90 % de la matière grise reste invisible !

10 mars 2004

L'astrophysique est peut-être une science trop sérieuse pour être confiée aux astrophysiciens

 

Une réponse imprévue.

Onze, place Marcellin Berthelot. Le Collège de France a été complètement rénové. C'est aussi beau que le Louvre.

Narlikar, un indien président de l'IAU, ami de longue date de Jean-Claude Pecker, est très sympathique. On a le même âge. C'est un ancien élève de Fred Hoyle. Je sais que pendant un temps ils avaient émis l'idée que les constantes de la physique pourraient varier d'un endroit de l'univers à l'autre. Ils voulaient expliquer grâce à cela les "red shifts anormaux", le fait qu'on trouve des déviations tout à fait "anormales" vis à vis de la loi de Hubble. Je sais qu'ils avaient vu juste, mais qu'à l'époque ils n'avaient pas les moyens théoriques pour aborder ce problème, à travers "des fluctuations conjointes des métriques".

Pecker sait que je compte, à l'occasion de cette conférence, parler de cela à mon ami.

Le contact est très agréable. Narlikar est un homme fin, plein d'humour. Nous parlons anglais. J'imagine un instant la rencontre entre Souriau et lui, quelques semaines plus tôt. Jean-Marie ne parle pas l'anglais, pas un traître mot. Quant à Narlikar il doit connaître quelques phrases-clés, comment indiquer une adresse à un chauffeur de taxi, dire trois mots à une secrétaire. Heureusement j'arrive à me débrouiller dans la langue de Shakespeare. Nous conversons pendant deux heures. Narlikar est intéressé. A la fin, je tente le coup.

- J'ai pensé ... aux idées que vous aviez agitées jadis, avec Fred Hoyle, sur cette variation des constantes de la physique.
- Oh, c'était spéculatif.....
- Non, vous aviez raison. Je sais comment procéder. On pourrait peut-être collaborer, publier.

Narlikar sourit (je mets sa réponse en Anglais, avec la traduction) :

- My dear colleague, I am also on the black list (mon cher collègue, je suis aussi sur la liste noire). I have recently sent a paper to a peer reviewed journal. I received 43 questions. The letter with the questions was longer than the paper itself. So, I gave up ( J'ai envoyé récemment un article à une revue à comoté de lecture. J'ai reçu en retour une liste de 43 questions. Cette liste était plus longue... que le papier lui-même. Alors j'ai laissé tomber).

- Then, everything if hopeless..... (alors, il n'y a plus d'espoir).

J'avoue que je reste un peu abasourdi. J'avais envisagé toutes les réponses possibles, sauf celle-là. Je sais que ma vie à des côté "roman", mais là vient de s'écrire un chapitre particulièrement imprévu. Même le président de l'IAU, de l'International Astronomical Union, a donc des difficultés à publier, alors qu'il se publie des kilomètres d'âneries chaque jour. Mais Souriau a les mêmes problèmes. Le public ignore que la science, dans l'après-guerre, est passée sous le contrôle de bandes anonymes. Comment identifier ces gens ? C'est assez simple. Regardez ceux qui publient beaucoup, avec facilité, des choses assez creuses. Eux-mêmes sont "referees", experts. Les journaux de publication, avec leur comité de sélection, ne sont en fait que des émanations de lobbies scientifiques occultes. Des gens se groupent, décident de constituer un journal, de créer une revue. Celle-ci est gérée par un "editorial board", qui nomme en principe de directeur de la revue. Prenez un exemple, en France. James Lequeux a été à l'origine de la création de la revue "Astronomy and Astrophysics", une revue "à vocation Européenne". Le Cnrs, des ministères ont filé des sous. Des scientifiques se sont "regroupés". Les travaux publiés nez sont pas nuls, non. Mais ils ne sont que l'expression d'un certain lobby scientifique, dont Lequeux s'est fait le "garant". Une attitude qui va parfois jusqu'au cynisme et la malhonnêteté. Mais on ne peut rien faire. Le système est verrouillé. C'est pour cela, comme le dit souvent Souriau "que la science s'enfonce dans une moderne scholastique".

Qui sont les "referees" des revues de publication scientifique ? En principe leur anonymat leur assure "une indépendance de pensée. Dans la pratique ceci leur permet de faire barrage à toute idée qui mettrait en danger les thèses de leur propre école. Tous les referees sont des chercheurs, sans exception, on a tendance à l'oublier. Ces gens ne sont pas rétribués pour ce travail. Bien sûr, ils ne recoivent pas chaque jour que des travaux charpentés. N'importe qui peut envoyer n'importe quoi à n'importe quelle revue. Il y a donc des "filtreurs". Ce sont des gens qui lisent les articles en diagonales. Temps consacré à cette première exploration d'un article : en moyenne cinq, dix minutes. Critères d'analyse :

- Ce type fait-il partie de ma bande ? Son travail conforte-t-il les thèses que nous défendons ? (par exemple, à l'époque actuelle le dogme de l'existence d'une matière sombre). Est-il connu ? Hmmm... un français ! Il n'y a jamais eu de contributions marquantes, venant de France, en matière de cosmologie. Ca doit être une connerie de plus ...

Il parcourt les pages, distraitement. C'est bourré de tenseurs. Ah, il y a des groupes....

Il traverse le couloir et frappe à la porte du bâtiment d'en face, chez un ami physicien théoricien.

- Dis-donc, Mike, l'action coadjointe d'un groupe sur son espace des moments, ça te dit quelque chose?
- Jamais entendu parler....
- Bon, alors mon impression première était la bonne.

Il revient dans son bureau et charge à partir de son disque dur le réponse-type :

Sorry, we don't publish speculative works

Désolé, nous ne publions pas de travaux à caractère spéculatif.

Ce type, qui bosse dans les supercordes, sur la "théorie du Tout", la TOE (Theorie of Everything), imprime la lettre-réponse et passe au dossier suivant.

