Huit jours ailleurs, annexe
mai 2010
Je me suis dit qu'une croisière c'était peut être une solution de vacances pour quelqu'un qui se remet de problèmes de colonne vertébrale. Mais c'était une erreur, à moins de rester cloîtré dans sa cabine. Je ne pouvais pas aller jusqu'à Istamboul sans mettre pied à terre. Alors on marche beaucoup, trop.
Un restaurant à Istamboul. A gauche, la plaque chauffante pour cuire les crêpes
Tout commence par un "petit" bateau où on embarque à Marseille :
Le Coral, de la compagnie Louis, 950 passagers, 300 hommes d'équipage, 145 mètres, 9 ponts.
En fait, il y a beaucoup plus gros. Des " jumbo ships ".
Un des passagers m'a dit qu'il avait fait une croisière cauchemardesque sur un bazar qui emportait 6000 passagers, avec 3000 hommes d'équipage.
- Rien que d'aller de la cabine au restaurant, c'était si compliqué que ça vous enlevait l'envie de déjeuner....
Ici, ce genre de Leviathan, devant l'île de Santorin :
Personnellement, jadis, je préférais des vacances moins encombrées :
Chamonix, photo JPP. Les trois points au premier plan représente une cordée en marche sur le glacier
Ou il y a encore peu d'années :
Égypte : sur le site de Dashour, 2006. En arrière-plan, la pyramide rhomboïdale
Dans une croisière, les passagers vont de briefing en briefing :
Briefing avant l'assaut. Age moyen : entre 60 et 90
Exemple de propos, vis à vis desquels il vaut mieux fermer ses écoutilles :
- Il est fantastique, ce Ben Laden. Depuis près de dix ans, grâce à des mini-attentats du style explosif bon marché dans basket il réussit à maintenir les USA sur pied de guerre, en les contraignant à fournir un effort militaire ruineux, aux fins de les épuiser économiquement.
Rien n'est négligé à bord, y compris pour les activités sportives
Par contre, certaines mesures de sécurité demanderaient à être révisées. Dans les canots de sauvetage des places sont assignées, par marquage, qui ne correspondent peut être plus au gabarit de nombre de passagers et de passagères :
A moins qu'il soit prévu de sacrifier un certain nombre de passagères. Possible...
En règle générale il vaut mieux bénéficier de l'expérience de participants à des croisières précédentes, avant de se lancer tête baissée dans des excursions. Un peu plus loin je consacrerai une série de dessins à l'île de Santorin, un site touristique complètement massacré dans les décennies précédentes. Il y a seulement vingt ans, l'accès au village ne pouvait s'effectuer qu'à pied ou à dos de mule. Aujourd'hui un téléphérique a été construit, chaque rotation pouvait emporter 36 personnes, dans six cabines de six passagers. Le reste a suivi, y compris un .. restaurant chinois.
A droite du téléphérique, le chemin de montée, emprunté par les marcheurs et les mules
( La photo, dans Wikipedia date d'avant la construction du téléférique )
A chaque fois qu'un bateau transportant trois mille passagers jette l'ancre, le transport de ceux-ci sur la crête, en utilisant le téléphérique, nécessiterait dix heures. On a donc aménagé un autre quai, sur la droite, non visible, où des autocars peuvent charger les touristes et les amener, le long d'une route en lacet, jusque dans la rue commerçante, où ils peuvent faire leurs achats. Puis les mêmes autocars les redescendent, porteurs d'objets fabriqués en Chine ou en Thaïlande.
Cette île, jadis escale fantastique, n'existe simplement plus. Santorin, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil. Ce site touristique est devenu méconnaissable (j'y étais venu il y a 30 ans). Pour donner à la visite plus de piquant, ils ont inventé de toute pièce une excursion au " volcan " central, au prix d'une traversée en bateau.
Cette fin de printemps 2010 fut particulièrement inhospitalière au plan climatique :
La promenade est totalement dénuée d'intérêt. Le bateau emmène ensuite ses passagers vers une autre île où est censée se trouver une "source chaude", foutaise complète.
Ces quelques aspects sont très probablement le reflet de l'évolution de l'île de Santorin, durant les décennies précédentes. On rappelle que cet ensemble d'îles marque la caldeira d'un immense volcan, qui détruisit la civilisation minoenne, en Crête, en 1600 avant Jésus-Christ.
