ANNEXES :

    Un plongement d'une surface dans R3 est une représentation où le plan tangent est continu et où il n'existe aucun ensemble d'auto-intersection. La sphère et le tore peuvent être plongés dans R3.

    Une immersion d'une surface dans R3 possède également un plan tangent continu, mais il y a présence d'un ensemble d'auto-intersection. Exemples : surface de Boy, bouteille de Klein.

    On peut toujours transformer un plongement en immersion. Prenons une sphère et amenons au contact, à l'intérieur, deux points par exemple antipodaux (des "pôles"). Dans cet univers "immatériel" des immersions, le surfaces peuvent s'auto-traverser. Il y a alors création d'une courbe d'auto-intersection (ici, un cercle)

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    Mais l'inverse n'est pas automatiquement possible. Ainsi le plan projectif ne peut être plongé dans R3, il ne peut y être qu'immergé. La forme classique de cette immersion est la surface de Boy, qui possède un ensemble d'auto-intersection en forme d'hélice tripale, avec un point triple (où se croisent trois nappes). Voire figures 29a et 29b. Même chose pour la bouteille de Klein, dont l'auto-intersection minimale est une courbe fermée. Voir le Topologicon, page 46. Les plongements peuvent être considérés comme des cas particuliers d'immersions, où l'ensemble d'auto-intersection est vide. Les représentations où apparaissent des points cuspidaux ne sont pas des immersions, puisque, vis à vis de la continuité du plan tangent, ces points sont singuliers. Appelons ces représentations des cisaillements d'objets dans R3.  Le cisaillement d'une surface dans R3 pourrait se présente comme une immersion "presque partout", c'est à dire avec une continuité du plan tangent, sauf en un nombre fini de points. Mais ça n'est pas une définition assez précise parce qu'il y a des multiples façon d'introduire une discontinuité du plan tangent. Nous reprendrons cette question des discontinuités plus loin.

    Les surfaces, et plus généralement les objets géométrique : point, droite, courbe fermée, "courbe à bord" (segment ou "boule b1"), disque, etc....sont comme les objets d'une langue. Nous avons abondamment joué avec tous ces éléments dans le Topologicon (voir le cd-Lanturlu), "mots", ou "lettres" avec lesquelles on peut faire des mots, puis des phrases, en fonction d'une syntaxe. On appelle des objets des constructions.

    Il y a des transformations qui sont de véritables opérateurs géométriques. Dans l'article nous avons décrit l'opération de création-décréation de points cuspidaux. Détaillons-la.

    Un objet fondamental est ce qu'on pourrait appeler le "gamma-cylindre".

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    Il a une ligne d'auto-intersection, à partir de laquelle, en étranglant le passage tubulaire du haut, nous allons créer deux points cuspidaux.

    On commence l'opération d'étranglement :

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    La section de la surface est toujours un "gamma", mais correspond à un passage qui se rétrécit. Analyser le voisinage d'un point singulier est toujours une chose délicate. Il y a plusieurs dessins possibles, correspondant à plusieurs types de singularités.

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    Le point G correspond à la confluence de deux points cuspidaux. Les anglo-saxons appellent toutes les singularité des "cusps" . Traduction (dictionnaire) : corne, sommet. Mais le sommet d'une corne est un point conique. Larousse : cuspide : pointe acéré et allongée, du latin cuspida : pointe. La singularité issue de la confluence peut prendre d'autres formes, par exemple :

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    La section transverse est la même : ce " V " renversé, mais il ne s'agit ni du même objet, ni de la même singularité. Toujours est-il qu'on peut passer d'une de ce figures à :

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    Où nous avons deux points cuspidaux C1 et C2. La section droite a changé (représentée à droite avec, au dessus de la figure, le plan de coupe).

    C'est la modification "C".

    Détail :

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    J'expliquai à un ami, au téléphone ce qu'était un point cuspidal.

