Mes commentaires après ma conférence
du 10 juin à Supaéro

16 juin 2003



- Allô, monsieur Petit ?
- Oui, c'est lui-même.
- Nous sommes des étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique. Nous sommes intéressés par la MHD. Accepteriez-vous de venir donner une conférence dans nos murs, à Toulouse ?

Cette demande des étudiants est légitime mais la situation actuelle n'est guère agréable pour moi. J'entends ici et là que la MHD, parfois rebaptisée "Electro-aérodynamique" redémarre en France. La revue Air et Cosmos a fait état de différentes actions, à la fois au sein du CNRS et dans le milieu Aéronautique français (ONERA, Office National de l'Aéronautique, sis comme Supaéro, à Toulouse). Tout ce remue-ménage me fait mal quand je pense que j'ai abandonné cette discipline en 1987 face au blocage des pouvoirs publics. Mes travaux, après avoir f'ai l'objet de plusieurs tentatives successives (et infructueuses) de pillage, sont aujourd'hui superbement ignorés. Mais les étudiants ne sont nullement responsables de cet état de fait et j'ai donc décidé de répondre à leur invitation. Je leur ai toutefois fait savoir que je n'accepterais de donner une telle conférence qu' à la condition expresse d'y être officiellement invité par la Direction de l'école. Les étudiants enregistrent donc ma requête et la répercutent. La lettre est finalement envoyée le 27 mais et la conférence aura donc lieu le mardi 10 mai à 20 h 30.

Les étudiants me demandent si je ne pourrais pas venir à 19 h 30 pour pouvoir participer à un dîner où seraient présents M. Bonnet et, peut être, d'autres responsables de l'école. J'arrive donc à l'école avec mon ami Jean-Pierre Ledoux, chef d'entreprise, curieux de l'événement. A 19 heures nous rejoignons les étudiants dans une salle attenant au restaurant des élèves. Panneau "Conférence de Mr. J.P.Petit". A 19 h 30 pas l'ombre d'un dirigeant de l'école, pas de professeurs non plus ! Les étudiants ne comprennent pas. Monsieur Bonnet leur enseignant, qui leur avait promis d'être là à 19 h 30 n'arrive pas, ne les appelle pas (il leur confiera par la suite qu'il avait tout simplement oublié ce rendez-vous).

Le temps passe. La gêne s'installe. Un étudiant va chercher un tire-bouchon et débouche une des bouteilles de rouge sur la table. Vingt heures : toujours personne.

Nous décidons d'avaler le dîner rapidement et de nous rendre dans la salle de conférence. Les étudiants arrivent, massivement. L'amphi est pratiquement plein à l'exception des premiers rangs traditionnellement occupés par le corps enseignant et l'Administration. Selon les étudiants une telle affluence, à leurs yeux exceptionnelle, témoigne d'un intérêt très marqué. A vingt et une heure quinze je me dis qu'on peut difficilement faire attendre les présents plus longtemps. Plus de deux cent personnes sont rassemblés (et resteront jusqu'à 23 h 30). Mais aucun enseignant ou responsable de l'école n'est là pour me présenter. Je décide donc de demander à un des étudiants de le faire.

Cette conférence est intéressante car les auditeurs connaissent la mécanique des fluides. J'évoque l'histoire de la MHD en France, la question générale du vol hypersonique, je parle d'Aurora et du B2 pendant une bonne heure et demie et je laisse ensuite place aux questions. Les étudiants, d'après Ledoux qui a eu tout loisir d'observer la salle, se tournent alors vers leur enseignant en mécanique des fluides, M. Bonnet arrivé après le début de la conférence et ayant pris place sur le dernier banc de l'amphi. On lui passe un micro :

- Ce qu'a dit Jean-Pierre Petit est, dans les grandes lignes, tout à fait vrai, à quelques inexactitudes près. Le système du bord de fuite du B2 ne génère pas des "turbulences".

Je réponds.