Des réponses de journaux, j'en ai eu des douzaines comme celles-là, avec renvoi par retour du courrier. J'ai pu publier de temps en temps, mais je peux dire que j'ai consacré à chaque publication dix à cent fois le temps que j'avais mis pour produire le travail lui-même.Ce type de réponse c'est exactement celle que que m'avait faite Lequeux en 97, par retour du courrier, après soumission d'un article pour sa revue Astronomy and Astrophysics. Mais comme il était en France, le l'ai appelé au téléphone. J'ai argumenté.

- Mon modèle gémellaire n'est ni plus, ni moins spéculatif que celui de la matière sombre, qui est une interprétation ad hoc. Ce modèle permet de retrouver également les forts effets de lentille gravitationnelle, en tant que manifestation d'un "negative lensing", de l'action gravitationnelle de la matière gémellaire, géométriquement invisible, répulsive, sur les photons de notre propre univers. C'est simplement une interprétation différente des phénomènes, mais j'estime qu'elle devrait pouvoir être publiée, car elle est féconde. Je vous propose une chose : trouvez un referee du genre méchant, un Grand Méchant Loup de la Cosmologie et envoyez lui mon papier. S'il trouve des faille, je m'inclinerai.

Lequeux reste un instant silencieux à l'autre bout du fil. Mais, comme dix ans plus tôt, il pense réellement que mon travail ne tient pas debout. Un type qui s'intéresse aux ovnis ne saurait produire des travaux de qualité. C'est peut-être une bonne occasion d'en finir une fois pour toutes. Après un instant de silence :

- OK, on fait comme ça.

Un mois après je reçois une réponse de referee anonyme avec dix questions. Le bras-de-fer commence. Ceux-là, je les ai toujours gagné, pour autant que le referee accepte d'engager le combat. Les questions, très techniques, sont pointues, pertinentes. On sent que le gars cherche la faille. Je réponds, point par point. A un moment il écrit "vous conjecturez qu'au centre des immenses bulles vides, des lacunes autour desquelles se situent les galaxies se trouveraient des conglomérats de matière gémellaire. Vous dites que ceux-ci sont "géométriquement invisibles". Mais ils devraient cependant avoir un effet sur les images des objets situés à l'arrière-plan. Avez vous considéré cela ?"

La question est très pertinente. Je me lance dans des calculs. Effectivement, l'arrière-plan, ce sont les galaxies très distantes, à fort red shift. Même si ces conglomérats se présentent selon des diamètres apparrents relativement faibles le décor de l'arrière plan cosmique est un tissu, un "papier peint" fait de millions de galaxies à très fort redshift. Avec le téléscope Hubble et les moyens modernes d'observation on commence à avoir de plus en plus d'images de ce fond de ciel lointain. Seul problème : ces objets sont très, très distants. La lumière qu'ils nous envoient est extrêmement faible. Concrètement, on peut former l'image de ces galaxies, de simples taches, en collectant un photon toutes ... les heures.Les gens n'imaginent pas comment les choses se passent. Pour avoir une image d'un objet très lointain à partir de la surface terrestre il faut un miroir immense, et du temps, des heures d'observation. Il faut collecter les photons, un à un. Je me souviens d'une nuit d'observation où j'avais accompagné mes collègues "astronomes pratiquants". Boulesteix, astronome à l'observatoire de Marseille a été un des premiers à coupler à l'objectif d'un téléscope un ordinateur. On voyait donc l'image d'une galaxie qu'il observait se former, photon par photon. Jacques avant "sonorisé" de processus. A chaque fois que ses capteurs de photons se déclenchaient le haut parleur du micro-ordinateur émettait un "tic". J'étais fasciné. Il y en avait un toutes les quatre ou cinq secondes. Le photo, alors, imprimait sa marque, signalait son impact avec l'apparition d'un nouveau pixel sur l'écran. J'ai passé quatre heures à voir cette image se constituer. En parallèle l'ordinateur effectue des mesures d'effet Doppler. On en déduit la vitesse de récession et par delà une estimation de la distance. Quand les galaxies sont trop lointaines il faudrait envisager des jours de collecte de photons, ou des miroirs grands comme des terrains de fottball. C'est ce qui limite la portée des télescopes terrestres. Ces télescopes spatiaux n'ont pas cette contrainte. En tournant le dos au Soleil ils peuvent rester braqués vers une même région du ciel pendant des jours et des jours. C'est ce qu'on a fait avec Hubble. On savait qu'il y avait juste au dessus de la Grande Ourse une région du ciel, grande comme le chas d'une aiguille tenue à bout de bras (là aussi, le grand public ignore que plus les télescopes voient loin et plus leur champ de vision est étroit), qui était noire comme de l'encre. Dans cette direction -là, il semblait qu'il n'y ait "rien", ni étoile, même faible, ni galaxie. On a alors braqué Hubble dans cette direction, vers ce chas d'aiguille, pendant une semaine. Il recevait un photon toutes les heures. L'image s'est constituée. On lui a donné un nom : "deep sky survey" : "coup d'oeil sur le ciel profond". Ce cliché, historique, a révélé l'existence de milliers de galaxies situées à des milliards d'années lumière de distance. Ainsi a été confirmé l'idée selon laquelle les galaxie existent depuis très longtemps, ce qui découle aussi de l'estimation de l'âge des étoiles qu'elles contiennent. Les étoiles des amas globulaires sont considérées comme "des étoiles primordiales", nées pratiquement en même temps que la galaxie où elles résident. L'âge de ces étoiles est estimé à dix ou quinze milliards d'années. La conclusion est que les galaxies devraient se former enmême temps que l'univers lui-même. Comment ? Les astrophysiciens ne le savent pas. Toujours est-il que ce fond de ciel constitue un tapis de galaxies, presque "jointives". Donc leur lumière serait nécessairement altérée en parvenant jusqu'à nous, à cause de l'effet gravitationnel inverse dû à la présence des conglomérats de matière sombre.