Grêce - Crête - Turquie
Suite à la mise en ligne de cette page, des lecteurs Grecs m'ont taxé d'héllénophobie. Je préfèrerais être taxé de crétinophobie. La pulvérisation des sites touristiques n'est pas une spécialité grecque, loin s'en faut. En règle générale, dans certaines régions touristiques d'Italie certains sites ont échappé au massacre. Je citerais l'exemple d'une espèce de Saint Tropez de la côte sorrentine : Amalfi.
La BD qui va suivre ne fait qu'illustrer ce qui se passe dans toutes les régions du monde. Partout, les habitants de ces lieux portent une responsabilité et, plus encore, leurs élus municipaux, tentés par de discrets pots de vin. Il n'y a pas de lieux touristiques qui ne soient assiégés par les hommes d'affaires et promoteurs immobiliers. Je citerais une région que je connais bien : les Calanques qui se situent entre Marseille et Cassis, une de côtes les plus belles du monde, où j'ai pratiqué l'escalade pendant des années, et ou des comités de défense ont réussi jusqu'ici à s'opposer à l'implantation d'une route passant en bord de mer, qui se serait ensuite truffée d'hôtels. Par quel miracle ?
Pourvu que cela dure.
On ne peut évidemment pas soupirer en disant :
- Ah, si vous aviez connu la côte d'Azur au début du siècle !
Tout est une question de degré. Mais l'aménagement du site de Santorin n 'est franchement pas une réussite ...
Le commentaire d'une lectrice Grecque, suite à la mise en ligne de cette bande dessinée
De toute façon, dans le tourisme organisé il faut faire preuve de discernement, de prévoyance et exploiter l'expérience des autres. Istamboul est évidemment une ville fantastique. Il se trouve qu'elle se situe au coeur de différents pays devenus friands de tourisme. L'affluence dans les "lieux phares" est effarante, dix mois de l'année sur douze. Ainsi, des sites comme le palais de Topkapi, à la fois résidence et harem, utilisé par les maîtres des lieux pendant des siècles, est-il l'équivalent turc de notre Tour Eiffel. A déconseiller, sauf si on dispose de temps, ce qui n'est pas le cas lors des courtes escales en croisière (les compagnies doivent payer une redevance aux autorités portuaires, qui croît avec le temps de la présence à quai).
Par contre, tout près, un extraordinaire musée archéologique, sur trois étages, très riche en antiquités Sumériennes et Assyriennes et très bien présenté. On ne s'y écrase guère, ce qui ne gâte rien.
Le musée archéologique d'Istamboul
A part des lieux comme le Louvre, le British Museum ou d'autres musées étrangers, au plan des antiquités assyro-babyloniennes on conseillera un détour pour visiter le musée de Bagdad, le gilet pare-balle étant fourni à l'éntrée.
Dans ce même musée vous pourrez admirez une des merveilles de l'archéologie : le sépulcre dit " d'Alexandre le Grand ", découvert dans une vaste nécropole, à Sidon. Rappelons qu'Alexandre le Grand était Grec, Macédonien pour être précis, et qu'il eut pour précepteur Aristote.
Sarcophage " dit d'Alexandre le Grand ", de facture grecque
Qu'il ait ou non abrité le corps du héros l'objet, intact, est magnifique
Alexandre le Grand, British Museum
A propos de sculpture grecques, je crois que la plus belle qu'il m'ait été donnée de voir est un bronze représenta, le dieu Hermès, dans la villa San Michele, à Capri. Un chef-d'oeuvre à l'état pur. Pour les temples grecs, ne ratez pas ceux de Paestum, au sud de Naples. Intacts pour cause d'insalubrité de la région (malaria) jusqu'à l'époque Mussolinienne.
Un des temples (grecs) de Paestum, au sud de Naples
Dans une croisière, le spectacle est aussi à bord. Le personnel du bord ne ménage pas ses efforts pour entraîner les passagers dans des fêtes endiablées.