- Le mot turbulence est effectivement impropre. C'est plutôt vortex qui convient. En effet la découpe en zigzag du B2 produit ce phénomène empêchant les décollements de bouts d'ailes de migrer vers le nez de l'engin.

Bonnet acquiesce. Il pose alors une nouvelle question :

- A-t-on une idée du générateur qui devrait être installé à bord de ces machines pour créer ces très fortes valeurs des paramètres électromagnétiques ?

Cette interrogation traduit un retard qui lui a fait manquer le début de mon exposé et montre au passage qu'il n'a pas lu mon livre. Je réponds.

- Le premier volet concerne la création de champs magnétiques dépassant la dizaine de teslas, en supraconduction. Les intensités atteintes actuellement nous sont inconnues. Ces valeurs relèvent du secret défense. Rappelons qu'une installation civile, équipée de supraconducteurs fonctionnant en cryogénie et atteignant quatre teslas était opérationnelle en Allemagne à la fin des années soixante. A ma connaissance les Américains ont pu mettre en oeuvre des dispositifs à supraconduction fonctionnant à haute température; le problème du poids ne se pose donc plus. Il y a déjà quelques années deux chercheurs obtinrent le prix Nobel pour des travaux qui les avaient conduits à fabriquer des éléments supraconducteurs à base de céramiques fonctionnant non dans de l'hélium liquide mais dans de l'azote liquide, ce qui représentait déjà un fantastique gain en matière. Ceci étant, les progrès en matière de supraconduction représentent sans doute le sujet le plus sensible qui soit sur le plan militaire, où les américains règnent en maîtres absolus depuis un demi-siècle. Ce domaine fait l'objet d'une puissante rétention technologique, voire d'une politique de désinformation. Certaines avancées majeures ont été opérées aux USA . Elles sont certainement dignes d'un prix Nobel mais les Autorités politiques ont choisi de les rendre inaccessibles, couvertes par le secret défense le plus épais. Cela me rappelle qu'il firent de même quand ils cachèrent au reste du monde l'exploit réalisé par Chuck Yeager sur le Bell X1, à savoir le premier franchissement du mur du son, jusqu'à ce que d'autres pays le découvrent à leur tour. Pour en revenir à la MHD, des signes existent qui montrent que les américains dominent la question de la supraconduction à haute température. Un de mes amis ingénieur, responsable de l'instrumentation dans un très gros laboratoire européen vers lequel convergent des chercheurs de toutes nationalités pour utiliser les possibilités offertes par des installations et des moyens d'analyse très particuliers m'a rapporté une « anecdote ». Un jour une équipe américaine est venue faire quelques expériences mettant en jeu des champs magnétiques élevés. Mon ami leur a demandé quelle consommation d'hélium ou d'azote liquide il faudrait prévoir pour cette campagne d'expériences. Les chercheurs américains ont répondu qu'il ne serait pas nécessaire de leur en fournir. Ils restèrent très discrets sur les expériences menées en utilisant simplement la "source" mise à leur disposition par ce laboratoire de pointe. Cependant un fait curieux m'a permis de réaliser l'intensité des champs qu'ils ont mis en ouvre Ils durent défoncer le sol en béton armé pour éliminer les tiges de fer qui se trouvaient juste sous sa surface. Cela a été constaté après leur départ. Selon les échos recueillis la manip américaine, positionnée à un mètre au dessus du sol, interagissait si fortement avec ces barres que cela entraînait des déformations inacceptables dans sa structure. Les américains auraient pour cacher totalement le fait qu'ils disposent de supraconducteurs fonctionnant à la température ordinaire, voire au dessus, auraient dû passer commande d'un certain volume quotidien d'hélium ou d'azote liquide en laissant simplement tout cela s'évaporer à coté de la manip dont ils s'occupaient. Voilà comment un incident, à l'instar des corbeilles à papiers négligées, peut trahir des travaux top secret.
Comme je l'ai indiqué au début de ma conférence les engins hypersoniques ne possèdent à bord aucun générateur de puissance électrique indépendant alors qu'il faut mettre en oeuvre une puissance de plusieurs mégawatts pour négocier la recompression du flux d'air incident, déboulant à dix mille kilomètres à l'heure sur le nez de l'appareil qui va de pair avec son ralentissement jusqu'en régime subsonique, sans création d'ondes de choc. Je rappelle qu'un "ralentisseur MHD" est simplement un générateur de puissance électrique. En effet si V X B est le champ inducteur et si J = s ( V XB ) correspond à la loi d'Ohm où s est un tenseur et non un scalaire la force de Laplace J XB ralentit le gaz, puisqu'un générateur ne fait rien d'autre que de convertir de l'énergie cinétique en électricité. Ainsi les engins hypersoniques déjà opérationnels, et je pense qu'ils le sont aux USA depuis plus de dix ans, n'ont pas de générateur électrique puisque celui-ci est l'air lui-même. C'est un concept qui n'est pas encore perçu par les avionneurs français. On ne saurait s'en moquer. Je suis passé moi-même à côté de cette idée pendant vingt ans sans réaliser un accélérateur MHD pariétal pouvait fonctionner (les machines électriques jouissant de certaines propriétés de réversibilité) en générateur MHD pariétal. J'ai pris conscience de cet aspect à Brighton lors du colloque mentionné dans mon ouvrage. Cela débouche, et je me suis largement étendu sur ce point sur cette idée de "MHD by-pass", de "pontage MHD", que nous avions découvert en 85 avec Lebrun en réalisant que, sujet de sa thèse de doctorat, pour annihiler les ondes de choc au voisinage d'un profil lenticulaire il fallait accélérer le gaz au niveau des bords d'attaque et bord de fuite, tout en le ralentissant dans la partie médiane, là où tend à s'établir un "éventail de détente" qui coucherait les ondes de Mach.