Je fais des calculs. Le papier grossit de plusieurs pages et je fournis ma réponse. Cet effet de lentille gravitationnel inverse doit fonctionner à la manière de mini-lentilles divergentes et affaiblir le signal. J'ai déjà expliqué ce genre de chose dans une suite de fichiers présents dans mon site, consacrés à la vulgarisation du thème des univers jumeaux ( Début de cette série de pages - page où cet effet est évoqué). Voici le dessin qui illustrait ce concept :

Représentation schématiques des galaxies situées en arrière-plan et de l'effet que pourrait produire l'interposition,
sur la ligne de vue, d'un conglomérat de matière gémellaire.

Ade telles distances (estimées à partir de la mesure du redshift z) l'importance d'une galaxie, sa masse ne se mesurent qu'en se fondant sur la quantité de lumière reçue. Je conclus que celle lumière doit être atténuée. Voilà donc un observable spécifique qui conforterait ma théorie : on devrait trouver à très grande distance une abondance de "galaxies naines". Or c'est ce qu'Hubble a révélé, c'est ce qu'on trouve.

Je marque un point. Je réexpédie l'article. Il revient, toujours un mois après avec dix nouvelles questions. Je m'y attelle et, de nouveau, je rebondis sur ces critiques, je les réfute. Le papier grossit au fil des échanges. Il faisait vingt pages au départ. Huit mois passent. Il atteint désormais soixante pages. Mon ami Georges Comte, qui était alors directeur de l'observatoire de Marseille, commente :

- Fichtre. Quand tu auras eu raison de ce referee et quand Lequeux devra publier, il lui faudra consacrer un numéro entier de sa revue, au train où vont les choses....

Mais soudain Lequeux m'adresse une lettre, très sèche comme à son habitude :

- Cet échange a assez duré. Je ne peux mobiliser ainsi le secrétariat de la revue pour ces échanges interminable. J'ai le sentiment que ceci n'aboutira pas et je mets fins à cette affaire. Ma décision est irrévocable.

"Irrévocable", c'est du Lequeux tout craché. Les gens qui le connaissent savent cela. La cervelle de James a la souplesse du béton précontraint. A l'observatoire mes collègues sont stupéfaits. Ca ne s'est jamais vu. Comte :

- Mais... tu étais en train de mettre le referee à terre, de gagner contre lui ton bras-de-fer. Cette lettre est effarante !

J'écris à Lequeux et je propose une fragmentation de l'article, thème par thème. Il refuse. J'essaye alors de sauver les meubles en proposant d'extraire de ce monument quelques éléments approuvés par le referee, pour composer un article minimal, de quelques pages. Lequeux refuse de nouveau en précisant dans son courrier :

- Je vous signale que l'avis du referee n'est que consultatif et qu'en dernier ressort la décision d'acceptation ou de refus d'un article appartient au directeur du journal.

N'ayons pas peur des mots. Dans toute ma carrière de scientifique je n'ai jamais vu un geste aussi malhonnête. Lequeux, sachant qu'il jouit d'une impunité absolue, se comporte comme ce qu'il est : un maffieux. Que faire ? Défiler dans la rue ? Entamer une grève de la faim ? Ecrire à la presse scientifique (qui non seulement s'enf out mais roule également pour les maffias). Aller m'enfermer avec Lequeux dans son bureau en lui accrochant une charge de dynamite autour du cou ?

Ces dix mois de combat avec ce referee m'ont épuisé. Comment publier ce travail ?

Il reste un colloque scientifique international, celui de Marseille, en 2001. Je tente d'approcher le comité d'organisation, mais l'accueil reste très froid. Je n'ai pas que des amis au plan local. Quelques années plus tôt, au début des années quatre-vingt dix mon amie Marie-France Duval, maître de conférence avait été chargée par le Cnrs de composer un panneau exposant les travaux des chercheurs de notre labo, l'observatoire de Marseille. Elle m'avait demandé d'y faire figurer une image des galaxies barrées superbes que nous avions obtenues en 92, Frédéric Lansdheat et moi. Mais lorsque le panneau avait été présenté au conseil scientifique de l'observatoire, deux de ses membres, Albert Bosma et Lia Athanassoula, s'étaient vivement opposés à ce que toute trace des travaux de Jean-Pierre Petit figure sur le panneau, qui faisait partie d'une exposition itinérante, laquelle était censée présenter les travaux des différents labos de France et de Navarre.

Albert Bosma

Bosma et Athanassoula ont vainement tenté, à travers des centaines de simulations numériques effectués pendant vingt ans sur de puissants ordinateurs qu'ils ont fait acheter, d'obtenir de tels résultats (je reviendrai sur ce point par la suite). Ils menacent même de démissionner du conseil si on passe outre. Marie-France est contrainte de retirer les images. Comte m'explique :

- Tu comprends, il y a aussi des pression très fortes émanant de Paris. Il faut ... calmer le jeu. Je pourrais passer outre mais cela nous coûterait cher en postes, en crédits. Tu comprends ? .... Je dois gérer cette ... maison de fous et éviter une crise grave.

Je comprends. Reste ce colloque international de 2001.

En 99 se tient un colloque franco-français à Montpellier, sur les "astroparticules". Je m'y rends. J'ai un temps de parole de vingt minutes octroyé par l'un des organisateurs, un jeune physicien théoricien nommé Moltaka. Au moment où je m'apprête à prendre la parole celui-ci vient vers moi.

- Hmm... nous avons un problème. Bosma a dit que si vous parlez à ce colloque, il part immédiatement.

A côté de Moltaka se tient un collègue de l'observatoire de Marseille, un certain Giraud, qui aboie :

- Nous, on ne veut pas laisser la parole à des gens qui recoivent des messages des extraterrestres !
- Je ne suis pas venu vous parler de cela, mais d'une interprétation alternative de la réaccélération du cosmos, à fort redshift, via l'action de son jumeau. Vous savez, Giraud, la salle du conseil est à côté. Vous n'avez qu'à demander à passer une annonce devant tout le monde et répéter tout cela aux gens. Mais j'ai peur que vous ne passiez pour un imbécile....