- Imagine que tu sois monté sur un cheval. Soudain, avec tes jambes, tu écrases ce cheval, de manière à amener tes deux jambes-segments au contact. La surface-cheval change. Sa fesse droite se raccorde avec son épaule gauche et sa fesse gauche avec son épaule droite.

- Mais où est le point cuspidal ?

- Tu es assis dessus.

    Le phénomène de changement de raccordement de nappes s'appelle une chirurgie. L'opération décrite ci-après est la constitution d'un point cuspidal à partir d'un cylindre parabolique (le "cheval" de tout à l'heure) :

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    Après "écrasement du cheval" :

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    En haut, le point cuspidal.

    Le point cuspidal obtenu par écrasement d'une surface le long d'un segment et changement de raccord des nappes (une chirurgie) nous permet de comprendre comment on peut transformer une sphère en Cross-Cap (dite aussi en français "sphère à bonnet croisé") en pinçant une sphère avec un fer à friser.

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    Le fer à friser devient ainsi l'outil le plus simple pour transformer une sphère en surface unilatère.         

Ci-après, la Cross-cap :

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    Petite digression : comment "mailler" une cross-cap ? On peut partir d'une de ses représentations polyédriques :

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    D'où nous pouvons déduire le maillage au voisinage d'un point cuspidal :

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    Est-ce à dire qu'un coup de fer à friser transforme automatiquement une surface bilatère en surface unilatère ? Non, voir dessin ci-après :

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    Là, on a pincé une sphère entre deux règles. Cela reste une surface bilatère. Peignez-là, vous verrez. Vous pourrez utiliser deux couleurs (pour la Cross-Cap vous ne pourriez pas le faire, puisqu'elle est unilatère) :

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    Une autre vue :

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    Ainsi configurée, la sphère nous montre la moitié de son extérieur et la moitié de son intérieur. Si vous avez du mal à voir cet objet, en voici une représentation polyédrique :

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    Quand on tombe sur de telles représentations polyédriques, on serait tenté d'appliquer la décomposition en "cellules contractiles" (voir le Topologicon, dans le cd-Lanturlu) pour essayer de calculer la caractéristique d'Euler-Poincaré. Les représentation polyédriques de la sphère (un simple cube), ou du tore, permettent de calculer leur caractéristique. Deux pour la première et zéro pour le sefcond. Dans l'abum, page 47, on y trouvait le plan de montage d'une "Boy-Cube"où des arêtes sont représentées. Au passage on peut monter cela avec des "profils à section carrée Reynolds", en alliage léger, utilisés pour se faire des étagères. On découpe les tubes carrés à la scie, le plus proprement possible, puis on les assemble avec des pièces en plastique. Prévoyez un obet de 80 cm de large. C'est très joli. Page suivante, un découpage pour monter l'objet. Page 47 je m'étais servi de l'objetpour calculer la caractéristique de la Boy : 28 sommets, 43 arêtes, 16 faces:

28 - 43 + 16 = 1

    Mais, dans cette objet, vous constatez une chose : l'ensemble d'auto-intersection est "non-existant". Le modèle polyédrique de la Crosscap figuré ci-dessus ne se prète pas à cette décomposition en point, arêtes, faces, avec décompte. Même chose pour la surface Romaine de Steiner. Dotées de points cuspidaux (pinch points en anglais, "points de pincement" ces surface sont telles que l'ensemble d'auto-intersection fait partie de la représentation polyédrique. Ce ne sont donc que des objets à valeur didactique. L'objet ci-dessus c'est "deux prismes à base carrée accolés selon une arête". De même que la version polyédrique de la Steiner (voir plus haut) c'est "quatre cubes réunis par leurs arêtes".

    Si on se réfère à notre article de 1979 "Le retournement de la sphère", Bernard Morin et Jean-Pierre Petit, Pour la Science 1979 (plus deux notes aux Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris, présentées par Lichnerowicz, de la même époque) on trouve un classement des plongements immersions de la sphère et du tore.