Les étudiants posent d'autres questions. Certains, qui avaient pris contact avec moi par e-mail, sortent d'une mallette une incroyable maquette de "mini-drone" à propulsion électrique. Il y a déjà dans mon site un dossier consacré à une réalisation américaine de ce type. Mais l'engin US, sponsorisé par les militaires, n'est pas pilotable manuellement. Dès son lancement à l'aide d'une catapulte (comme le drone des étudiants de Supaéro) il immédiatement pris en charge par un système informatique embarqué d'assistance au pilotage.

Comme on peut le voir sur le dessin le micro-drone US, le "Black-Widow" (15 cm d'envergure) a un seul élevon pour le tangage, lacet et roulis étant gérés par une des dérives inférieures. Il se pilote donc à l'aide de deux commandes.

Trois étudiants français :

Stephan Aubin : Supaéro 3° année (promo 2004)

Nicolas Quendez DEA mécanique des fluides à Supaéro

Matthieu Scherrer : Supaéro 2° année (promo 2005)

 

 

ne disposant que "de ce qui se trouve dans le commerce" ont dû essayer une douzaine de formes jusqu'à ce qu'il obtiennent un engin volant qui soit pilotable manuellement. Vous trouverez les détails concernant leur machine "Kiool" dans le site :

http://perso.wanadoo.fr/scherrer/matthieu/autresmodeles/kiool.html

 

Ce qui est extraordinaire c'est que cet engin minuscule arrive même à voler ... seul quelques secondes, le pilote lâchant les leviers de sa télécommande. En voici un croquis, effectué de mémoire, l'éngin étant présenté de 3/4 arrière. Envergure : 19,5 cm. Poids 56 grammes. Autonomie de vol supérieure à 10 minutes. Caméra vidéo embarquée. Avec ce modèle ils ont remporté le trophée Microdrones 2002. Le pilotage s'effectue apparemment à l'aide de deux élevons dont on aperçoit les tringles de commande.

Et ces étudiants d'ajouter :

- Nous aimerions pouvoir disposer d'un tel système de contrôle de pilotage.

Voici quelques photos extraites de leur site :

   

 

A gauche les trois "fous furieux". Au milieu un engin au catapultage. A droite le premier "Kiool" de 25 cm d'envergure et sa télécommande.