Le jeune Moltaka était ennuyé. Il essaye de calmer le jeu.

- Ecoutez, Petit. Nous trouverons un autre créneau horaire pour votre exposé, quand Bosma sera reparti à Marseille.
- Bon....

Deux jours passent. L'ambiance devient lourde. Il y a deux cent congressistes, tous des astrophysiciens. Le ronron continue. Le but du colloque est évident : justifier l'octroi de crédits pour la détection des "astroparticules", composantes de l'hypothétique matière sombre. La particule vedette est le "neutralino", issue de la "supersymétrie". Elle est neutre. Quelqu'un (j'ai oublié son nom) suggère qu'on puisse détecter cette particulie en utilisant "l'effet Cerenkov". Ce neutralino est une particule non chargée électriquement, en principe "issue du Big Bang", dans "ses premiers instants". Giraut explique "qu'il a calculé que l'amas d'Hercules devait nous envoyez un flux de deux cent neutralinos par seconde et par mètre carré". Celui qui espère devenir le directeur d'un futur laboratoire voué aux astroparticules explique que la manip de détection pourrait permettre de mettre en évidence "un évènement par jour". Derrière moi un physicien théoricien lâche entre ses dents :

- Tout cela est ridicule. Cette particule dépend de deux cent paramètres libres. C'est vraiment n'importe quoi. Si ce type prévoyait un million d'évènements par jours, ça ferait trop. Un par an, ça serait trop peu : personne ne donnerait un centime pour une détection aussi problématique. Alors ils se sont tous mis d'accord sur ce chiffre d'un par jour, complètement arbitraire. Les calculs d'épicier de Giraut n'ont aucun sens.

La vérité est que mes théories s'opposent à cette matière sombre. Aux yeux de ces gens je fais figure d'empêcheur de chercher en rond. Si l'univers gémellaire existe, alors la matière sombre n'est qu'un mythe. Dans ce colloque, extraterrestres ou pas extraterrestres, mon discours n'est pas souhaité. Je suis le chien dans le jeu de quille. Le premier jours le président de l'Université de Montpellier nous a tenu ce discours :

- La ville de Montpellier est en pleine expansion démographique. En parallèle les effectifs estudiantins de la fac de science stagnent. Cela veut dire que de moins en moins de jeunes se tournent vers les sciences. Quant au département de physique, il est pratiquement en chute libre. Trouvez vous des idées nouvelles, nous sommes prêts à donner des crédits et des postes, mais faites-le vite, sinon dans peu d'années aucune étudiant de croira plus à la physique fondamentale.

Moltaka m'évite. Je sais que ce jeune joue sa carrière. Des pression sont arrivées, de Paris. Je finis par lui dire :

- Alors, quand donnerez-vous la parole à J.P.Petit ? Il ne reste qu'aujourd'hui et demain.
- Je crois... que nous ne lui donnerons pas la parole. Je suis ... désolé....

J'en ai vu des vertes et des pas mûres dans ma carrière, mais ce soir-là, dans mon hôtel, je suis incapable d'avaler quoi que ce soit. Je croyais avoir l'estomac solide. Là, ça ne passed pas. J'ai été interdit de parole sous l'effet d'une pression exercée par un des "ténors" du colloque, Bosma. Tout le monde l'a su et aucun des deux cent participants n'a bougé. Moi, j'aurais dit "Si Petit ne parle pas, je m'en vais". Mais je suis ... Jean-Pierre Petit, pas l'astrophysicien ou le physicien théoricien lambda du Cnrs.

Au retour j'affiche au mur un compte-rendu écrit de cet évènement à la fois à l'observatoire de Marseille et au LAS, au laboratoire drAstronomie Spatiale de cette même ville. Tous, le directeur de mon labo en tête, "déplorent l'attitude de Bosma", verbalement, individuellement. Mais les choses n'iront pas plus loin.

Tout cela me donne une idée. J'ai accès, indirectement, à un membre du comité organisateur du colloque international de Marseille, de juin 2001, dont le thème est "Where is the matter ?". Athanassoula m'a déjà dit "que je perdais mon temps en espérant y présenter un papier". Il me faut alors employer une autre méthode : la prise d'otage. Je fais prévenir le comité que si on n'accepte pas que je puisse présenter une communication je raconterai toute l'affaire Bosma, dans un prochain livre et que cela risquera d'apporter un certain discrédit sur le labo.

Ca marche....

Voilà comment il faut manoeuvrer, parfois, pour publier. ( Voir cette publication). Ce sont les pensées qui m'habitent lorsque je prends congé, le premier jour, de Narlikar. Celui-ci me raccompagne dans une suite de couloir ponctés de sas porteurs le clés à touches où on doit composer un code. Que de précautions ! Cette forteresse du savoir semble mieux défendue que le fort d'Arcueil. Peut-être est-ce pour se prémunir contre l'infiltration d'idées subversives ?

Comment identifier ces mystérieux réferees, protégés par leur sacro-saint anonymat ? C'est assez facile. Ce sont ceux qui publient beaucoup. Pour eux, tout semble facile. Même chose pour les membres de leur équipe de recherche, ou de leur "clientèle". Il y a aussi un signe qui ne trompe pas : ces gens s'entre-citent à tour de bras. Renvoi d'ascenseur. "Je te cite et tu me cites". Il y a longtemps que les articles scientifiques figurent sur le web et longtemps que des moteurs de recherche spécialisés comptabilisent chaque citation d'auteur. Le Cnrs et d'autres instances s'appuient beaucoup sur ce nombre de citations. Cela devient une référence. Un travail important est un travail qui a été cité en référence de nombreuses fois. Alors des bandes se forment. La "Bande d'Hawing" en est un exemple. Dans cet ordre d'idées voyez le livre de Greene, l'univers Elégant, il est pas mal non plus. Les gens des supercordes ont constitué une fantastique "communauté". Le fait est sans précédent connu. Ils ont réussi cette performance de donner corps à une discipline totalement inexistante, puisque cette "théorie en formation", cette "Théorie du Tout" ne prévoit rien, n'interprète aucun phénomène, aucune observation, ne modélise rien. Mais, comme l'écrivait ce perroquet qu'est Larousserie (Sciences et Avenir) "c'est une théorie globale".