    Mentionné, un théorème fondamental, dû au mathématicien Américain Steven Smale (médaille Field)

les plongements de la sphère S2 étant bien entendu des cas particuliers d'immersions (sans ensemble d'auto-intersection).

    La sphère est bilatère : on fait la différence entre "le plongement standard de la sphère" et son "plongement antipodal" (la même, mais retournée recto verso). Le théorème de Smale, purement "formel", impliquait que l'on puisse passer de la sphère à la "sphère retournée" par une suite continue d'immersions. Smale était sûr de son théorème, de sa démonstration, mais il manquait son illustration graphique, une construction.

    Anthony Phillips, en 1967, fut le premier à construire cette transformation (il y a une infinité de constructions possibles, c'est à dire de chemins, de suites continues d'immersions menant de la sphère standard à son plongement antipodal). Morin, un mathématicien français, aveugle depuis l'âge de cinq ans, trouva la seconde version, que je dessinai en 1975 (article de Pour la Science 79). Dans le texte que je consacrerai au retournement de la sphère on verra que celui du tore (du moins sa version triviale, s'en déduit aussitôt. Dans l'article de PLS, écrit par Morin, il est fait mention des quatre classes d'immersions du tore, classification issue des travaux de Maurice Hirsch, Ioan James et Emery Thomas. Voir Pour la Science 79, figure 12 (je n'insiste pas car dans un futur papier je reprendrai tout cela). Les immersions du tore se constituent ainsi en quatre "îlots", quatre "continents". A l'intérieurs d'un même continent on peut naviguer en enchaînant des suites continues d'immersions, opération qu'on appelle une homotopie régulière. Deux immersions qui peuvent être reliées par un "chemin" constitué par une suite continue d'homotopies sont dites homotopes. Il est impossible d'aller d'un des "continents" des immersions du tore à un autre par homotopie régulière. Il y a quatre classes d'homotopie distinctes. Dans une de ces classes d'homotopie se trouvent le tore standard et le même, retourné recto-verso, le "tore antipodal". On trouve également un objet obtenu en faisant tourner le signe "infini" autour d'un axe contenant le plan dans lequel il est tracé, ou le chiffre huit, indifféremment. Il est surprenant de voir que ces objets sont homotopes :

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    L'article de PLS montre comment on passe de l'un à l'autre, selon une version "non-triviale" du retournement du tore que j'ai inventée (Note aux CRAS J.P.Petit, dont je n'ai pas présentement en tête les références), qui se trouve reproduite dans les pages 47 et 47 de l'article de PLS ou pages de garde du Topologicon. Ce retournement passe alors par un revêtement à deux feuillets de la bouteille de Klein (voir le Topologicon, page 52).

    Une petite remarque, au passage, sans la moindre amertume : je n'ai jamais été lauréat du prix d'Alembert (récompensant un travail de vulgarisation des mathématiques). La question avait été débattue en comité, une fois au début des années quatre-vingt. Christian Brochet, directeur du CSSTI de Poitiers, en faisait partie et soutenait ma candidature avec chaleur. Mais un autre membre lâcha alors, sèchement :

- Petit n'a pas fait que des ouvrages comme le Topologicon, le Géométricon et le Trou Noir. Il est aussi l'auteur d'une autre bande dessinée: le Mur du Silence (voir le CD-Lanturlu).

    Les membres du comité hochèrent alors gravement la tête et le dossier "JPP" fut définitivement refermé. Pour la même raison vous ne trouverez pas mon nom mentionné à côté de la surface de Boy qui en principe se trouve au Palais de la Découverte (où elle achève de s'oxyder). C'est pourtant moi qui ai inventé sa représentation méridienne, à l'aide d'ellipses (ce qui permit à Apéry d'en découvrir la première équation implicite).

    Il y a des ouvrages qui sont autant de taches indélébiles dans la carrière d'un chercheur. Le Mur du Silence en est une. A vous de comprendre pourquoi. Ce livre viole le onzième commandement de Dieu:

- Tu n'étudieras pas ce qui est rond et qui vole.