Cette photo est intitulée "paire de Kiools". A gauche la vue de dessus et à droite la vue de dessous.

Cette réalisation est en tous points remarquable au plan des qualités de vol. Concevoir un tel engin, qui soit pilotable manuellement n'est pas un problème simple. Cela requiert de l'imagination, des connaissances et ... du talent. On aurait pu croire que "les gens en place" se seraient intéressés à cet engin, et au premier chef les militaires (le drone est à classer dans la section des technologies sensibles). Ces jeunes ont effectué un dépôt de modèle à l'INPI. En effet, produits en nombre suffisant ces machines pourraient voir leur coût chûter sensiblement. Ajoutez que tous les composants se trouvent dans le commerce. Le plus important était de concevoir une machine dotée de solides qualités de vol. Tout le reste existe : accus, moteur, actionneurs, mini-caméra. Regardez le "Black Widow" américain avec sa charge utile de 25 grammes. Ce sont des engins de guerre et, le cas échéant des jouets qui pourront être utilisés par ... des terroristes. Je ne pense pas que cela ait été la motivation de ces trois étudiants mais si j'avais été "un militaire de haut rang" au lieu de demander à ce que la marguerite soit camouflée j'aurais dit :

- Donnez un prix substantiel à ces garçons. Achetez-leur leur modèle à prix d'or. Le cas échéant, engagez-les dans un labo-drones avec de bons salaires, à leurs sorties d'école en leur faisant signer des accords de confidentialité. En attendant, faites-les travailler avec un contrat de pré-embauche tant qu'ils sont encore étudiants. Débrouillez-vous pour mettre la main sur ces gamins, ils valent de l'or. Mais, de grâce, collez en vitesse sur ce foutu engin une étiquette "secret défense" pour qu'il n'atterrisse pas un jour entre les mains de groupe terroristes.

En complément, l'extrait d'un mail d'un des trois concepteurs de la machine :

Maintenant qu'une utilisation commerciale est vaguement empeché par un dépot a l'inpi, nous allons publier le plan dans les revues modélistes. On espère qu'il y aura bientot plein de petits MinusKiools en vol partout entre les mains des modélistes !

Mais revenons au thème de ma conférence.

On m'a dit que Bonnet qui, arrivé en retard et ayant pris place au dernier banc de l'amphi était descendu me voir mais que, voyant que j'étais occupé avec les concepteurs de ce drone était finalement parti.
L'un des étudiants me demande si j'ai saisi le CNRS de toutes ces questions. Je lui réponds qu'en vingt ans, étant moi-même de cette maison, j'ai tout tenté pour que des recherches soient initiées dans ce cadre, absolument tout, en vain. Je n'avais pas prévu d'évoquer ces périodes sombres de ma carrière mais puisque les questions s'y réfèrent, je réponds avec sobriété. J'évoque le gâchis du "projet Rouen", la façon dont l'armée s'y est prise pour étouffer ces recherches dans l'oeuf en tentant en parallèle, en vain, de les implanter dans ses propres laboratoires (voir la confidence de Bradu, ingénieur militaire à la DRET, recherche militaire, faite à Claude Thénard, maître de conférences au CORIA de Rouen, responsable en titre de la manip MHD, dans mon livre "Enquête sur les OVNI", chapitre 6). Vers vingt trois heures trente je décide de lever la séance. Un des étudiants propose que nous allions continuer cette conversation dans la cafétéria de l'école, qu'il fait ouvrir. Nous nous y retrouvons donc en plus petit comité. Les remarques et questions des uns et des autres continuent à fuser :

- Pourquoi l'armée ne s'est-elle jamais intéressée à vos recherche ? Normalement, cela aurait du être le cas, non ?