Si vous êtes "global", vous êtes "in", c'est simple.

Je connais des dizaines de chercheurs qui sont archi-cités mais dont les articles ne sont que de la mousse. Vous voulez un image de l'état de l'astrophysique, de la cosmologie et de la physique théorique contemporaines ? Prenez des centaines de bombes de mousse à raser et videz-les toutes ensemble. Vous vous rappelez le film Brasil ? Il y a un personnage dont j'ai oublié le nom et qui sauve le héros à plusieurs reprises en utilisant des gadgets spectaculaires. Il s'enfuie par exemple en glissant sur un fil d'acier. Mais un jour il passe à proximité d'une bouche d'aération et reçoit en plein visage un formulaire qui se colle à son visage. Il tente de l'arracher, mais se trouve rapidement submergé par des imprimés, du papier timbré. Il meurt rapidement, étouffé par ces émanations administratives. Nos modernes Don Quichotte ne chargent plus des moulins à vents. Ils se jettent, lance en avant, dans des montagnes de mousse à raser anonymes où ils meurent étouffés.


Demain c'est la conférence. Je n'ai rien préparé. Je n'ai même pas fait de transparents.

- Quand même ... ton ami Pecker .... tu devrais.....

Je sais, mais le ressort est cassé, depuis l'article de Larousserie, dans Science et Avenir, en &&&. Plus récemment les Editions Dunod ont publié le livre d'un certain Magueijo, intitulé "plus vite que la lumière. Gros succès. C'est un peu dans le même style que le livre de Greene. En 97 Magueijo, jeune chercheur à Cambridger, Angleterre, réussit à publier un article dans Physical Review. Il a eu l'idée qu'en imaginant une scénario cosmique où la vitesse de la lumière aurait été plus élevée dans le passé ceci aurait permis aux particules de "dialoguer" aux époques les plus reculées et par delà de garantir à l'univers son homogénéité. Mais immédiatement après un certain Moffat, un canadien, se manifeste, qui a publié des choses semblables en 93. Moffat proteste vivement.

En fait je suis le véritable précurseur dans cette voie-là, en j'en parlerai tout à l'heure. J'ai publié trois articles en 88-89 dans Modern Physics Letters A [1 , 2 , 3 ]. En découvrant les travaux de Magueijo, puis de Moffat en 99 je leur avais envoyé plusieurs mails. Pas de réponse. Le premier devait être en train d'écrire son livre et ça n'était pas le moment de le troubler. Et puis, quelle importance ! Il y a tellement de choses à propos desquelles j'auraid du me battre, à commencer par la MHD.

Le lendemain la matinée commence par un exposé de Narlikar qui évoque le scénario "standard" du Big Bang, avec l'inflation de Linde et tout le bazar. Pecker nous a prévenus :

- Narlikar va nous exposer ce que les autres pensent, pas ce que lui-même pense.

Puis vient l'heure de mon exposé. Il se produit alors un phénomène étonnant, comparable à la marée. La salle où nous sommes ne possède que cent places. Etant donnés les échos qui nous parviennent de l'entrée il semble qu'il y ait un problème. Pecker va voir et se tourne vers l'assistance :

- Pour pouvoir recevoir tout ce monde on déménage au Grand Amphi.

Celui-ci se trouve rempli aussitôt et des gens doivent s'asseoir sur les marches. Diable, je n'avais pas prévu cela. Combien sont-ils ? Trois cent ? Quatre cent ?

Pecker me présente et j'attaque :

- A part Narlikar et Pecker, y a-t-il des astrophysiciens et des cosmologistes dans la salle ?

Silence.

- Y a-t-il des physiciens théoriciens ?

Rien. Cela me rappelle ce que disait mon prof de Grec, Barquissau, quand je traînais mes fonds de culotte au Lycée Carnot et quand, après qu'il ait demandé si quelqu'un voulait passer au table notre enseignant nos regards plonger vers nos chaussures ou s'élever vers le plafond :

- Il se levait tant de mains que le ciel en était obscurci.

Je demande :

- Y a-t-il des physiciens ?

Des mains se lèvent. La composition de la salle est variée, mais il y a pas mal de "seniors", entre quarante et soixante. J'ai une heure pour leur décrire ma vision gémellaire de l'Univers.

Groupes.

 Tout commence avec un article d'Andréi Sakharov, datant de 1967, qui passa d'ailleurs complètement inaperçu et reste encore peu connu aujourd'hui. Il est vrai que le Russe n'a pas poussé les choses très loin, mais on trouve l'essentiel. Selon lui il n'y aurait pas un unique univers, mais deux, relié par cette structure spatio-temporelle appelée Big Bang. Second point : la flèche du temps de cet "Univers Jumeau" (c'est le nom qu'il lui donne) est inversée par rapport à la nôtre.

Tout cela est difficile à appréhender. Imaginons un univers dont la partie spatiale ne posséderait qu'une unique dimension et qui de plus serait fermé sur lui-même. Son image est celle d'un simple ... cercle. Ajoutons le temps. Le dessin ci-après nous montre une tel univers dont le périmètre croît, qui est en expansion.

&&& dessin espace temps 2 d

Donnons maintenant une représentation imagée de l'univers de Sakharov. Il a la forme d'un sablier. Appelons t le temps cosmique dans notre propre univers et t* celui de l'univers jumeau. Ces deux directions temporelles sont opposées. Qu'est-ce que cela signifie ?

