Un cas de Censure dans la Presse

26 décembre 2004

Notre ami Mchel Schiff est mort en décembre. J'ai trouvé l'annonce dans le Monde, sous le titre " Michel Schiff, les trois vies d'un chercheur". On le décrit comme un "physicien et psychologue, bien représentatif d'une certaine génération de 'révoltés permanents ". Il était âgé de 71 ans.Enfant, il échappe de justesse aux rafles des Juifs de 1942 et réussit à passer en Suisse. De retour en France Schiff fait des études brillantes qu'il complète par une thèse de physique aux Etats-Unis. Au retour il intègre une équipe de physique au Cnrs. Mais en 1970 il décide d'opter pour la ... psycho. Le Monde mentionne que "seul Stanislas Tomkieweicz, une grande figure de la recherche, mais aussi un marginal, consent à accueillir Schiff dans son équipe". L'étude de Schiff, chapeautée par Tomkiewick paraîtra en 1978 dans la revue Science. Et le monde d'écrire :

" Là commence la troisième vie de Michel Schiff : celle d'un critique sans pitié de notre système éducatif, de la science, telle qu'elle est pratiquée, et plus généralement de notre société. Il fait paraître plusieurs ouvrages corrosif, dont L'intelligence gaspillée (Le Seuil). Chercheur sans concession, interlocuteur acerbe, Michel Schiff aura été sans doute, selon le mot qu'il affectionnait ein Mensh (en Yddish, un homme au plein sorte du terme)".

                                                                                                                                                                     L'article est signé Claire Meljac

On remarquera une chose : le Monde ne mentionne pas un ouvrage important, paru il y a quelques années sous la plume de Michel, Schiff, intitulé

Un cas de Censure dans la Science

consacré au drame vécu par notre ami commun Jacques Benveniste. Il ne s'agit ni d'un hasard, ni d'un oubli. Jacques meurt ainsi deux fois. Personnellement j'ai perdu depuis pas mal d'années toute illusion concernant l'objectivité intellectuelle du journal le Monde L'objectivité intellectuelle et au delà la rationnalité de la rédaction de ce journal. Que de fois n'ai-je entendu "mais, pourquoi n'envoyez-vous pas une lettre au Monde en demandant que celle-ci soit publiée ?". Je n'ai jamais eu de réponse en vingt cinq années.

Le journal Monde n'est plus qu'un mythe, rien d'autre.


Une réaction d'un lecteur en date du 28 décembre.

Bonjour,

Je viens de lire votre texte sur votre site relatif à Michel Schiff et Le Monde. Pour ce qui est de "Un cas de censure", Isabelle Stengers avait publié le texte ci-dessous dans le Monde il y a 10 ans.

                                     Bien à vous                                               Kamil Fadel
                                                                                                     Chef du département Physique
                                                                                                     Palais de la découverte


Le texte d'Isabelle Stengers :

En juillet 1988, alors que venait d'éclater la controverse sur la " mémoire de l'eau ", Pierre Thuillier concluait en ces termes un entretien accordé au Nouvel Observateur (daté 8-14 juillet) : " Il faut attendre. Il serait dangereux de dire aujourd'hui : il faut refuser les expériences de Benveniste... Patience : on le saura. " Toute la confiance que nous sommes portés à avoir dans les sciences réside dans ce " on le saura ". Plus de six ans après, Michel Schiff, chercheur au CNRS, publie " Un cas de censure dans la science ". Alors qu'il avait pris contact avec l'unité de recherche 200 de l'INSERM de Benveniste pour étudier les obstacles à la
communication scientifique, il aboutit à l'étrange conclusion qu'il n'y avait pas eu d'" obstacles " car il eût fallu d'abord qu'il y ait eu, à proprement parler, tentative de communication, véritable controverse. La panique devant l'inconn. C'est à un cas de " refoulement ", de blocage, bref, de censure, qu'il avait affaire. Décision difficile pour un chercheur : " s'engager " dans une cause qu'il était venu étudier. Décision courageuse, à laquelle nous devons un livre sincère et indigné, montrant par le menu comment, lorsque le bon sens du moment juge " impossible " ce qu'une controverse scientifique serait censée mettre à l'épreuve, tous les coups sont permis. Il serait trop long de récapituler toutes les anomalies qui jalonnent l'histoire de la " mémoire de l'eau ", depuis l'extraordinaire démarche du journal Nature envoyant une équipe d'enquêteurs dont la composition signale qu'elle n'envisage qu'une alternative, la fraude ou l'erreur méthodologique, jusqu'au soutien public apporté à Benveniste par des intellectuels tout aussi peu compétents (le Monde du 1 mars 1994). De manière plus générale, alors que les controverses, et surtout celles qui tournent autour d'un candidat au titre de " fait expérimental ", ont pour règle de ne faire intervenir que les seuls laboratoires compétents, tout le monde, dans ce cas, a eu son petit avis, son opinion personnelle quant à la manière de faire disparaître l'anomalie : indice le plus sûr de ce que le " fait " n'était même pas jugé digne de controverse. Les recherches que continue à mener Benveniste ont aujourd'hui à peu près le même statut que celles qui se mènent en parapsychologie. Se donnant pour première priorité de convaincre les sceptiques, elles se heurtent à un jugement automatique : quiconque est tenté de se laisser convaincre est étiqueté comme " dupe " ou " croyant " et par là même disqualifié. Michel Schiff met en cause la panique devant l'inconnu, le conformisme et l'autocensure : il propose un " regard psychologique sur le refoulement scientifique ". Peut-être, ce faisant, contribue-t-il encore à entretenir l'idéal souverain d'une science libre, lucide et audacieuse, où chaque candidat-fait devrait recevoir " a fair hearing ". Peut-être la question à poser à propos des sciences est-elle : comment sont-elles, malgré tout, un tant soit peu innovantes, alors qu'elles trient impitoyablement, et avec un grand conformisme, ce qu'elles jugent dignes d'intérêt, et ce qu'elles ne perdraient certainement pas leur temps à examiner de manière un tant soit peu sérieuse. Reste qu'il n'y a aucune raison de ratifier le choix des voies privilégiées par l'innovation scientifique. Si l'on ne peut mettre en cause le fait que l'institution scientifique doive sélectionner dans la foule indéfinie de " faits " obscurs et fragiles, ceux auxquels seront consacrés temps, effort et moyens financiers, on peut lui reprocher le " coup de pied de l'âne " qu'elle assène à ce qu'elle ne retient pas, la manière dont elle disqualifie en droit ce qu'elle néglige en fait. C'est ainsi qu'elle crée l'impression mensongère d'un développement logique et rationnel, sauvant - il suffit d'attendre et de faire confiance -, tout ce qui est digne d'être sauvé. " Un cas de censure dans la science " est un antidote salubre : les
choix scientifiques sont éminemment discutables, comme tous les autres choix humains.


 

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