A mon retour chez moi j'apprendrai des des représentants de l'ONERA (Office National d'Etudes et de recherches Aéronautiques) ont assisté à mon exposé, mais sans se manifester. L'un des étudiants déclare :

- Il y a une telle inertie dans cette école que je pense que d'ici ma sortie de l'école aucun enseignement de MHD n'aura été organisé à Supaéro où on puisse nous donner une formation concernant un domaine de connaissance qui, nous l'avons bien compris, jouera un rôle déterminant dans l'aéronautique et les techniques spatiales de demain et où selon vis dires nous aurions un quart de siècle de retard sur les Américains.

Je me sens gagné par la lassitude bien que l'intérêt bien que les étudiants aient semblé fort intéressés par mon exposé. Mon ami Ledoux avoue sa perplexité devant l'accueil réservé par la direction de l'école.

A mon retour je reçois des mails de quelques étudiants. Il semble qu'ils aient été sensibilisés par cette conférence et regrettent qu'il n'y ait pas eu plus d'enseignants ou de responsables à y assister. Mais il semble que la MHD française, que cela soit au plan civil comme au plan militaire soit appelée à végéter pendant encore pas mal de temps encore. Les gens conscients de l'amplitude du retard, ils existent, n'ont pas les moyens de faire face à cette situation. Les lacunes sont en fait bien plus importantes qu'on pourrait les imaginer : les connaissances fondamentales en MHD ont tout simplement disparu. Seuls quelques sanctuaires américains, russes et peut-être chinois en sont pourvus. Les Américains ont soigneusement veillé à ce que ce savoir sensible disparaisse des bibliothèques. Il n'existe par exemple rien d'exploitable à Toulouse au CEDOCAR (Centre de Documentation Aéronautique), centre français de documentation en matière d'aéronautique. Tout ce qui concerne les avions et le spatial a été regroupé dans cette région du sud-ouest du pays (les bâtiments du Cnes sont à quelques centaines de mètres de Supaéro, qui voisine avec l'ONERA, le CERT, etc). Aucun enseignant français n'est en mesure de mettre sur pied un cours digne de ce nom. Pour la recherche c'est encore pire. Si les français envisageaient de bâtir un programme en vue de maîtriser les techniques du vol hypersonique et de l'injection MHD de véhicules sur orbite et de leur récupération sans bouclier thermique, ils se jetteraient tête baissée dans des chausse-trappes dont ils ignorent l'existence, liées à la manipulation des plasmas bitempératures en régime d'effet Hall fort. L'échec me semble absolument assuré. Au milieu des années soixante cinq mille chercheurs et techniciens travaillaient dans le monde sur des projets de générateurs MHD civils. Tous terminèrent à la fin de la décennie sur un constat d'échec. Leurs installations furent démantelées les unes après les autres et les équipes dispersées. En France, au CEA, Ricateau et Zetwoog avaient construit le coûteux générateur Typhée qui finit sous les pioches des démolisseurs avant même d'avoir fonctionné. L'EDF, dans son centre des Renardières avait monté une "boucle ouverte" en vraie grandeur. Il y avait des labos à la CGE (Compagnie Général d'Electricité), à l'Institut français du pétrole. Le seul laboratoire au monde où un générateur bitempérature a fonctionné en cette fin des années soixante fut ... le mien. Ces résultats furent présentés en 1967 au 7° congrès international de MHD de Varsovie à travers une communication dont j'étais l'auteur. Ces travaux ne furent pas compris des français à l'époque. Ils furent par contre parfaitement assimilés par les soviétiques et on peut dire qu'à cette époque les français se situèrent dans le peloton de tête au plan international, pendant quelques mois, dans le domaine de la MHD. Récupérés des années plus tard par un étudiant de l'Institut de Mécanique des Fluides de Marseille, Jean-Paul Caressa, ils lui valurent à un prix scientifique, le prix Worthington, tremplin efficace pour un belle carrière d'administratif au CNRS (Caressa, longtemps Directeur Régional du CNRS pour la région PACA est actuellement Délégué Régional de la région Ile-de-France Sud).