La réponse émerge des travaux du mathématicien Jean-Marie Souriau, qui datent de la fin des années soixante et ont fait l'objet d'une publication chez Dunod, dans un ouvrage aujourd'hui épuisé intitulé Structure des Systèmes Dynamiques. Ce livre a été réédité en 1999 en Anglais, aux éditions Birkhauser : " Strcture of Dynamical Systems" et il se trouve que plus de trente ans après sa sortie en France il se situe toujours en pointe en physique mathématique. Dans ce qui va suivre je vais faire une expérience de double discours. Dans cette page web on trouvera l'exposé réalisé de la manière la plus schématique possible. Que mes lecteurs non-scientifiques ne se découragent pas trop vite. Le profit à tirer est important. En cliquant sur les liens le lecteur scientifique pourra trouver une présentation quelque peu plus élaborée.

Il est bien difficile à un non-initié de comprendre ce qu'est un groupe. C'est un ensemble d'objets mathématiques qui "agissent" sur d'autres objets, qui les "transportent". Prenez les points d'un plan. Dessinez des figures géométriques sur ce plan. On peut agir sur celles-ci en les faisant tourner autour d'un point fixe.

&&& groupe des rotations.

Ces rotations autour d'un point du plan O forment un groupe, structure qui obéit à trois axiomes.

1 - Il existe une opération me permettant de composer deux rotations autour d'un point O dont le résultat est aussi une rotation autour de ce point.

2 - Il existe un élément "neutre", qui ne change pas la position de l'objet dans le plan. C'est "la rotation d'angle nul". Si je combine une rotation d'angle q avec une rotation d'angle nul le résultat est une rotation d'angle q.

3 - Si je fais tourner un objet d'un angle q je peux le ramener à sa position initiale par une rotation "inverse" ou "opposée", "réciproque", d'angle - q. En d'autres termes : à toute rotation q je peux associer la rotation inverse - q.

4 - Faire se succéder des rotations équivaut à additionner les angles :

q1 + q2 + q3

Cette opération "rotation" est associative, comme l'addition de deux nombres, c'est à dire que je peux réaliser indifféremment les associations :

( q1 + q2 ) + q3 ou : q1 + ( q2 + q3 )

Cette opération "combinaison de deux rotations" satisfait donc aux axiomes des groupes, définis par Sophus Lie.

Accessoirement je pourrais opérer ces rotations dans un ordre quelconque. Le résultat de ( q1 + q2 ) est le même que celui de ( q2+ q1 ). L'opération "rotation autour d'un point" est commutative. Ce groupe est commutatif (mais tous ne le sont pas).

Tout cela a l'air évident, mais je peux vous dirte que ces quatre xiomes font partie des choses les plus géniales que les hommes aient jamais trouvées en maths, en .. physique. Si vous faites l'effet de me suivre, sans trop réfléchir au début, vous comprendrez pourquoi.

On peut considérer un autre groupe, celui des translations dans le plan. Le vecteur translation est alors

( Dx , Dy )

On obtient alors encore un groupe dont l'élément neutre est la translation nulle :

( 0 , 0 )

A toute translation on peut associer la translation opposée :

( - Dx , - Dy )

En combinant les deux on obtient la translation nulle. L'objet .. retourne à sa place. On continue d'enfoncer des portes ouvertes, de déployer des discours frappés au sceau du bon sens.

On peut combiner ces deux opérations, rotation plus translation pour obtenir le groupe des déplacements dans le plan. L'élément neutre consiste à ... ne pas déplacer l'objet : ni translation, ni rotation. Le concept de déplacement inverse est aussi intuitif. On remet l'objet à sa place initiale. On obtient encore un groupe dont les rotations et les translations constituent ce qu'on appelle des sous-groupes. Pas d'affollement : ce n'est qu'un mot en passant.

Notions d'espèce.

On peut imaginer une infinité de figures dans le plan. Certaines sont telles qu'on puisse les amener en coincidence à l'aide d'un déplacement. Tels sont par exemple l'semble des carrés de côté a, des cercles de rayon R, des segments de longueur L. On parlera alors de l'espèce "Cercles de rayon R", de l'espèce "carrés de côté a", segments de longueur L.

&&& dessin

Deux segments de longueurs différentes L1 et L2 ne pourront pas être amenés en coincidence. On les considèrera comme appartenant à deux espèces différentes. On obtient alors une sorte de taxinomie géométrique. Par contre il est clair que :

Tous les points sont de même espèce

Jetons un oeil à la figure ci-après.

&&& triangles rectangles à côtés inégaux

Il est clair que je ne peux pas amener ces deux triangles en coincidence en combinant une rotation et une translation. Il manque quelque chose : la symétrie. Je n'ai qu'à rajouter un élément au groupe, par exemple la symétrie par rapport à une droite donnée. En mettant en oeuvre trois opérations successives :

- La symétrie par rapport à la droite D

- Une rotation de manière à faire en sorte que les côtés des triangles soient parallèles

- Une translation

je peux cette fois amener ces deux triangles à être en coincidence. Je dirai que j'ai constitué alors ce qu'on appelera le groupe d'Euclide 2d. Ce groupe doit être perçu comme une ensemble d'actions possibles sur des objets. Ces actions n'altèrent pas leur "taille", ni les angles. Elles conservent le rayon d'un cercle, le côté d'un carré, les longueurs des côtés d'un triangle. Mais, intuitivement on imagine qu'on peut ranger ces éléments en deux paquets.

- Les éléments qui n'inversent pas les objets "droite-gauche"

- Les éléments où cette opération est effectuée.

Tout dépend, bien sûr, des objets sur lesquels ont agit. Les cercles, les carrés, les triangles isocèles, équilatéraux, les polygones réguliers, etc, seront insensibles à une inversion "droite-gauche". Mais, fondamenlament, dans la mesure où un élément d'un groupe est une façon d'agir sur l'objet on conçoit que ce groupe est constitué de deux sous-ensembles :

&&& dessin

On appelera ces sous-esnembles des composantes du groupe. Celle qui contient l'élément neutre s'appelera la composante neutre.

