans l'électrode en bérylium : 5 microcuries par an ( données : condérence de Lerner )

Selon Lerner, dans cette fusion impulsionnelle on utilise les instabilités MHD. Sa description des mécanismes est la suivante. La décharge électrique " en parapluie " tend d'abord à donner des condensations de plasma comparables " aux baleines de ce même parapluie ". Puis ces filaments s'enroulent selon l'axe pour donner un cordon de plasma. Celui-ci, par instabilité de Kink se configure ""comme un cordon de téléphone spiralé". Puis dans cette même structure se forment des "plasmoïdes autoconfinés" des points chauds d'un volme infime, inférieur au micron cube. Dans ces plasmoïdes le champ magnétique a la topologie torique. Nouveau pincement selon l'axe de ce plasmoïde-goutelette. Et c'est alors, dixit Lerner, que les réactions de fusion se produisent.

 

Conférence de Lerner sur la machine Focus :

http://video.google.com/videoplay?docid=-1518007279479871760&q=Google+tech+talks+lerner&pr=goog-sl

 

Voir aussi la page http://en.wikipedia.org/wiki/Aneutronic_fusion de Wikipedia anglophne, qui devrait être traduite en français. Ca en éclairerait plus d'un

 


 

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