Il reste des aspects que je n'ai abordés ni dans ma conférence ni dans mon ouvrage et que je qualifierais de secrets sans lesquels il est simplement impossible de mettre en oeuvre un engin MHD hypersonique. Ceux qui voudront se lancer dans de tels projets se jetteront, sans le savoir, dans des problèmes comparables à ceux qui entraînèrent l'enlisement complet de cinq mille chercheurs du secteur civil à la fin des années soixante, comme évoqué plus haut. Ils se sont heurtés à ce que Ricateau a appelé dans son discours de Varsovie en 1967 "le mur des instabilités".

Ces questions furent au coeur des conversations que j'ai eues avec les spécialistes américains à Brighton. Ces secrets, je les garderai pour moi. Il est hors de question que j'en fasse profiter la soldatesque française, principale cliente d'un projet d'hypersonique français, voire européen. Elle est coupable du sabotage complet de ma carrière scientifique pendant un quart de siècle : je n'ai pas eu un seul centime des crédits du CNRS ces dix dernières années!

La MHD française, conduite par des gens dénués de toute compétence ne décollera pas. Les recherches, qu'elles soient menées dans un cadre civil ou militaire, au grand jour ou couvertes par le secret défense, s'enliseront dans des sables mouvants redoutables insoupçonnés des gestionnaires de tels projets. "L'intendance suivra", disait de Gaulle quand il évoquait une quelconque entreprise. Mais en matière de MHD, même quand on affecte à des projets une armada d'ingénieurs militaires polytechniciens "l'intendance ne suit pas". Pourquoi ? Parce que la MHD n'est pas qu'une science, c'est un art. C'est un univers qui demande, outre de nombreuses connaissances scientifiques, une imagination et une créativité exceptionnelles. Il est infiniment plus difficile de concevoir un Aurora que de dessiner un Airbus ou une "Ariane VI". Les avionneurs français ne vont pas tarder à le réaliser.

Les Américains sont capables de pallier les inconvénients de leurs erreurs. Ce fut le cas en matière de technologie spatiale lorsqu'ils découvrirent avec effarement l'existence de la fusée géante russe Semiorka, conçue par le génial Korolev, laquelle continue d'ailleurs, inlassablement à mettre ses charges sur orbite depuis près d'un demi-siècle ! Le géant américain appuya sur l'accélérateur et dix ans plus tard fut le premier à poser le pied sur la Lune. En France nous sommes incapables d'un tel sursaut. Derrière ce "plan MHD français" se trouvent les mêmes imbéciles qui nous ont fait prendre vingt cinq années de retard dans ce domaine (l'un d'eux a même un bureau à l'Elysée !). Ceux qui s'étonnent d'une telle situation n'ont qu'à lire les propos de notre actuel ministre de la recherche et de la technologie, Claudie Haigneré, reproduits dans l'ouvrage de Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale ("Lettre ouverte à tous ceux qui aiment l'école"), pages 157 à 175.

C
omment mesurer la qualité de la réaction française face à la nécessité de développer une activité en MHD dans les années à venir ? Il suffira de voir si un enseignement a été mis en place dans cette discipline à Supaéro. En effet cette Ecole forme des jeunes susceptibles d'intervenir activement et immédiatement dans l'industrie aéronautique et spatiale, au plus haut niveau. Ce n'est pas une école pour « ingénieurs généralistes » .Les enseignements sont sensés être assurés par des enseignants impliqués dans la conduite de projets de pointe, remis donc constamment à jour. C'est d'ailleurs ce langage que tient la Direction aux nouvelles promotions.

S
i un enseignement de qualité en MHD n'est pas implanté rapidement dans cette l'école (ainsi que dans d'autres grandes écoles et universités) cela signifiera que les français n'ont pas pris la mesure de l'urgence à développer cet ensemble d'activités scientifiques et technologiques délaissées pendant plus de quarante ans.

Le texte de ma conférence de 2 h 40 du 10 juin 2003

Nombre de consultations depuis le 15 juin 2003 :

Retour vers Nouveautés                 Guide             Retour vers la page d'Accueil