On imagine assez bien qu'on puisse étendre cette idée de déplacements dans les trois dimensions. On y retrouvera les rotations et les translations. En considérant des figures qui possèdent une orientation 3d, comme des tire-bouchon on imagine très bien qu'outre ces rotations autour d'axes et ces translations selon un vecteur ( Dx , Dy , Dz ) il faille considérer une opération supplémentaire qui inverse les objets "droite-gauche", en l'occurence une symétrie par rapport à un plan. En créant une succession de transformations qui sont une combinaison des trois opérations

- Une (éventuelle) symétrie droite-gauche

- Une Rotation

- Une Translation

on puisse obtenir un ensemble de transformations, conservant angles et longueurs, qui constituera alors le groupe d'Euclide 3d. Celui-là aussi aura deux composantes, selon que les transformations choisies conservent l'orientation des objets ou l'inversent (transforment les tire-bouchons "droits" en tire-bouchons "gauche").

&&& dessin

décidons d'appeler cette inversion "droite-gauche" une "P-symétrie" (pour "symétrie de parité").

J'ai fait ce préambule pour vous familiariser avec le concept de groupe et d'action des éléments d'un groupe sur des objets (ici des figures géométriques). Mais la physique n'est pas statique. L'espace que nous considèrerons sera alors l'espace-temps

( x , y , z , t )

Qu'est-ce qu'une "figure géométrique" dans cet espace-temps. Pour nous cela sera essentiellement une trajectoire rectiligne orientée (dans le temps). Pour simplifier les choses nous allons considérer un espace temps à seulement trois dimensions :

( x , y , t )

A priori cet espace pourrait être peuplé d'une infinité de droites orientées, chacune figurant une trajectoire.

&&& dessin

On ne peut pas dire que tout cela soit réellement de la physique. C'est un simple modèle destiné à illustrer des concepts.

Les trajectoires verticales correspondent à des objets ... immobiles. Les droites horizontales correspondent à des trajectoires parcourues à des vitesses ... infinies. Or on sait que la physique n'utorise pas ce genre de déplacements. Prenez donc tout ceci "avec des pincettes". Si on voulait tenir compte de la relativité Restreinte on voit qu'il faudrait ne considérer que des déplacements correspondant à des droites situées "à l'intérieur de cônes de lumière", c'est à dire formant avec le plan xoy un angle minimal, correspondant à un déplacement s'effectuant à la .. vitesse de la lumière.

&&& dessin

L'idée sous-jacente est la suivante :

Dis-moi comment tu te meus et je te dirai quoi tu es

C' est une description comportementale des objets de la physique, des "points matériels".


Orthochrone et rétrochrone.

Reprenons notre espace-temps ( x , y , t ) à trois dimensions, une d'espace et deux de temps. Considérons la trajectoire indiquée sur le dessin ci-après en imaginant que le déplacement s'effectue de A en B. En regardant cette figure je vois que ce trajet AB est orthochrone : de A à B le temps t s'écoule vers le futur et non vers le passé (ce qui serait le cas pour une trajectoire BA).

J'ai cette trajectoire et j'imagine que je dispose d'un groupe qui me permet de passer d'une trajectoire de ce point matériel à une autre. Pour un non-matheux un groupe est une espèce de sac à malice, représenté par un rond. A l'intérieur de cet ensemble se trouve des points dont chacun est censé figurer un élément g de ce groupe G . Parmi ces éléments, on appellera l'un d'eux e. C'est l'élément neutre qui ne change ... rien, laisse la trajectoire "en l'état". Ca a l'air idiot mais je sais, d'après les axiomes du père Lie qu'il me faut absolument disposer dans ce sac de ce type d'élément pour que cela puisse constituer un groupe.

&&& changement de trajectoires

Avec un groupe, a priori, tout peut arriver. Lorsque je manipulais le groupe d'Euclide, par exemple en 3d, j'aurais très bien pu considérer un cône pointaine son sommet vers le haut, vers "l'axe des z" et imaginer que des éléments du groupe puissent déplacer cet objet en lui mettant "la tête en bas". Mais j'aurais pu aussi trier l'infinité d'éléments de mon groupe et éliminer ceux qui mettent mon cone pointe vers le bas.

De même j'ai a priori une infinité de façons d'agir d'une un segment de droite, comme cet élément de trajectoire figuré -ci dessus. Ainsi, en partant de cette trajectoire donnée, orthochrone, je pourrais trouver un élément qui me transforme celle-ci en une autre trajectoire orthochrone, où les points A et B sont "transportés" en A' et B' de manière à ce que le temps tA' se situe plus tard que le temps tB'. Je seraio ainsi passé d'une trajectoire orthochrone, orientée dans le temps passé-futur, à une autre trajectoire orthochrone A'B', également orthochrone, mais s'effectuant de points différents dans l'espace, à des vitesses différentes, sur un intervalle de temps différent.

Je peux aussi imaginer qu'il existe dans ce groupe dynamique, qui crée tous les mouvements possibles des éléments qui amènent mes points A et B en des points A" et B" tels que tA"' > tB".

&&& dessin

Si mes trajectoires AB et A'B' étaient toutes les deux orthochrones, la trajectoire A"B" est rétrochrone. On se déplace de A" à B" à ... rebrousse-temps.

Vous allez me dire : c'est du Lewis Carol. Nous évoluons dans le monde d'Alice au pays des Merveilles où on peut dire et écrire n'importe quoi. Votre trajectoire rétrochrone c'est le ... chat de Chester !

Hmmmm... en physique, il faut se méfier, en particulier des groupes. Ce sont des outils qui créent les objets. Vous avez vu comment, à partir d'un cube j'avais pu engendrer une infinité de cubes. Mais vous avez vu aussi comment, à partir d'une tire-bouchon "normal" j'avais pu créer son image en miroir, dite "énantiomorphe".