Une atmosphère de fête permanente
La compagnie de navigation Louis (au fait, est-ce une compagnie grecque ou l'émanation d'une multinationale des croisières touristiques ? ) offre à ses passagers nombre de solutions qui leur facilitent la vie. Après avoir au préalable réglé le prix de la croisière, ceux-ci peuvent donner au personnel gérant la vie à bord la possibilité, en fin de croisière, de prélever sur leur carte de crédit le montant des consommations et activités non prévues dans le forfait. Ce prélèvement s'effectue en fin de séjour.
Au milieu de la croisière, les passagers trouvent, glissée sous leur porte, la note suivante :
Cette note a été complétée par un entrefilet figurant en bas de la page trois du journal décrivant au quotidien le programme proposé, diffusé l'avant dernier jour du voyage.
Le journal quotidien de quatre pages, distribué aux passagers
La note en bas de la page 3 du journal de l'avant dernier jour de la croisière.
On notera qu'il n'est plus question " de choisir une méthode ou une autre " mais de se voir offrir la possibilité d'ajuster le montant de la somme prélevée !
Le Coral peut accueillir jusqu'à 950 passagers en haute saison. En tenant compte de la présence d'enfants, en période de vacances, on peut évaluer le nombre de cotisations-pourboires à 700 "équivalents adultes", ce qui représente 56.000 euros par croisière. Celles-ci s'enchaînent sans discontinuer, à raison de presque trois tours par mois, ce qui représente 168.000 euros.
En divisant par le nombre total de personnes de l'équipage : 300, on arrive à un chiffre de 560 euros par mois. Si on enlève les cadres du navire, et le personnel technique, on obtient un chiffre qui correspond au salaire versés aux personnels hôtelier, de l'ordre de 400 euros par mois, nets, majoré des charges.
Comme vous pourrez le constater, si on excepte la partie du staff, constituant la capitainerie (grecque) et les cadres du navire, le personnel hôtelier est constitué par des Mauriciens, des Thaïlandais, des Ukrainiens, etc ( 21 nationalités différentes à bord, selon les responsables ).
Si ces pourboires, conséquents, étaient versés à ce personnel hôtelier, cela doublerait leur salaire net. Or l'enquête que nous avons pu mener auprès du personnel hôtelier, confirmée par plusieurs passagers ayant fait la démarche que nous, de leur propre initiative, conduit au résultat suivant. Ceux-ci, embauchés sur des contrats de 3 à 9 mois, travaillant 7 jours sur 7, 11 heures par jour, nous ont déclaré ne percevoir que leur salaire de base de 400 euros mensuels.
Dans quatre vingt dix pour cent des cas, les notes ci-dessus sont passées totalement inaperçues de l'ensemble des passagers, dans leur grande majorité des retraités âgés et relativement à l'aise, qui se sont laissés prélever cette somme sans réagir. Il est évident que ceux-là, considérant que la direction les déchargeait du souci de verser ces pourboires, se sont abstenus de le faire directement.
Dix pour cent, se déclarant choqués par le procédé, ont énergiquement protesté, en disant qu'ils s'estimaient parfaitement capables de distribuer eux-mêmes ces pourboires, de la main à la main, aux personnels qui les avaient servis : service de chambre, restaurant et bar. Ces passagers ne souhaitaient nullement " ajuster le montant de pourboires reversés par la compagnie ", estimant que celle-ci n'avait pas à se mêler d'une affaire qui devait, selon eux, se régler directement entre les passagers et le personnel hôtelier. C'est ce que nous avons fait à hauteur de 20 euros par employé. Ceux-ci étaient à la fois agréablement surpris et ... éperdus de reconnaissance.
Il a fallu batailler pour se faire rembourser ces 160 euros par couple qui avaient déjà été prélevés sur les comptes et qui ne furent restitués que juste avant de débarquement.
Il paraîtrait que ce système "fonctionne " sur de nombreuses unités et dans de nombreuses compagnies, sous toutes les latitudes, y compris par exemple celles en direction de pays nordiques.
Vous en penserez ce que vous voudrez.
La meilleure façon d'imposer dès le départ le fait que ça soit vous qui gériez cette affaire de pourboire, sans que la compagnie y mette son nez, est de refuser cette autorisation de prélèvement sur votre compte, de vous munir de liquide, et de payer cash votre dû en fin de séjour, au moment où vous quittez le bord. Comme dans n'importe quel hôtel .... |
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