Le " Flow-Master " est un instrument très curieux, apparu dans les années cinquante. C'était en quelque sorte l'ancètre des markers. Les dessins ci-dessus illustrent bien la structure, très simple, de l'appareil : un porte feutre, noir, un tube creux, servant de container d'encre et un feutre cylindrique, terminé par une pointe ogivale. Le Flow-Master était en fait un marker qui marchait très mal (quand on voulait l'utiliser comme marker). En appuyant sur le feutre on actionnait une valve qui provoquait un afflux d'encre. Il fallait pomper un certain nombre de coups pour que l'encre se décide à parvenir à la pointe du feutre. Mais, dans ce cas-là, il devenait difficile d'en contrôler l'écoulement : quand le feutre devenait trop pauvre en encre, c'est à dire assez rapidement, le trait perdait de sa vigueur. A l'inverse, en pompant trop, l'appareil devenait ... incontinent.
Quand j'ai fait connaissance avec cet instrument, que j'ai utilisé pendant une bonne vingtaine d'années, je me suis mis à utiliser cette faculté de pouvoir encrer le feutre selon une vaste palette de nuances. Bien sûr, il eut été hors de question de tremper l'extrêmité du feutre dans un flacon. Alors je retournais le feutre, je donnais quelques coups de pompe, ce qui humectait le bout cônique, en contact avec la valve. Il me suffisait alors de remettre le feutre dans sa position initiale pour disposer d'un feutre encré. l'engin glissait merveilleusement sur les feuilles de canson. Les gris étaient carrément transparents. A l'inverse on pouvait obtenir des noirs très intenses, tout à fait dans le style encre d'imprimerie. Le tracé était à volonté totalement couvrant ou transparent. Evidemment, on se tachait les doigts. Cela faisait partie du jeu. L'encre sèchait très vite. Après, il fallait se laver les mains, mais la contrepartie était qu'il n'était pas nécessaire de fixer l'oeuvre.
J'ai vécu en vendant ces dessins pendant toutes mes années de jeunesse. Il m'arrive d'être invité chez des gens, au Quartier Latin, et de découvrir une de mes oeuvres, bien en évidence dans le salon. Il y en a aussi pas mal à Saint Tropez. je crois que j'en ai disséminé des milliers dans toutes les villes d'Europe, en particulier à Venise, lorsque je partais, les poches vides et mon carton à dessin sous le bras. En faisant une comparaison, le lecteur verra que le dessin au Flo-Master est très voisin du rendu obtenu avec un crayon lithographique.

Angelo était barman à " L'Esquinade ", la boite la plus en vue de Saint Tropez au temps où BB en était la vedette.

Maintenant je ne dessine plus au Flo-Master. La raison est simple : je n'ai plus d'encre et les magasins spécialisés pour artistes ont cessé de commercialiser ce produit d'un usage si problématique. Si quelqu'un avait par hasard un bidon contenant un peu d'encre et pouvait me l'envoyer, j'en serais très heureux. On ne sait jamais, finalement. En septembre 2001, en passant une annonce dans mon site Internet j'ai pu récupérer, grâce au cadeau d'un Canadien, un exemplaire de deux bandes dessinées que j'avais fait paraître dans le journal Spirou, au milieu des années soixante, la première s'intitulant "Le Voyage du Maxiflon" et l'autre "le Secret du Maelström". Un grand merci à lui. Dès que j'aurai le temps de scanner ces pages, elles iront compléter les CD.