Quelqu'un aurait pu dire : les tire-bouchons qui tournent à l'envers, ça n'existe pas ! Faux. On en trouve dans les magasins de farces et attrappes. Ca c'est du concret. On ne peut pas nier.

Il s'est passé la même chose avec l'antimatière. On avait la matière et un groupe qui permettait de mettre cette matière "dans tous ses états". On pouvait la transporter "ailleurs", "plus tôt" ou "plus tard" dans l'espace-temps. Ce groupe étant construit à partir d'un autre, le groupe de Lorentz, toutes ces transformations possibles s'effectuaient avec une limitation : v < c . Mais on pouvait aussi "construire" des objets appelés photons, qui cavalaient à la vitesse c. En ajoutant une cinquième dimension on a pu ensuite (Kaluza-Klein) dote cet objet ponctuel d'une charge électrique. Avec ce groupe nous nouveau on pouvait s'amuser avec des particules chargés et les considérer elles aussi "dans tous leurs états". Mais on s'est aperçu (ça n'est pas exactement comme cela que ça s'est passé, historiquement, mais peu importe) qu'on pouvait trouver des éléments dans ce super-groupe, plus grand (une matrice (6,6) au lieu d'une matrice (4,4) ) qui inversaient cette cinquième dimension z , la "dimension de Kaluza".

On a dit plus haut que les particules faisaient l'objet d'une description comportementale. C'est :

Dis-moi comment tu te meus, je te dirai quoi tu es.

Un point matériel, non chargé électriquement, se meut dans un espace à 4 dimensions. Chacun de ces mouvements correspond à un certain choix de paramètres. Pour le non-initié, nous nous contenterons d'indiquer l'énergie E, seul objet qui parle à tout le monde.

Attributs liés à un mouvement : ( énergie E, etc....)

Les autres pourront en savoir plus en cliquant ici.

En physique, quand je rajoute une dimension, je rajoute aussi un attribut (pour les spécialistes, je reste schématique, je sais..). Si je rajoute la cinquième dimension z , apparaît un attribut supplémentaire qui est la charge électrique. J'obtiens ainsi :

Attributs liés au mouvement : ( Energie E, charge électrique q, etc...)

Les particules se déplacent alors dans l'espace à cinq dimensions ( z , x , y , z , t ).

Remarque au passage : c'est la grande mode de vouloir décrire le monde avec des dimensions supplémentaires. Sachez que si je rajoute des diemsions supplémentaire, je rajouterai à chaque fois (au moins) un nouvel attribut, un nouveau scalaire par exemple. Si je considère que j'ai "fabriqué" l'attribut charge électrique en ajoutant une dimension z2, je pourrais en ajouter une seconde et dire que ceci crée la charge baryonique. En ajoutant une septième z2 dimension j'aurais la charge leptonique, etc...

L'existence des "charges quantiques" a partie liée avec l'extension du nombre de dimensions.

Quand je considère mes dimensions, je sais qu'il se passe quelque chose si j'inverse par exemple une dimension d'espace. Si je change x en - x tout objet est inversé "droite-gauche".

Eh bien quand j'inverse la dimension la charge électrique est inversée. Limitons-nous à une description dans un espace pentadimensionnel. L'existence de cet élément dans le pgroupe

Tout à l'heure nous avons envisagé que des éléments d'un groupe permettent de transporter des figures géométriques. Nous aurions pu imaginer que nous puissions transporter des droites orientées, dans l'espace 3d. On imagine que le physicien pourrait se doter :

- D'un espace 4d, habité "par des trajectoires".

- D'un groupe permettant de passer d'une trajectoire à une autre.

Raisonnons en termes de particules. Celles-ci sont des espèces liées à l'ensemble (espace plus groupe). Imaginons que je considère une particule de masse m, se déplaçant à la vitesse V selon une certaine trajectoire. Je pourrai, en utilisant des éléments du groupe (j'appelerai ce groupe un "groupe dynamique" puisqu'il se réfère à la dynamique de particules, de points matériel) construire toutes les trajectoires de particules m se déplaçant à la vitesse V, dans toutes les direction. Je crerais alors "l'espèce de toutes les particules de masse m se déplaçant à la vitesse V".

Dans la pratique ce groupe s'appelle le groupe de Poincaré. C'est une extension du groupe de Lorentz. En choisissant un élément de ce groupe on peut transformer une trajectoire, dotée d'un certain nombre de paramètres (qu'on appelle Energie, puis impulsion, etc) en une autre trajectoire, associée à d'autres valeurs de ces paramètres. Mais ce groupe possède des propriétés très particulières. Nous avons dit que les trajectoires étaient orientées dans le temps. Il existe dans ce groupe deux sous-ensembles d'élements :

- Ceux qui n'inversent pas le temps et qu'on appelera, selon la terminologie de Souriau, orthochrones

- Ceux qui inversent le sens du temps et qu'on appelera antichrones.

Comme le groupe de Lorentz, le groupe de Poincaré émane d'une définition axiomatique. Jusqu'ici les physiciens ne se sont servis que des éléments orthochrones de ce groupe. Ils ont considéré que tout ce qui existait ne pouvait cheminer que du passé vers le futur, que l'univers n'était peuplé que d'objets orthochrones. Dans cette vision

objet = mouvement

Il était hors de question d'envisager des mouvements rétrochrones. Or c'est pourtant ce à quoi nous incitait Sakharov en ... inversant la flèche du temps dans son univers jumeau. Mais quelle pouvait bien être la signification physique d'un être aussi singulier !?!?

C'est là que se situe une découverte majeure, due à Souriau. Un mouvement est associé à un certain choix de paramètres, ensemble constituant ce que Souriau appelle le moment associé à ce mouvement. Le mouvement (relativiste) d'une particule considérée comme un point matériel est associé à un moment comprenant dix composantes. Le détail de tout cela ne peut être évoqué que pour des gens ayant quelques connaissances en physique théorique. Pour le non-physicien théoricien nous écrirons que le moment c'est :

( E , plus d'autres choses)

E étant l'énergie.

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