Les Lanturlu ont la cote !

29 août 2009

 

Très souvent, des lecteurs me demandent s'il me reste des albums de la collection des Aventures d'Anselme Lanturlu que je puisse leur vendre. La réponse est non. Après avoir perdu 300 exemplaires sous l'effet de l'humidité, à Pertuis, j'ai vendu ce qui restait du stock à bas prix, à un soldeur.

Mais voilà que la cote des albums se met à grimper ! Au moins, de certains d'entre eux. Le Topologicon semble être un des plus recherchés. Il est vrai que ces albums en noir et blanc ne seront plus réédités, avec leur belle couverture cartonnée. Le temps passant, ils deviendront peut être des pièces collection.

J'ai vu qu'un français avait eu la médaille Field et qu'on le représente fréquemment devant une sculpture représentant la surface de Boy. Je crois qu'elle est l'objet vedette d'un institut allemand. Celle que j'avais faite il y a 30 ans était quand même plus jolie. Elle a trôné pendant quelque chose comme 25 ans dans la salle pi du Palais de la découverte de Paris. Puis elle a disparut dans le combles. Je l'ai sauvée de la destruction in extremis. Elle est alors revenue à Pertuis, dans une immense caisse. Elle était beaucoup trop grande pour pouvoir être accrochée au plafond d'une des pièces de la maison. Elle est ainsi resté dans sa caisse plusieurs années, encombrant ma terrasse couverte.

Une année j'avais donné un séminaire au laboratoire de géométrie de la faculté des science de Saint Jérôme, à Marseille, sur la transformation d'une surface de Boy droite en surface de Boy gauche, via la surface romaine de Steiner. J'avais un jour téléphoné à Trotman, directeur du laboratoire, qui ne me connaissait pas. Comme le lui décrivais la transformation, par téléphone, il me dit :

- Tout cela semble intéressant. Pourquoi ne viendriez vous pas nous exposer tout cela en séminaire ?

Et nous primes date.

Au passage, il a ajouta :

- Le séminaire aura lieu à 14 heures. Venez un fin de matinée. Comme cela nous déjeunerons avec les membres du laboratoire et nous ferons connaissance.

J'avais préparé une suite d'une vingtaine de modèles en carton, représentant la version polyédrique de la transformation (j'avoue que ceux-ci ont peu beaucoup plus de succès, un an après, au département de mathématique de l'université de Rome). Mais quand nous arrivâmes au labo, Christophe Tardy, mon ami Elio Flesia et moi-même : personne. Tous les bureaux étaient fermés. Nous restâmes un peu interdits jusqu'à 13 heures, puis nous gagnâmes la caféteria toute proche pour déjeuner tous les trois.

A 14 heures, les mathématiciens arrivèrent, visages fermes, les uns après les autres. Boris Kolev, appartenant à ce laboratoire, s'assit courageusement au dernier rang, pour que personne ne puisse se dire que nous étions liés.

Mais à 14 heures, de directeur : point.

Au bout d'une demi heure je décidais de me présenter moi-même. Trotman finit par arriver, comme un voleur, et disparut de la même façon, dès que le séminaire fut achevé. Entre temps on avait du lui dire qu'il avait invité dans ses murs un individu peu recommandable, un excommunié aux pieds fourchus, sentant le soufre et que sais-je encore....

Ici vous avez une image représentant les membres du labo qui ne s'étaient pas éclipsés entre temps (Trotman était déjà parti )

 

condérence marseille1

 

Je suis en train de montrer ce qui se passe lorsqu'en utilisant les ressources de l'imagerie de synthèse on pénètre à l'intérieur d'une surface romaine de Steiner. Au premier plan, la suite des modèles en carton que j'avais confectionnés pour la circonstance.

Si cette représentation réjouit fort deux chercheurs étrangers, un allemand et un Italien, qui étaient présents (ce qui me valut par la suite une invitation à Rome ) elle indisposa fortement certains français, présents, dont le demi chauve au premier pan, avec son pull à rayures bleues. On ne pouvait pas laisser ces lieux encore empreint de l'impression de cirque donnée par "cette espèce de plaisantin, auteur de bandes dessinées". J'avais, chemin faisant, montré comment on pouvait permuter les deux points cuspidaux d'une cross-cap, en utilisant pour ce faire la transformation permettant à une sphère de se retourner ( voir Pour la Science, janvier 1979 ).

L'ensemble de ces " récréations géométrique "

 

conférences marseille 2

L'homme au pull bleu, à rayures, se grattant la tête pour accroître son chauffage neuronal

 

Le bonhomme, très sûr de lui, bondit au tableau et nous déclare :

- Je ne vois pas pourquoi Jean-Pierre Petit imagine un schéma aussi compliqué pour permuter les deux points cuspidaux d'une cross cap. Il y a beaucoup plus simple.

Il se saisit d'une craie et fait au tableau le dessin ci-après :

 

sphere plus cusps1

 

La cross cap, selon l'homme au pull bleu à rayures blanches

 

La figure représente une sphère, écrasée à l'aide de deux règles. On crée alors deux " points cuspidaux " C1 et C2 joints par une "ligne d'auto-intersection" prenant l'allure d'un simple segment de droite. C'était, selon notre l'homme, l'image la plus simple d'une crosscap, avec ses deux points cuspidaux. Pour les échanger, une rotation de 180° devait largement faire l'affaire.

Quelques instants de silence. Puis, un des chercheurs, dans l'assistance :

- Dis-donc, elle est bilatère, ta crosscap !

Le type blêmit en réalisant sa bourde monumentale, et Tardy, qui n'en perd jamais une pour jeter de l'huile sur le feu, lâche :

- Il y a peut être des cross cap bilatères ?

C'est complètement idiot car l'objet est fondamentalement unilatère. Comme la bouteille de Klein, il n'a ... qu'un côté.

Penaud, l'homme au pull à rayures dit alors

- Mais alors, cette surface, c'est quoi ? .....

- Je vais vous montrer. C'est une bête sphère. Voir les dessins ci après, qui montrent comment on fait apparaître la dite sphère, par confluence des points cuspidaux

 

Sphere plus curps 2

La transformation de l'objet de l'homme au pull à rayures en bête sphère

 

Je venais de me faire un ennemi de plus, vous l'avez deviné. Mais que fallait-il faire ? Rester sans réagir face à un mathématicien géomètre professionnel, qui essayait de me présenter pour un amateur, une sorte de clown qui venait, dans un séminaire de géométrie, de présenter un numéro de cirque ?

Quelques temps plus tard je proposais au laboratoire de leur offrir la surface de Boy que j'avais récupéré au Palais de la Découverte. Ces gens disposaient de vastes cours intérieures, de plus couvertes, qui abritaient déjà un objet mathématique en plastique. La réponse négative me fut transmises par Kolev :

- Le laboratoire ne souhaite pas hériter de cet objet.

Six ans plus tard il me confia que Trotman, son directeur, lui avait dit, après ce séminaire:

- Dans l'intérêt de votre carrière universitaire, vous devriez garde de la distance vis à vis d'individus comme Jean-Pierre Petit.

Il ne compléta pas sa pensée, sinon il aurait ajouté que je me rendais coupable d'exercice illégal des mathématiques.

Tout cela est d'une bêtise et d'une médiocrité insondable. Mais on n'y peut rien. C'est comme ça. En attendant, la cote du Topologicon d'occase monte...

 


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